Soutenez donc l'autonomisation !

mercredi 09 septembre 2015

Barbara et Reto Lampert aident le Centre Al Tatawwur, à Bitkine au Tchad, à devenir autonome. Aboutissement d'un processus plein de promesses.

SME logo RVB« Souvent, nous prenons les choses à l'envers, explique Reto Lampert, délégué avec son épouse Barbara du Service de mission et d'entraide (SME) auprès du Centre évangélique culturel et de formations polytechniques Al Tatawwur, à Bitkine, au Tchad. On lance un projet missionnaire ou de développement sans savoir à quel moment il prendra fin. Et, généralement, c'est un responsable des finances qui finit par imposer la fin. »

Le projet de développement de Bitkine a été conçu par l'Eglise locale des Assemblées évangéliques du Tchad. La demande est parvenue en Suisse par le biais de la Mission évangélique au Tchad. « L'Eglise a donc choisi neuf personnes pour constituer le conseil d'administration, dont nous les deux expatriés, ajoute Reto Lampert. Avec ce conseil d'administration nous avons mis en place les objectifs et les priorités du projet de formation au travers de ce centre. » Tout au long du projet, l'engagement du personnel, des collaborateurs et les options stratégiques ont été décidés dans le cadre de ce conseil, avec justement le but qu'il devienne autonome, tout en restant proche d'une Eglise locale. Dans un premier temps, la présence des expatriés venus de Suisse, en collaboration avec la population et l’Eglise locale, a permis de rendre plus crédible le projet. Une étape de transition vers l'autonomisation a été annoncée clairement dés le début de l’arrivée des envoyés suisses, en préparant les frères et soeurs sur place à anticiper des étapes du projet pour aboutir à une suite appelée « appui à l'autonomisation ». Durant celle-ci, la gestion du projet a été transmise à une équipe indigène. Maintenant s'ouvre une troisième étape caractérisée par une collaboration entre partenaires égaux.

« Lorsque nous concevons un tel projet, nous pensons déjà à la relève, souligne Barbara Lampert. De plus, nous déterminons à l'avance le temps dévolu à chaque étape. Par exemple, avec le projet de Bitkine, nous nous sommes donnés quatre ans avant que celui-ci soit repris par l’Eglise locale. »

Quelques principes à suivre

En plus d'un calendrier, Barbara et Reto Lampert ont suivi quelques principes importants.

– Avec toujours le soutien du conseil d'administration, ils ont suggéré et accepté des propositions d'engagement de collaborateurs locaux au sein de l'équipe des enseignants et du conseil d'administration. Ce travail d'équipe a permis aux gens de Bitkine de s'approprier le projet. Cette manière de procéder était nouvelle pour l’Eglise locale, et il a fallu prendre le temps d'en expliquer les avantages.

– Ils ont privilégié le dialogue. « Nous avons veillé à harmoniser nos valeurs et notre vision entre collaborateurs indigènes et expatriés, commente Reto. C'est une base indispensable si nous voulons que le projet perdure, tant d'un point de vue technique que dans l'état d'esprit. »

– Ils ont été attentifs au fait que le projet devait rester simple, dans ses objectifs comme dans sa réalisation. « Les formations ne sont pas parfaites, reconnaît Reto. Il y a quelques manquements techniques. Mais il est important de faire avec les moyens disponibles sur place, quitte à introduire un principe d'amélioration progressive. »

– Ils ont développé une culture de la collaboration entre l’Eglise locale et les autorités politiques. « Il s'agit d'éviter le piège du paternalisme et de montrer que des Tchadiens sont véritablement en charge du projet », explique Reto.

– Ils ont aidé le centre à gagner en autonomie sur le plan financier. Cela passe par la recherche de nouveaux bailleurs de fonds, y compris auprès des autorités tchadiennes. En effet, le pays est pauvre, mais grâce au pétrole, il n'est pas démuni.

Aider un partenaire... indépendant

Le chemin vers l'autonomie d'un projet de développement tel que le Centre Al Tatawwur est d'abord technique, lié à son bon fonctionnement à long terme. Il n'implique pas forcément une autonomie financière complète. « Nous devons apprendre à appuyer de tels projets par objectifs, souligne Reto. Qu'ils soient financièrement indépendants ou non. »

Dans leur gestion du projet de Bitkine, Barbara et Reto Lampert sont heureux d'avoir été coachés par Anne Saugy, la secrétaire générale du SME. Cela leur a permis d'acquérir des compétences, de se poser les bonnes questions et de trouver la bonne distance avec ce centre qui a été un peu « leur bébé », mais qui est désormais adulte et autonome. Comme dans une famille !

Les sites du Service de missions et d'entraide et du Centre évangélique culturel et de formations polytechniques Al Tatawwur.

  • Encadré 1:

    Le secret : garder le contact

    « Dans nos Eglises, quelques craintes se sont manifestées, explique Barbara Lampert. Plusieurs se demandent si un projet comme celui de Bitkine a des chances de tenir seul, dans la durée. Nous devons dire et redire que tout continue comme avant, qu'il y a même des progrès. Le centre accueille autant d'étudiants et d'apprenants qu'à l'époque où nous étions sur place. »

    « Notre travail n'a pas de sens si, après un certain nombre d'années d'engagement sur place, nous disons 'Mission accomplie, débrouillez-vous !' avant de tout quitter, fait remarquer Reto Lampert. Un projet missionnaire ou de développement, c'est comme une famille. Les enfants deviennent adultes et indépendants, mais les parents restent partenaires. La relation change, mais le lien reste. »

    En fait, dans la pensée africaine, il est primordial de conserver les liens établis, de visiter, de rencontrer les gens. Même lorsque toute dépendance, y compris financière, est abolie, des échanges entres partenaires égaux doivent perdurer. Reto en est convaincu : « Dans un projet chrétien, les relations humaines doivent être particulièrement soignées. »

    Ainsi, Barbara garde un contact régulier avec le directeur du centre et la chargée des affaires féminines. Au moins une fois par mois, un appel téléphonique permet de prendre des nouvelles et de s'encourager. « Je ne suis pas là pour surveiller, prévient Barbara, mais je suis à l'écoute de leurs questions ».

    Trois visites – à une année d'intervalle – de Reto et Barbara Lampert sont également prévues. Elles durent environ un mois et permettent d'établir un bilan de l'année écoulée. « Nous sommes perçus comme des amis, pas comme des experts venus contrôler de l'extérieur, relève Reto. Cela autorise un regard plus intime. »

    La visite permet de rencontrer les collaborateurs du centre de formation, de participer à la résolution de problèmes et d'apporter des perfectionnements. Reto et Barara prennent du temps avec le directeur, la chargée des affaires féminines et le conseil d'administration. Ils partent également visiter des anciens apprenants, rentrés chez eux, afin de voir ce qu'ils sont devenus.

    En fonction des besoins, la visite permet aussi l'organisation de séminaires. « Cette année, nous avons travaillé les questions de gouvernance et de collaboration au sein de l'équipe, précise Reto. Nous avons vu que le directeur assumait trop de responsabilités et se fatiguait. Nous avons montré comment des subordonnés ont le droit de prendre des initiatives. » Un autre thème du séminaire concernait les processus d'amélioration de la qualité du travail effectué et des objets produits.

  • Encadré 2:

    Le projet de Bitkine, en bref

    Reto et Barbara Lampert, 60 et 58 ans, sont les délégués du Service de missions et d'entraide (SME) auprès du Centre évangélique culturel et de formations polytechniques Al Tatawwur, à Bitkine, au Tchad. Ce lieu de formation permet à des jeunes d'apprendre des métiers et de sortir de la précarité.

    De 2009 à 2014, Reto et Barbara ont accompagné le développement du projet et formé son premier directeur. Actuellement, et jusqu'en 2016, ils aident l'équipe en place grâce à des contacts à distance et des visites annuelles. Ce soutien à un projet devenu autonome, accompagné d'un engagement financier du SME, s'appelle « appui à l'autonomisation ».

    Voir aussi le nouveau site.

Publicité

Journal Vivre

Opinion

Opinion

myfreelife.ch

  • Pour les Terraz et les Félix, des choix porteurs de vie

    Ven 22 septembre 2023

    Abandonner la voiture et emménager dans une coopérative d’habitation ?... Deux couples de l’Eglise évangélique (FREE) de Meyrin ont fait ces choix qu’ils estiment porteurs de vie. « Le rythme plus lent du vélo a vraiment du sens pour moi », témoigne Thiéry Terraz, qui travaille pour l’antenne genevoise de Jeunesse en mission. « Je trouve dans le partage avec mes voisins ce que je veux vivre dans ma foi », lui fait écho Lorraine Félix, enseignante. Rencontres croisées. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

  • Vivian, une flamme d’espoir à Arusha

    Jeu 15 juin 2023

    Vivian symbolise l’espoir pour tous ceux que la vie malmène. Aujourd’hui, cette trentenaire tanzanienne collabore comme assistante de direction au siège de Compassion à Arusha, en Tanzanie. Mais son parcours de vie avait bien mal débuté… Nous avons rencontré Vivian au bureau suisse de l’ONG à Yverdon, lors de sa visite en mars dernier. Témoignage.

  • Une expérience tchadienne « qui ouvre les yeux »

    Ven 20 janvier 2023

    Elle a 19 ans, étudie la psychologie à l’Université de Lausanne, et vient de faire un mois de bénévolat auprès de jeunes de la rue à N’Djaména. Tamara Furter, de l’Eglise évangélique La Chapelle (FREE) au Brassus, a découvert que l’on peut être fort et joyeux dans la précarité.

  • « Oui, la relève de l’Eglise passe par les femmes »

    Ven 16 septembre 2022

    Nel Berner, 52 ans, est dans la dernière ligne droite de ses études en théologie à la HET-PRO. Pour elle, la Bible est favorable au ministère féminin. Et les communautés doivent reconnaître avoir besoin tant d’hommes que de femmes à leur tête.

eglisesfree.ch

  • Rencontre générale de la FREE : vers une réorientation du budget

    Ven 13 décembre 2024

    La seconde Rencontre Générale de la FREE pour 2024 s'est tenue le 23 novembre à l'Eglise évangélique des Amandiers (Lavigny). Les délégués des Eglises ont accepté le budget 2025 et la modification d'un article des statuts, les membres de la direction ont donné des nouvelles de leur secteur et Michel Faggion a présenté la mission de la FLP. Compte-rendu.

  • Rencontre générale : la FREE confirme son désir d’apporter un soutien efficace aux Eglises

    Ven 26 avril 2024

    La dernière Rencontre générale de la FREE a montré que sa situation financière est relativement saine. Elle a aussi montré comment la fédération remplit des tâches indispensables aux Eglises, et que celles-ci ne pourraient par remplir à titre individuel.

  • Un·e responsable des finances (10%)

    Lun 29 janvier 2024

    Plus grande fédération d’Eglises évangéliques en Suisse romande, la FREE offre un cadre de travail dynamique et défiant, en lien étroit avec les autres acteurs du milieu chrétien évangélique romand, suisse et international. Dans ce cadre, la FREE recherche un·e responsable des finances.

  • Rencontre générale : une fédération utile

    Mer 29 novembre 2023

    La Rencontre générale du 25 novembre 2023 a permis de remercier Stéphane Bossel pour 23 ans d’engagements divers et importants dans la FREE. Elle a aussi permis à l’équipe de direction de partager quelques priorités, notamment le sens, les valeurs et la plus-value que la FREE peut offrir aux Eglises.

Suivez-nous sur les réseaux sociaux !