« La pornographie crée une insatisfaction constante. Elle procure un plaisir éphémère, qui pousse à consommer toujours plus, toujours plus souvent et toujours plus hard. » Nicolas Frei, 26 ans, sait de quoi il parle : il y a été « accro » quasiment tous les jours de 10 à 21 ans. Tombé dans la marmite suite au visionnement d’une vidéo chez un copain, il évoque le sentiment de s’être senti assouvi et vide en même temps : « Après consommation, tu es désespérément seul. » A ses côtés, sa femme, Yaëlle, 28 ans, estime avoir été dépendante de la pornographie de l’âge de 14 à 23 ans. « Suite à des abus sexuels, j’ai voulu comprendre, ressentir des sensations : cela m’a encore plus détruite. »
Ateliers collaboratifs
Avant de se marier il y a quatre ans, le jeune couple a posé ses addictions sur la table et décidé d’un engagement réciproque « sans tierce personne virtuelle entre nous ». Il s’est ensuite investi en 2013 dans un programme d’aide aux femmes victimes de la traite des êtres humains en Afrique du Sud. « Et là, on a été bouleversés : on s’est rendu compte de l’ampleur du fléau et de son lien avec la pornographie ; et qu’on avait alimenté ce trafic monstrueux ! », témoignent-ils dans leur appartement de La Neuveville (BE).
Après deux ans de cogitations et de recherches sur le sujet, ces jeunes parents d’une petite fille d’un an ont décidé d’ouvrir en septembre prochain des ateliers collaboratifs1. L’objectif est d’offrir une possibilité aux personnes qui luttent contre cette addiction d’en parler. De déculpabiliser. Et de s’en sortir.
Combattre la déshumanisation
« Il s’agit d’apprendre ou de réapprendre à créer et s’investir dans des relations saines. Car le gros souci avec la pornographie, c’est qu’elle place les corps avant les personnes et qu’elle déshumanise les gens, explique Nicolas. Les scénarios mettent en avant des techniques, des rapports de domination, des scènes de violence ; les acteurs n’offrent aucun partage humain digne de ce nom. » Pas de pudibonderie pour autant : « Le sexe est une belle chose et fait du bien. La masturbation peut en certaines circonstances se vivre de façon saine », affirme-t-il. Depuis leur mariage il y a 4 ans, il leur est arrivé de revoir des images pornographiques. « Mais on en parle ensemble avec transparence et l’envie de renforcer notre fidélité, sans pour autant banaliser l’acte. »
Issus tous deux de milieux évangéliques, ils sont engagés dans l’Eglise L’Abri à La Neuveville (FREE). S’ils n’ont pas de formation en psychologie ou en accompagnement psychopédagogique, ils n’excluent pas de s’engager dans un cursus d’éducation sexuelle pour consolider le suivi qu’ils comptent offrir à celles et ceux qui souffrent de cette dépendance.
Gabrielle Desarzens
1 « 90 jours pour abandonner la pornographie », www.innocence.ch