Gandhi Marinova : enlevée en Angola pour mieux combattre en Guinée

mercredi 26 octobre 2011

Infirmière missionnaire et ex-otage en Angola, Gandhi Marinova a aussi été pionnière en Guinée-Conakry du travail de l’Alliance missionnaire évangélique. A la Tour-de-Peilz, elle témoigne de son parcours de vie durant lequel Dieu, dit-elle, est resté à ses côtés.

Elle est née en Bulgarie, a vécu 35 ans en Afrique, parle le suisse allemand aussi bien que le français... et n’aime pas son prénom à consonance indienne. « Gandhi... c’est ennuyeux ce nom », s’excuse-t-elle. Gandhi Marinova est aujourd’hui une vieille dame alerte de 81 ans. En Suisse depuis 15 ans suite à 35 ans de travail en Angola puis en Guinée-Conakry, cette membre de l’Eglise évangélique la Passerelle à Vevey (FREE) accueille ses visiteurs dans son petit appartement de la Tour-de-Peilz. « Dieu m’a aidée, il m’a donné les forces. Oh, pas beaucoup à l’avance... Mais il me les a données. Et il était là, au cœur de la souffrance et de l’injustice », déclare-t-elle.
D’abord discrète sur la prise d’otages dont elle a été victime – ses ravisseurs lui ont fait parcourir 3200 kilomètres à pied pendant 7 mois en Angola à l’âge de 48 ans –, elle évoque son enlèvement comme un temps de préparation pour son engagement suivant en Guinée, il y a juste 30 ans. « J’ai vu en Angola les trois hôpitaux dans lesquels j’avais travaillé complètement détruits ; puis mes longs mois de captivité m’ont véritablement entraînée à la vie dure, à la solitude intense et au combat spirituel. Cette expérience m’a permis ensuite de tenir le coup à 800 kilomètres de Conakry, avec trois autres collaborateurs, dans la forêt où il pleuvait 9 mois sur 12... Mais je l’ai compris bien plus tard. Comme quoi Dieu donne un sens aux événements qu’on ne comprend pas sur le moment. C’est d’ailleurs ce qui me pousse à témoigner aujourd’hui encore, même si je n’aime pas me mettre en avant. »
 
Une machette sur les genoux
Gandhi propose café et biscuits. Et puis revient sur son enlèvement, une machette posée sur les genoux : « Un outil qui permet de faire son chemin dans la jungle africaine comme de couper des têtes. » Elle se rappelle d’ailleurs très bien avoir vu la lame prête à tomber sur elle : « C’était à Noël en 1977. Les rebelles angolais de l’Unita* ont envahi notre petit hôpital missionnaire et tout saccagé. Alors que j’étais à terre sur le sol de la terrasse, un soldat était prêt à me tuer quand j’ai entendu un autre intervenir : ‘Ne la tue pas !’ Dieu était quand même là », commente-t-elle. Ce prénom qu’elle n’aime pas lui a sauvé la vie quelques jours plus tard : « Des militaires sont arrivés une fois au camp avec des têtes ennemies en mains. Voyant que je réprouvais leur violence, ils ont pensé que j’étais contre eux. J’ai alors eu la présence d’esprit d’expliquer que je portais le même nom qu’un homme de paix (ndlr : le Mahatma Gandhi a été l’apôtre de la non-violence et leader de l’indépendance indienne) qui était venu se former en Afrique bien avant moi... »
 
Au bénéfice de nombreuses formations
De sa naissance dans une mission américaine en Bulgarie, elle ne parle guère. « Ma mère est morte en couches. Mon père peu après. Une infirmière suisse alémanique m’a ensuite recueillie et prise avec elle pour m’élever ici en Suisse. Cette maman adoptive a voulu que je devienne comme elle, infirmière et missionnaire. Cela ne s’est pas fait tout seul ! » Etudes d’infirmière, stage en salle d’opération, formation de sage-femme à Londres suivie d’un cours de médecine tropicale, une année d’école biblique et l’apprentissage de la langue portugaise : Gandhi s’est dotée d’un sérieux bagage avant de se rendre sur le terrain.
« J’ai passé 20 ans en Angola puis 15 en Guinée Conakry. Entre les 2, il y a eu mon enlèvement et 2 ans passés en Suisse. Traverser des zones à hauts risques, toujours en fuite, sans pouvoir parler reste un événement qui a marqué ma vie, c’est sûr ; et la machette m’impressionne d’ailleurs encore, vous savez. Une chose est sûre : si je n’ai jamais su ce que mes ravisseurs allaient faire de moi, Dieu m’a protégée. Non seulement des balles, mais aussi des maladies, des accidents, de la dépression... et la Bible que j’ai pu obtenir a été la Parole vivante qui m’a gardée en vie. »
Gabrielle Desarzens
 
Notes
* L’Unita – l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola – a participé à la guerre civile qui a sévi dans ce pays entre 1975 et 1991. L’Unita soutenue par l’Occident s’opposait au MPLA, marxiste et soutenu par Moscou.
 
Flora Quintin, Histoires d’otages, RDF, 1994.
Infos sur l’AME : www.sam.ame.org
Publicité
  • Surmonter les abus au fil d’un conte

    Surmonter les abus au fil d’un conte

    Il était une fois… une enfant abusée, dont les larmes sont recueillies par une grenouille qui l’accompagne jusqu’au Roi d’un royaume fabuleux. Dans cette histoire, la psychologue Priscille Hunziker parle de la prise en compte de la souffrance. « Le voyage que fait la petite Emmy, c’est la métaphore d’un accompagnement psycho-spirituel », dit-elle mercredi 6 avril. Rencontre.

    jeudi 07 avril 2022
  • Noël, ou devenir des sauveurs sur les pas de Jésus

    Noël, ou devenir des sauveurs sur les pas de Jésus

    Au Liban, les habitants vivent l’intensité de la vie face à l’intensité de la mort, selon les mots du théologien et prêtre maronite Fadi Daou rencontré à Genève. Il invite notamment ses concitoyens à devenir des sauveurs… sur les pas de Jésus.

    mardi 21 décembre 2021
  • Noël, ou sortir de nos jugements

    Noël, ou sortir de nos jugements

    Thierry Lenoir est aumônier à 100% à la clinique de La Lignière à Gland. Cet ancien pasteur adventiste parle de l’esprit de Noël en termes de jugements moraux, sociaux et religieux à mettre de côté. Une réflexion qu’il partage dans l’émission Hautes Fréquences diffusée dimanche 19 décembre à 19 heures sur RTS La Première.

    mercredi 15 décembre 2021
  • « Votre couple a 2, 10, 30 ans au compteur ? Prenez-en soin ! »

    « Votre couple a 2, 10, 30 ans au compteur ? Prenez-en soin ! »

    On investit dans nos carrières professionnelles, dans nos maisons… mais pas assez dans notre couple. C’est le constat que dressent Marc et Christine Gallay, le couple pastoral de l’église évangélique (FREE) de Lonay. Qui pratique avec bonheur une méthode dite « Imago », qui met la cellule de base créée par Dieu à l’honneur. Rencontre.

    lundi 01 novembre 2021
  • « Auras-tu été toi ? »

    « Auras-tu été toi ? »

    Elle puise dans le judaïsme de quoi nourrir sa foi chrétienne. La théologienne et pasteure Francine Carrillo écoute, calligraphie et fait parler les lettres hébraïques qui, selon elle et avec toute la tradition juive, sont porteuses de sens et d’espérance. Rencontre.

    lundi 20 juin 2022
  • Anaël Bussy, ébéniste, fabrique du matériel pour le culte

    Anaël Bussy, ébéniste, fabrique du matériel pour le culte

    Anaël Bussy vient de démarrer comme ébéniste indépendant à Chevilly, près de La Sarraz. Parmi ses premières réalisations, des plateaux en bois, destinés à la distribution de la Sainte-Cène.

    vendredi 20 mai 2022
  • Souffrance psychique : faire voir le bout du tunnel

    Souffrance psychique : faire voir le bout du tunnel

    Les maladies psychiques n’épargnent pas les chrétiens. Après avoir traversé deux épisodes de décompensations et deux hospitalisations, Emmanuelle De Keuster de l’église évangélique d’Echallens (FREE) a ressenti le besoin d’exprimer son vécu à travers un CD et d’aller à la rencontre de personnes en souffrance psychique.

    lundi 04 avril 2022
  • Un accueil communautaire en devenir sur la Riviera lémanique

    Un accueil communautaire en devenir sur la Riviera lémanique

    De la chapelle de Villard (FREE) à celle, toute monacale, des clarisses de Jongny : Maude Zolliker, 28 ans, nourrit avec 5 autres jeunes adultes le projet d’ouvrir une communauté d’accueil sur le domaine de la Grant Part jusque-là animé uniquement par les Sœurs. Une façon pour elle de vivre sa foi « concrètement ».

    mercredi 02 février 2022

eglisesfree.ch

  • FREE : une première « Journée stratégique »

    Ven 03 février 2023

    Les personnes qui exercent un rôle dans la FREE se sont réunies en janvier pour réfléchir à la mise en œuvre de la nouvelle « gouvernance à autorité distribuée » (1). Retour sur une « Journée stratégique » conviviale et studieuse.

  • Commission Afrique et Moyen-Orient

    Lun 16 novembre 2020

    En lien avec les Œuvres et Eglises concernées et avec les autres commissions géographiques (Asie et Europe), la commission Afrique-Moyen Orient (CAMO) a pour objectif d'accompagner (écouter, conseiller, soutenir, encourager, visiter...) les envoyés avant, pendant et après leur engagement en Afrique et au Moyen-Orient.

  • Gouvernance partagée à la FREE: 4 postes sont mis au concours

    Jeu 16 décembre 2021

    Après bientôt une année de discussion et de réflexion, la Rencontre Générale de la FREE a donné son feu vert pour la première étape concrète du changement de gouvernance de la FREE: la restructuration du poste de Secrétaire général, créé en 2007 lors de la fusion de la FEEL et des AESR, en plusieurs postes de Responsables de secteurs - de cercles comme on le dira dorénavant. Si certains d'entre eux restent bénévoles (comme l'Administration ou la Mission), 3 d'entre eux vont devenir salariés, entre 25 et 40%.

  • Rencontre générale de la FREE : vers une transformation radicale du poste de Secrétaire général

    Lun 29 novembre 2021

    La Rencontre générale de la FREE, qui s’est tenue le 27 novembre 2021 à Lonay, a décidé de transformer le poste de Secrétaire général en une équipe de « coordinateurs ». Cette évolution, ainsi que l’introduction progressive de la gouvernance partagée, devrait rendre la gestion de la FREE plus souple et plus accessible aux jeunes générations.

LAFREE.INFO

  • Laisser au sexe ses droits

    Ven 24 mars 2023

    Cette prise de position du pasteur Jean-René Moret, pasteur dans l’Eglise évangélique de Cologny (FREE), à Genève, a été publiée dans le journal « 24 heures » du 20 mars 2023. Elle rappelle que la médecine est incapable d’opérer des changements de sexe de manière complète. Du coup, il serait préférable d’aider les plus jeunes à s’accepter tels qu’ils sont, plutôt que de leur faire des promesses impossibles à tenir.

  • Mission Prayer and Praise Night : 180 jeunes et moins jeunes invités à « rêver en grand » la mission

    Ven 24 mars 2023

    Le 17 mars dernier, pas loin de deux cents personnes de la région biennoise ont participé à la soirée Mission Prayer & Praise Night. Les messages, témoignages et échanges avec des acteurs de la mission sur les stands ont sensibilisé la jeune génération aux différentes formes que peut prendre l’engagement missionnaire. Et ont peut-être fait naître des vocations. Retour sur l’événement.

  • Trente princesses à Blonay

    Ven 24 mars 2023

    Quelque trente fillettes de quatre à sept ans ont participé, en novembre dernier, à un « Goûter des princesses » organisé par l’Eglise évangélique de Blonay (FREE). Retour sur un événement qui a fait beaucoup d’heureuses. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

  • Processus de reconnaissance des évangéliques vaudois: quelques Eglises ont rendu leur dossier complet

    Jeu 23 mars 2023

    Dans le canton de Vaud, la Fédération évangélique vaudoise (FEV) a déposé en avril 2019 sa demande de reconnaissance d’intérêt public auprès de l’Etat. Où en est le processus ? Comment se passent les relations avec les instances politiques ? Entretien avec David Rossé, pasteur dans l’Eglise FREE La Fraternelle, à Nyon, et vice-président de la FEV depuis le 9 mars 2023.

Instagram

Suivez-nous sur les réseaux sociaux !