Voyager ? Oui, mais autrement

lundi 15 mars 2021

Avec la pandémie, les gens du voyage se retrouvent bloqués dans leurs quartiers d’hiver. Grâce aux beaux jours qui reviennent, ils se déplacent en Suisse et espèrent franchir les frontières sous peu. Pour l’heure, leurs itinérances se font, du moins pour certains d’entre eux, en musique. Rencontre.

Il a le chapeau noir enfoncé sur la tête, le regard qui raconte ce qu’il ne dit pas. Cet après-midi de mars, le Manouche May Bittel, qui se définit comme pasteur évangélique, s’exprime au bord d’un feu, à la lisière des caravanes et du mobile home dans lequel il habite. Une petite rivière borde ce quartier de Céligny (VD) et les flammes crépitent. « Le feu, c’est ce que nous faisons pratiquement toujours quand on arrive quelque part. C’est important : il rassemble, permet de cuire, dit le partage et la fête ! Et il nous met aussi en mémoire tous les feux qu’on a vécus précédemment avec nos parents et grands-parents… » Une voiture arrive. Le Tsigane1 de 70 ans cause avec son petit-fils, puis invite à poursuivre la discussion dans l’habitation qu’il a construite de ses mains. Dans quelques semaines, il va partir « en mission », dit-il. Et notre homme d’énumérer Etoy, Zurich, le canton d’Argovie, Lausanne, Morges, puis le Tessin. « Et en août, on espère comme chaque année pouvoir aller en France à la Convention évangélique des gens du voyage. Un rassemblement qui réunit de 6 à 12'000 caravanes, ce qui correspond à un nombre qui varie entre 60 et 120'000 personnes. 

Une histoire de gènes…

Le voyage ? « C’est dans nos gènes. On ne peut pas expliquer pourquoi on est toujours en route, c’est comme ça. Vous pouvez arrêter de respirer, vous ? Eh bien moi, je ne peux pas m’arrêter de voyager. Il s’agit de se voir entre nous. Et puis de voir, tout court. » Aux murs de sa maison, deux guitares sont suspendues. Des instruments essentiels dans sa vie de nomade : « Ce sont les objets qui symbolisent le plus notre manière de vivre. Parce qu’à travers la musique, les gens ressentent ce qu’on essaie d’exprimer. La colère, la haine. Mais l’amour aussi. Et la joie. C’est le moyen par excellence de voyager. » May Bittel en saisit une et explique : « On est passé maître dans le fait de s’adapter. Alors quand je vais en Suisse allemande, j’accompagne des personnes qui jouent de l’accordéon. Puis ailleurs, j’accompagne des cantiques. Notre musique n’est jamais statique. » Il joue alors un morceau qu’il dit emprunter à Django Reinhardt, célèbre musicien de jazz manouche. Et c’est vrai qu’au fil de ses notes, le feu, la vision d’une communauté réunie ne sont pas loin. 

… et de transmission

Mais May Bittel pose l’instrument et reprend : « Ma petite-fille est déjà loin. Elle s’est mise sur un emplacement avec d’autres gens du voyage. Il faut comprendre que le nomadisme nous permet de nous rapprocher les uns des autres. Les enfants apprennent par ce biais beaucoup de choses en voyant les plus anciens travailler. Comprenez : on a besoin les uns des autres. On vit pour et par le groupe. » Il évoque alors la transmission de valeurs, comme le respect de l’autre. Et de Dieu. « Parce que le côté spirituel chez nous est très développé. Nous avons toujours été très croyants. C’est simple : on a tellement été pourchassé comme des vauriens, que l’on s’est réfugié dans la foi où on savait que là, au moins, il y avait quelqu’un qui ne nous mettrait pas dehors ! »

La Bible, un livre pour voyager ?

Covid oblige, le Manouche a dû apprendre à pianoter sur l’ordinateur. « Une autre façon encore de voyager !» Car tous les lundis, il organise par ce biais des rencontres avec des gens « qui ne parlent que manouche », se réjouit-il. Jusqu’à 800 personnes de quelque huit pays se retrouvent ainsi pour entendre parler de l’Evangile. « Mais on attend d’être débarrassé de cette pandémie pour aller quand même en Allemagne, en Hollande où on nous demande ! » Et quand il part, May Bittel prend toujours sa vieille bible au revêtement de cuir. Des versets y sont soulignés. « C’est aussi le moyen par excellence de cheminer, d’ailleurs. Et nous l’utilisons. Car Dieu a dit que l’homme ne vivra pas de pain seulement. » Son petit-fils Kenzo passe la porte, saisit la guitare et se met à chanter… en manouche. On l’écoute. Puis il traduit et indique avoir chanté des paroles qui invitent Jésus à venir dans sa vie pour lui apporter de la joie. Il ajoute que ce n’est pas qu’un chant. Que c’est quelque chose qu’il vit tous les jours.

Il faut vivre les textes

Son grand-père acquiesce. Et évoque enfin ses voyages en Terre sainte, où il emmène régulièrement « ses gens », à raison de 100 à 200 participants par périple : « Je fais souvent ça pour expliquer un peu la vie de Jésus. Car il faut vivre les textes. Sur place, on voit les endroits dont ils parlent, et on peut s’imaginer comment les choses se sont passées. Les personnes que j’emmène comprennent ainsi que la Bible, ce n’est pas un mensonge. »

Gabrielle Desarzens

1 Tsigane est le nom générique pour les gens du voyage. Il regroupe les communautés manouches, roms, yéniches et gitanes. 

  • Encadré 1:

    Partir en voyage sans se déplacer

    Alors que la pandémie a drastiquement restreint les déplacements à travers le monde, l’émission Hautes Fréquences sur RTS La Première, la revue jésuite Choisir et le Festival Histoire et Cité ont décidé de proposer, en partenariat, différentes approches de la thématique du voyage, à découvrir prochainement :

    Hautes Fréquence sur RTS La Première à 19h, le 21 mars

    Le dernier numéro de la revue Choisir est à consulter depuis mercredi 24 mars sur choisir.ch

    Le Festival Histoire et Cité du 24 au 29 mars est à suivre sur le site histoire-cite.ch

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  • Surmonter les abus au fil d’un conte

    Surmonter les abus au fil d’un conte

    Il était une fois… une enfant abusée, dont les larmes sont recueillies par une grenouille qui l’accompagne jusqu’au Roi d’un royaume fabuleux. Dans cette histoire, la psychologue Priscille Hunziker parle de la prise en compte de la souffrance. « Le voyage que fait la petite Emmy, c’est la métaphore d’un accompagnement psycho-spirituel », dit-elle mercredi 6 avril. Rencontre.

    jeudi 07 avril 2022
  • Noël, ou devenir des sauveurs sur les pas de Jésus

    Noël, ou devenir des sauveurs sur les pas de Jésus

    Au Liban, les habitants vivent l’intensité de la vie face à l’intensité de la mort, selon les mots du théologien et prêtre maronite Fadi Daou rencontré à Genève. Il invite notamment ses concitoyens à devenir des sauveurs… sur les pas de Jésus.

    mardi 21 décembre 2021
  • Noël, ou sortir de nos jugements

    Noël, ou sortir de nos jugements

    Thierry Lenoir est aumônier à 100% à la clinique de La Lignière à Gland. Cet ancien pasteur adventiste parle de l’esprit de Noël en termes de jugements moraux, sociaux et religieux à mettre de côté. Une réflexion qu’il partage dans l’émission Hautes Fréquences diffusée dimanche 19 décembre à 19 heures sur RTS La Première.

    mercredi 15 décembre 2021
  • « Votre couple a 2, 10, 30 ans au compteur ? Prenez-en soin ! »

    « Votre couple a 2, 10, 30 ans au compteur ? Prenez-en soin ! »

    On investit dans nos carrières professionnelles, dans nos maisons… mais pas assez dans notre couple. C’est le constat que dressent Marc et Christine Gallay, le couple pastoral de l’église évangélique (FREE) de Lonay. Qui pratique avec bonheur une méthode dite « Imago », qui met la cellule de base créée par Dieu à l’honneur. Rencontre.

    lundi 01 novembre 2021
  • Pour les Terraz et les Félix, des choix porteurs de vie

    Pour les Terraz et les Félix, des choix porteurs de vie

    Abandonner la voiture et emménager dans une coopérative d’habitation ?... Deux couples de l’Eglise évangélique (FREE) de Meyrin ont fait ces choix qu’ils estiment porteurs de vie. « Le rythme plus lent du vélo a vraiment du sens pour moi », témoigne Thiéry Terraz, qui travaille pour l’antenne genevoise de Jeunesse en mission. « Je trouve dans le partage avec mes voisins ce que je veux vivre dans ma foi », lui fait écho Lorraine Félix, enseignante. Rencontres croisées. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

    vendredi 22 septembre 2023
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    Vivian symbolise l’espoir pour tous ceux que la vie malmène. Aujourd’hui, cette trentenaire tanzanienne collabore comme assistante de direction au siège de Compassion à Arusha, en Tanzanie. Mais son parcours de vie avait bien mal débuté… Nous avons rencontré Vivian au bureau suisse de l’ONG à Yverdon, lors de sa visite en mars dernier. Témoignage.

    jeudi 15 juin 2023
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    Elle puise dans le judaïsme de quoi nourrir sa foi chrétienne. La théologienne et pasteure Francine Carrillo écoute, calligraphie et fait parler les lettres hébraïques qui, selon elle et avec toute la tradition juive, sont porteuses de sens et d’espérance. Rencontre.

    lundi 20 juin 2022
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    Anaël Bussy vient de démarrer comme ébéniste indépendant à Chevilly, près de La Sarraz. Parmi ses premières réalisations, des plateaux en bois, destinés à la distribution de la Sainte-Cène.

    vendredi 20 mai 2022

eglisesfree.ch

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    Des personnes actives dans le social d’un côté. Des personnes avec des besoins de l’autre. L’Église évangélique « La Colline » (FREE), à Crissier, s’est dotée d’une structure qui met en rapport les compétences et les besoins. Et cela s’appelle ReConnexion. À découvrir. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Églises évangéliques.]

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    En décembre 2024, la FREE et le Service de missions et d’entraide (SME) organisent leur traditionnelle « Action de Noël ». Il s’agit d’une offrande spéciale, destinée à soutenir deux projets importants. Cette année, vos dons contribueront à la relève pastorale en Suisse romande, ainsi qu’au développement d’une école au Sénégal.

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