L’arrivée du covid-19 en décembre 2019 en Chine s’inscrit dans le cadre d’une augmentation généralisée des maladies infectieuses dans le monde. C’est l’avis du chercheur au CNRS Serge Morand, dans un entretien avec Marion Paulic en mars 2020 (1). L’augmentation est constante depuis les années 1920 et particulièrement après la Deuxième Guerre mondiale. Pourtant, depuis le XIXe siècle, grâce aux progrès de l’hygiène, le nombre de morts dus à des maladies infectieuses a fortement diminué, jusqu’à l’arrivée de la dévastatrice grippe « espagnole » pendant la Première Guerre mondiale.
Pourquoi donc ces maladies augmentent-elles, alors que globalement la mortalité infantile recule et que la population mondiale a un meilleur accès aux services de santé ? La réponse est liée aux modifications des relations entre les animaux et les humains, selon Serge Morand. En effet, depuis 1950, la production mondiale de viande a été multipliée par 7 en 60 ans, alors que la population était multipliée par 3 pendant la même période. Ces changements de régime alimentaire ont coïncidé avec le développement de l’élevage industriel. On a vu ainsi apparaître des fermes d’engraissement de plusieurs milliers d’individus, qui consomment, dans de nombreux pays, des céréales cultivées sur des terres gagnées sur les forêts. Les superficies disponibles pour la faune sauvage ont été fortement réduites, particulièrement dans les zones à forte densité de population, comme l’Asie ou l’Europe.
L’homme modifie les équilibres globaux
Dans son rapport publié tous les deux ans au sujet de la biodiversité « Planète vivante », le WWF indique que près de 20 % de la forêt amazonienne a disparu en 50 ans. Entre 2000 et 2014, le monde a perdu au total 920’000 km2 de forêts intactes, une surface quasi égale à la France et l'Allemagne réunies. Contrainte de se déplacer, la faune sauvage entre en contact avec les animaux domestiques. Cette proximité est connue pour favoriser l’émergence des maladies infectieuses. Un virus qui vit sur un animal sauvage, comme la chauve-souris, peut ne pas poser de problème, mais devenir extrêmement pathogène, quand il mute et s’adapte à une espèce domestique, comme le porc. Quand ces derniers sont élevés en masse et surtout avec une variabilité génétique très pauvre (2), cela laisse le champ libre au virus, qui peut se transmettre à l’homme et se répandre à grande vitesse.
Ce qui a changé au XXe, puis au XXIe siècle, c’est l’entrée dans « l’anthropocène », cette période marquée par l’influence qu’exerce l’être humain sur le système terre. Pour la première fois dans l’histoire de la Terre, l’homme a réussi à modifier le fonctionnement même de notre planète. Hélas, cela ne s’est pas fait à son bénéfice. Nous assistons plutôt à un effondrement des équilibres qui caractérisaient la seule planète de notre système solaire qui abrite la vie.
Après une autorité exercée abusivement, un retour de bâton ?
Cette industrialisation a vu le jour en Europe par le développement de la pensée de Descartes et des Lumières. Celle-ci a amené une chosification de la nature et introduit une vision mécaniste du monde, dans un processus qui a malheureusement aussi été appliqué au vivant. Au lieu d’exercer son mandat de gestion de la nature de façon responsable (3), l’homme a produit sa nourriture en utilisant les règles de maximisation du profit, au détriment de la durabilité et du respect de la Création.
Aujourd’hui, face au covid-19, il est intéressant de constater que dans certaines parties du monde, il ne fait aucun doute que ce qui arrive est une punition de Dieu. « Dieu est fâché avec nous », comme on peut l’entendre dans de nombreux témoignages sur la Toile. Dieu laisse-t-il la nature se venger ? Et si nous récoltions « simplement » ce que nous avons semé ? Appartenant à la Création, les atteintes à cette dernière par les humains finissent par se retourner contre eux. Nous observons aujourd'hui de plus en plus les conséquences des mauvais choix d’une partie de l’humanité par rapport à la Création, ce qui ne doit pas nous empêcher de travailler à la réconciliation avec elle.
Il est probable qu’après cette crise, on édicte des lois pour augmenter les stocks de matériel médical afin d’éviter les pénuries que nous connaissons actuellement, mais est-ce que des changements de politique alimentaire et agricole auront lieu ? Cette crise nous montre que nos systèmes alimentaires sont défaillants et mêmes mortifères...
Cette crise ouvre-t-elle un chemin vers l’avenir ?
Loin de moi l’idée de minimiser les souffrances et les drames liés au covid-19. On peut toutefois les voir, non pas comme une vengeance aveugle de la Terre qui finira par tous nous exterminer (4), mais comme les douleurs de la naissance… Ce qui très différent ! De quelle naissance parle-t-on ? La Création souffre et attend son heure (5). Le Royaume de Dieu, la justice et la paix, n’est pas toujours évident à voir, mais il est déjà là (6)... Avez-vous remarqué ces nouvelles qui montraient le ciel à nouveau bleu dans les grandes villes de Chine ? Avez-vous perçu comme on entend mieux le chant des oiseaux quand le bruit des camions et des avions a disparu, comme de nouveaux liens et la créativité se développent entre humains qui souffrent ? Le Royaume s’étend...
La solution n’est pas forcément d’arrêter toute l’économie, comme elle a pu l’être pendant un temps, mais au lieu de renforcer uniquement les services de santé pour mieux répondre aux futures crises, nous pouvons agir sur les causes de l’émergence de maladies infectieuses et restaurer nos systèmes alimentaires. Pour cela quatre mesures principales s’imposent :
1) Diminuer les transports internationaux, relocaliser l’économie, favoriser l’économie circulaire. La réduction des échanges diminue les risques et diminue les gaz à effet de serre par la même occasion.
2) Passer partout à une agriculture locale et biologique : cette agriculture, basée principalement sur des semences ou espèces locales, nécessite peu d’intrants et vit de circuits courts et locaux pour la commercialisation. La diversité favorise la résilience et diminue les risques.
3) Supprimer l’élevage intensif et favoriser des races locales adaptées au contexte. La diversité de ces races ne permettra pas à des épidémies de se répandre comme actuellement.
4) Introduire des mesures politiques véritablement incitatives vers cette transformation du système alimentaire.
Chaque acte de justice fait reculer l’injustice. Chaque acte d’amour fait reculer l’égoïsme. Réjouissons-nous, la lumière vient, les injustices cesseront, la souffrance s'arrêtera. La réalité et la beauté du Royaume de Dieu est déjà visible aujourd'hui, mais elle remplira toute la terre, quand Jésus viendra. Je me réjouis de vivre sur une Terre (7) débarrassée du mal, sans maladie, sans enfants ou adultes qui meurent. Au-delà de la souffrance aujourd’hui, nous apercevons le Royaume de Dieu.
Roger Zurcher