Une première pasteure ordonnée en Israël-Palestine

lundi 06 février 2023

Sally Azar, 26 ans, a été ordonnée pasteure de l’Eglise luthérienne de Jordanie et de Terre sainte dimanche 22 janvier à Jérusalem. Sa nomination rencontre déjà des résistances dans une région « très patriarcale », a indiqué Marie-Armelle Beaulieu, rédactrice en cheffe de Terre sainte Magazine, le 5 février sur RTS La Première.

La Palestinienne chrétienne Sally Azar est la cinquième femme au Proche et Moyen-Orient à exercer le ministère de pasteure. Trois le sont au Liban et une en Syrie. Mais lors de son ordination dans l’Eglise du Rédempteur, dans la vieille ville de Jérusalem, les chaises réservées aux représentants des autres Eglises chrétiennes sont restées presque toutes vides. « Les premières réactions émanant de l’Eglise luthérienne et de l’Eglise anglicane ont été très positives, a témoigné Marie-Armelle Beaulieu dans l’émission Hautes Fréquences dimanche 5 février. En revanche, il y a eu très rapidement un flot de commentaires plutôt négatifs de la part du reste de l’ensemble de la communauté chrétienne. On a entendu parler de sacrilège, d’hérésie, voire d’obscénité. »

  • Des mots forts…

« Oui, mais elle a vraiment été insultée. J’ai vu un commentaire qui disait que c’était épouvantable de voir ses cheveux plaqués sur son visage alors qu’elle était à l’autel. Pour la majorité des fidèles ici, voir une femme avec une aube portant un calice choque. Beaucoup ne savent pas que dans la confession luthérienne, Jésus n’est pas présent dans le pain et le vin (comme dans l'eucharistie catholique ndlr). C’est pourquoi on a parlé de sacrilège. »

  • Dans les Eglises issues de la Réforme, une femme peut devenir pasteure. En quoi le contexte israélo-palestinien freine-t-il ces ordinations féminines ?

« Nous sommes ici en Asie, un autre continent. On n’a pas la même histoire ecclésiale que l’Europe. Dans cette région du Proche-Orient, la culture dominante aujourd’hui est musulmane. Et le fait que la communauté chrétienne soit très minoritaire dans un bassin musulman fait qu’il y a des influences. Nous avons ainsi une culture éminemment patriarcale. C’est l’homme qui domine tout. La femme en général n’a pas de responsabilité, donc pas non plus dans les Eglises et les différentes religions. »

  • Mais cette ordination va-t-elle avoir maintenant un impact au sein de la communauté chrétienne ?

« Au sein des communautés anglicanes et luthériennes, sans aucun doute. Je connais une jeune fille qui étudie déjà la théologie et pour qui Sally Azar est un exemple et probablement un moteur pour aller plus loin et éventuellement suivre le même chemin. Mais Anglicans et Luthériens sont une minorité dans la minorité chrétienne d’Israël-Palestine. Sur 180'000 chrétiens arabes, on compte au grand maximum 2'500 Luthériens, par exemple. La majorité est orthodoxe, de rite oriental. Et ces Eglises-là ne sont pas prêtes. Elles ne veulent même pas entendre parler d’un changement. Pour elles, le sacerdoce est réservé aux hommes. »

  • Sally Azar va travailler en partie auprès de la communauté anglophone, donc surtout auprès d’expatriés; est-ce une manière de ne pas brusquer les habitudes ?

« Elle-même dit qu’elle va travailler dans sa langue, l’arabe, pour les chrétiens de la micro-communauté luthérienne de Beit Sahour. Mais oui, effectivement, elle va consacrer un mi-temps à la minorité anglophone et c’est une façon de ne pas brusquer sa propre communauté. »

  • Mais y a-t-il quand même des mouvements qui militent pour l’ordination des femmes ?

« Non, il n’y en a pas. En Europe, nous avons connu de grands mouvements de réforme de l’Eglise à partir des années 50. L’Eglise catholique, en particulier, a eu le Concile Vatican II qui s’est clôt en 1965. Mais ici, en Israel-Palestine, cela faisait 20 ans que les Palestiniens étaient en conflit avec les Israéliens sur la question israélo-palestinienne. En 1967, c’était une nouvelle guerre avec l’annexion de Jérusalem par les Israéliens et la perte de leurs territoires qui étaient occupés par la Jordanie depuis 1948. Donc c’était le cadet de leurs soucis d’accueillir des évolutions ! Après, on a accueilli Vatican II en célébrant la messe non plus en latin mais en arabe. Mais si beaucoup de changements de mentalités se sont faits de façon relativement naturelle dans le bassin européen, rien de tel ici en raison notamment des guerres successives. Les Palestiniens ont essayé de garder la foi, c’est déjà pas mal. »

  • Depuis 2017, Sally Azar est la cinquième femme à être pasteure dans cette région du monde : peut-on y voir une ouverture au ministère féminin ?

« Personnellement je n’y crois pas. Le Liban est un pays où la culture a été beaucoup plus brassée avec la culture européenne et américaine. En Syrie, le cas de cette femme pasteure est tout à fait exceptionnel, presque plus que celui de Sally Azar. Je tisse un parallèle avec l’Eglise catholique romaine ici où il y a deux diacres permanents. Donc des hommes laïcs, mariés. Il n’y en a que deux qui ont été ordonnés il y a une dizaine d’années et il n’y en a pas eu de nouveaux depuis. Parce que le prêtre ici est homme, de préférence célibataire. On voit bien qu’il y a une sorte de dépréciation des prêtres mariés dans les Eglises orientales. Donc vous imaginez une femme prêtre ? On n’y est pas ! »

  • Qu’est-ce que vous souhaitez à Sally Azar ?

« Je lui souhaite d’être véritablement en mesure de donner le Christ et l’espérance qu’Il nous donne, dans une situation, dont vous n’ignorez pas qu’elle est ici particulièrement difficile pour la communauté chrétienne. Oui, nous avons besoin que nos pasteurs nous donnent véritablement le moyen de nous enraciner dans l’espérance, malgré les difficultés rencontrées. »

Propos retranscrits par Gabrielle Desarzens

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