Le pasteur cambodgien Koeun Path est décédé le 1er mars, après plus de 30 ans d’un ministère apprécié et fructueux auprès de ses compatriotes réfugiés en France. D’abord à Lyon, puis à Mulhouse, dans une petite communauté devenue très multiculturelle. Il laisse une épouse, trois fils et cinq petits-enfants.
J’ai connu et fréquenté Koeun entre 1977 et 1983 en région parisienne. Arrivé en France avec le flot des réfugiés d’ex-Indochine (Vietnam, Cambodge et Laos), il avait rejoint notre équipe d’anciens missionnaires et de chrétiens asiatiques. Nous avions alors un centre d’accueil à Boulogne-Billancourt, au service des réfugiés sur le plan social comme spirituel, soutenu par diverses missions dont le Service de Missions et d’Entraide (SME).
Il échappe à l’enfer khmer rouge
Koeun est né en 1948 dans un village du Cambodge. Plein d’admiration pour son père bouddhiste, un vrai pratiquant de cœur, il devient instituteur pour servir ses compatriotes. Sa carrière est interrompue par les événements du 17 avril 1975. C’est la fin de la « guerre du Vietnam », mais le début de l’enfer. Les « Khmers rouges » prennent le pouvoir, vident en trois jours Phnom Penh grossie de près de 2 millions d’habitants venus s’y réfugier, et mettent en place une société nouvelle. Leur folle idéologie coûtera la vie à un cinquième des 8 millions de Cambodgiens.
Koeun se retrouve aux travaux forcés, non loin de sa famille, mais sans pouvoir la revoir. Un beau jour, apprenant qu’il est sur la liste des personnes qui, à cause de leur formation intellectuelle, seront prochainement éliminées, il se décide à tenter la longue et dangereuse traversée vers la Thaïlande, avec deux compagnons. Le plus souvent à pied, de nuit, et dans la forêt. Il arrive au but seul, épuisé, et se retrouve à Surin dans une prison thaïlandaise pour immigrants illégaux.
Sa découverte de l’Évangile
C’est là qu’il découvre le message de l’Évangile, par la lecture d’un nouveau testament dans sa langue et quelques entretiens avec une aumônière. Il comprend alors que la voix qu’il avait entendue durant sa fuite et qui l’a guidée à certaines étapes était déjà celle de Dieu. Il confie sa vie à Jésus-Christ et se laisse transformer jusqu’à abandonner sa haine pour les Khmers rouges.
Arrivé en France, il a à cœur de servir ses compatriotes et de partager l’Évangile. Après avoir achevé une formation professionnelle, il décide en 1983 de tout laisser pour se former au ministère pastoral. Il s’inscrit à l’Institut biblique et missionnaire Emmaüs à Saint-Légier (VD), où il rencontre sa future épouse, Käthy Neuhaus, de Suisse alémanique. Son ministère en France s’inscrira dans le programme d’appui au ministère parmi les Asiatiques en France, soutenu par les Églises de la FREE et le SME.
Une dizaine de fois de retour au pays
A partir de 1990, Koeun a l’occasion de retourner au Cambodge. Il fait le voyage une dizaine de fois pour encourager les chrétiens et témoigner de sa foi auprès de sa famille. Ces dernières années, la maladie ne lui permettait plus de retourner au pays, malgré ses prières ferventes et constantes.
Je n’oublierai pas ce frère et ami, sa foi, son zèle sans faille pour ses compatriotes et pour l’Évangile. Je n’oublierai pas non plus cette manière dont Dieu l’a rejoint, avant même sa découverte explicite de l’Évangile, dans ce qu’il a reçu d’un père bouddhiste comme par la voix qu’il a entendue durant sa traversée vers la Thaïlande.
Silvain Dupertuis
Koeun Path raconte son parcours et sa découverte de l’Evangile dans un livre écrit avec l’aide de sa belle-fille Fidji Path-Laplagne : Rescapé malgré moi. Il m’a sauvé du génocide cambodgien (Marpent, BLF, 2015, 288 p.).