De retour de Slovaquie, Gabrielle Desarzens
La Slovaquie est un pays traditionnellement catholique. « Les députés d’extrême-droite élus au début du mois se réclament abusivement du christianisme et c’est très dommageable », fulmine le prêtre jésuite Tomas Jellus, qui regrette la fermeture de son pays aux migrants. « Pendant la période communiste, les Slovaques essayaient de s’enfuir dans d’autres pays. Maintenant, on a une peine folle à accueillir des réfugiés : nous n’avons rien appris de notre propre histoire et c’est une catastrophe ! » Tomas Jellus est le Père responsable de la communauté jésuite de Bratislava. Il s’emporte : « Le pays est à 70% catholique ? Beaucoup de citoyens ne pratiquent plus et le manque de diversité religieuse nous appauvrit. Le gouvernement, son premier ministre Robert Fico en tête, tient un discours anti-migrants et anti-musulmans à des fins électorales et politiques ; et le peuple voit les réfugiés uniquement au travers des médias qui en parlent en termes de ‘terroristes’ et de ‘violeurs’. » Les attentats de Bruxelles confirment l’habitant lambda dans sa peur, mais il reste raciste par méconnaissance. Or l’accueil de l’autre, de l’étranger, c’est au cœur de l’éthique chrétienne, estime-t-il.
Depuis le début de son existence en 1993, la Slovaquie n’a accordé le statut de réfugiés qu’à 1200 demandeurs d’asile, lui fait écho dans la capitale Bratislava, Zuzana Stevulova, directrice de l’ONG La Ligue des droits de l’homme. « Une partie de la population voit encore en Jozef Tiso, prêtre catholique et président proclamé d’une Slovaquie autonome entre 1938 et 1939, un héros national. Mais il s’était alors révélé violemment anti-sémite et pro-nazi. Les catholiques sont donc très divisés sur la question des migrants et je pense que Robert Fico ne devrait pas s’appuyer sur la tradition catholique du pays ! » Surtout que cette animosité envers l’altérité s’étend à la minorité rom de Slovaquie, qui représente 9% de la population.
« Al Qaïda n’est pas mon pays »
Les partisans de l’extrême-droite sont en augmentation et la situation des migrants se péjore. Les trois Afghans présents ce jour-là dans les locaux de l’ONG confirment un durcissement à leur égard. Quand il entend Robert Fico dire qu’il veut « surveiller tous les musulmans », Younes, 25 ans, rétorque que cela le dérange beaucoup que l’on induise que tous les adeptes de l’islam sont mauvais. En Slovaquie depuis 3 ans, il se fait depuis peu appeler « petit Al Qaïda » dans la salle de sport qu’il fréquente. « Je n’y réponds pas. Sauf une fois à une personne qui insistait : je lui ai dit qu’Al Qaïda n’était pas le nom d’un pays... et que je n’allais rien lui faire. » A ses côtés, Ferdaus, 38 ans, indique que comparativement à un collègue rom qui travaille avec lui dans le même café, il se sent… bien intégré.
« En décembre dernier, 150 migrants irakiens ont été transférés dans notre pays. Leur venue a ouvert la mentalité des Slovaques qui ont eu la chance d’être en lien avec eux », commente encore Tomas Jellus, qui souhaite la répétition de ce genre d’opération dans un souci d’humanité avant tout.
La Slovaquie a été le premier pays à se prononcer contre les quotas de réfugiés devant la Cour de justice de Bruxelles. En juillet prochain, elle doit prendre les rênes de la présidence du Conseil de l’Union européenne.
Dimanche 3 avril à 19h05, Gabrielle Desarzens proposera un dossier dans l’émission Hautes Fréquences sur RTS La Première autour de l’immigration en Slovaquie.