« C’est comme un pays que vous découvrez, où vous rencontrez d’autres façons de faire. J’en reviens avec plein de numéros de téléphones ! » Il rit. David Richir de l’église de l’Oasis (FREE) de Morges est l’une des soixante personnes qui ont participé au premier Forum chrétien romand. Basée sur le témoignage personnel de chacune des personnes réunies dans de petits groupes interconfessionnels de 8 à 10 personnes, cette rencontre a permis une parole vraie entre évangéliques, pentecôtistes, réformés, catholiques et orthodoxes. « Des moments réellement profonds ! Sans gommer nos spécificités, nous nous sommes rapprochés les uns des autres en nous rapprochant de Christ. J’y ai tissé des amitiés importantes. » Entretien.
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Pourquoi avez-vous participé à ce forum romand ?
Je suis monté à Leysin parce que j’avais envie de rencontrer des croyants. J’ai ma tradition, mais je sais qu’il y en a d’autres comme je le vis d’ailleurs à la HET-Pro où il y a différents vécus de foi. Mais j’avais envie de m’ouvrir encore à d’autres façons de vivre sa spiritualité. Car je sais combien c’est enrichissant. Dans les petits groupes, les étiquettes sont rapidement tombées. Alors oui, il y a des façons de parler, d’aborder certains sujets. Quand une sœur catholique dit avoir vécu quelque chose de fort avec Dieu dans un temps de procession, enfant, c’est sûr que cela m’est étranger. Mais cela m’a rappelé des moments autour d’un feu lors d'un camp chrétien ! Et on a pu partager ces moments forts. J’ai pu discerner Dieu à l’œuvre dans la vie de croyants qui sont très différents de moi. On a vécu en fait un œcuménisme des personnes, non pas institutionnel, mais de cœur à cœur, fraternel, où les échanges ont été riches.
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Comment se fait-il qu'un tel forum a été mis sur pied en Suisse romande ?
Le Conseil œcuménique des Eglises (COE) s’est demandé qui manquait autour de la table de la famille chrétienne. Il s’est rendu compte que c’étaient les évangéliques. Il a créé le Forum chrétien mondial à la fin des années 90. Le but de ces rencontres – comme dans une version francophone à Lyon il y a trois ans –, est de réunir pour moitié des responsables d’Eglises dites historiques, et pour moitié des évangéliques qui constituent la grande mouvance chrétienne en plein essor au 20è siècle, mais avec laquelle le mouvement œcuménique n’arrivait pas à se connecter. Cette année, c’est la première fois qu’un forum romand a été mis sur pied avec un accent porté sur le témoignage individuel. Cela a fait mouche pour les évangéliques, qui sont plus à l’aise avec des individus plutôt qu’avec des institutions. Le Réseau évangélique suisse a d’ailleurs été l’un des partenaires du comité d’organisation.
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Qu’est-ce que vous avez particulièrement apprécié ?
Le fait qu’on a osé s’ouvrir. Par exemple, dans le petit groupe où j’étais, une personne qui avait des responsabilités dans son église se demandait si elle était bien à sa place. Elle a partagé ce questionnement très intime sur sa vocation. Et on en a parlé. Comme on a aussi prié ensemble. On était frères et sœurs, vraiment, dans la confiance et la vulnérabilité.
Le temps passé ensemble, sur trois jours, les moments informels comme pendant les repas, ont permis aussi beaucoup d’échanges. Et des échanges très beaux. Bienfaisants.
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Est-ce que le rapport Sauvé sur la pédo-criminalité dans l’Eglise catholique récemment publié en France a été abordé ?
Oui, il a été évoqué en ouverture au forum. En termes de colère, de tristesse et de honte. Ce que ce rapport dénonce est horrible et cela a été présenté comme tel. Et il a été souligné que quand un membre de l’Eglise souffre, c’est le corps dans son ensemble qui souffre. On a mal. Et on a la responsabilité de prier et de s’occuper des victimes. Comme des bourreaux, d’ailleurs.
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Dans le document final, il est mentionné que les différentes sensibilités ecclésiales et théologiques ont pu s’exprimer. Comment avez-vous pu faire valoir votre sensibilité évangélique ?
Elle a été valorisée dans le temps de prière et de chant qui nous a été confié, comme il a été confié à d’autres traditions aussi. J’ai remarqué que beaucoup connaissaient bien nos chants, même les plus récents ! A titre personnel, j’ai pu amener une méditation. J’y ai sans doute apporté ma sensibilité en demandant et réfléchissant à ce que le texte choisi pouvait nous dire. Il y avait cette volonté de ne pas gommer les différences, mais de s’en enrichir.
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Avec quoi êtes-vous rentré ?
Avec plein de relations nouvelles ! Tout à fait concrètement, j’invite dans les jours à venir une sœur catholique à animer une lectio divina à la HET-Pro et à témoigner. Mais vous savez, la pasteure réformée Hetty Overeem a laissé une interpellation qui m’a marqué : c’est de ne pas rechercher tant l’unité que Dieu. Que c’est ainsi que l’on peut se rapprocher. Cela me semble très juste et très important.
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Qu’aimeriez-vous enfin dire aux évangéliques très frileux par rapport à l’œcuménisme ?
Je pense que les églises qui ont créé le mouvement œcuménique ont été celles dont les évangéliques se sont séparés. Et puis il y a une méfiance des évangéliques face aux institutions. Mais je crois qu’ils font du chemin. Ce que j'aimerais leur dire, en fait, c'est que l’œcuménisme consiste avant tout à rencontrer un chrétien d’une autre tradition et à réaliser qu’on a Christ en commun. C’est ce genre de rencontres que j’incite tous les évangéliques à vivre. Car elles nourrissent notre chemin de foi. L’élargissent. C’est de l’interculturel au niveau spirituel : cela m’apporte une sagesse, une autre vision du monde, une autre vision de l’être humain. C’est précieux.
Propos recueillis par Gabrielle Desarzens