Shafique Keshavjee publie un nouveau roman: «La Couronne et les virus» (interview écrite et émission TV)

Serge Carrel mardi 23 mars 2021

Shafique Keshavjee affectionne les romans. Ce professeur de théologie en a déjà trois à son actif. Avec son quatrième « La Couronne et les virus », il nous plonge dans la pandémie de coronavirus aux côtés d’une femme médecin d’origine chinoise. L’occasion d’une conversation entre taoïsme, judaïsme, islam et christianisme… et de rebondissements défrisants ! A découvrir en interview écrite et dans l'émission « Ciel! Mon info » de DieuTV.

Une citation ouvre votre nouveau roman. Elle reprend le propos de votre héroïne, une femme médecin chinoise, Li Ying : « Quand dans nos vies tout est gris, il devient vital de distinguer le lumineux de la nuit ». Un propos important pour ces temps de pandémie ?

Durant cette pandémie, nous sommes confrontés à beaucoup de nuit, à beaucoup d'obscurité. Dans la société, comme dans nos vies. Dans nos vies, quand tout se mélange, ce qui est sombre, ce qui est vraiment de l’ordre de l’abîme, et ce qui est lumineux, tout devient gris. Au printemps dernier, j'avais l'impression que beaucoup de choses étaient grises. Pouvoir peu à peu regarder ce qui est obscur, ce qui doute en moi, ce qui voit les souffrances du monde, et laisser aussi émerger la lumière, puis différencier le lumineux de ce qui est sombre, c’est toute la trame de ce conte.

Pourquoi un tel titre : « La Couronne et les virus » ?

J'avais envie de dire des choses essentielles dans un langage facile. Et comment dire des choses essentielles en des termes contemporains ? Si je devais résumer l'ensemble la théologie chrétienne, je pourrais dire que c'est la grâce et le péché. Le Christ, au cœur de tout cela, va révéler la grâce dans un monde de péché. Mais ce sont des termes qui ne disent pas grand-chose à nos contemporains.

Depuis une année, tout le monde parle de « coronavirus », sans forcément mesurer que ces deux mots « couronne » et « virus » peuvent avoir un sens beaucoup plus profond. Le covid-19 est un virus qui a une forme de couronne. Voilà pourquoi on l’appelle : coronavirus. Si on dissocie couronne et virus, on entrevoit deux images qui sont magnifiques : la grâce et la réalité du mal, la déviance qu’est le péché. Parler des différents virus qui infectent nos corps, nos spiritualités et nos sociétés, c'est dresser un constat de ce qui ne va pas. Parler de la couronne, c'est montrer ce qui peut être une réponse, notamment la grâce donnée dans la foi chrétienne.

Dans ce roman, vous permettez à la Chine et à l'Occident de se rencontrer. Pourquoi ?

Le centre de gravité de la foi chrétienne n'est plus en Occident. Il se trouve en Asie et en Afrique. Certains spécialistes disent qu’en 2030 le pays où il y aura le plus de chrétiens, ce ne sera plus les Etats-Unis ou le Brésil, mais la Chine. Les Eglises chinoises sont en pleine croissance et ces chrétiens vont peut-être nous réévangéliser.

Il est important de prendre conscience que les chrétiens chinois ont quelque chose à nous dire. Ils le feront sur la base d’un autre héritage. Nous, en tant que chrétiens occidentaux, nous avons la Bible, avec en arrière-plan la pensée grecque, avec les catégories gréco-romaines, le droit romain, la philosophie grecque, l'humanisme occidental… Les chrétiens chinois vont venir avec un autre arrière-fond : le taoïsme, le bouddhisme et le confucianisme.

L’héroïne de votre roman est pétrie de références taoïstes…

Mademoiselle Li est une jeune femme médecin d'origine chinoise qui va, à partir de son arrière-fond taoïste, découvrir peu à peu ce que son cousin, un chrétien engagé, appelle le « Livre des livres », la Bible, ou le Thérapeute des thérapeutes, le Christ. A partir de son arrière-fond où elle est attentive aux richesses du taoïsme, elle va découvrir le Christ avec une fraîcheur nouvelle pour nous dire des choses essentielles.

Dans le taoïsme par exemple, la notion d'harmonie est un élément très important : l'équilibre entre le masculin et le féminin, le ciel et la terre, le lumineux et le sombre qui sont dans nos vies. A partir de là, cette jeune femme va exprimer des richesses de l’Orient, toujours en lien avec la personne du Christ.

Dans le cadre d’un échange épistolaire entre Mademoiselle Li et un vieux professeur, la personne du Christ devient petit à petit centrale. Qu'apporte Jésus-Christ dans un contexte de pandémie ?

D’abord, c’est la figure centrale des Eglises chrétiennes. Elle a été la figure centrale d'une partie importante de l'histoire de l'Occident, même si cette référence a été polluée par la vie des Eglises, par la vie en société, par des hommes qui ont abusé de leur autorité. Mademoiselle Li découvre la figure du Christ et elle va en parler de manière fraîche, et d'autres personnages vont faire de même. Il y a un juif messianique, Ruben, qui, à partir d'une citation du scientifique Albert Einstein, va montrer que les prophètes de la Bible et l'enseignement de Jésus sont des éléments fondateurs pour guérir nos sociétés.

Dans notre contexte de pandémie, si on s'approche du Christ, si on goûte à son enseignement, à sa mort et à sa résurrection, est-ce l'occasion de goûter à une guérison ?

C'est ma conviction et c'est aussi ma tristesse ! Autour de moi, dans la société, parfois même dans les Eglises, cette richesse est mise de côté, banalisée ou alors tordue… ce qui est parfois pire !

Revenir à la personne du Christ, c'est ce qu’il y a de plus précieux. Je le dis souvent : une des personnes de référence pour moi, c'est Fiodor Dostoïevski. Ce grand écrivain russe a eu cette parole : « La beauté sauvera le monde. » C'est une très belle formule. Qui que ce soit peut être touché par elle. C'est important que nous puissions créer de la beauté dans ce monde de laideur, de souffrance, à notre niveau, que ce soit en cuisine, au niveau artistique, au niveau des relations…

Dostoïevski ajoute quelque chose à sa formule. Selon lui, il n'y a rien de plus beau que le Christ. Pour lui comme pour moi, il y a cette conviction que la beauté du Christ c'est ce qui est le plus important, le plus vital, le plus fécond aujourd'hui. Revenir au Christ et à cette beauté, c'est fondamental.

Toute la foi chrétienne se résume en deux mots : Jésus Seigneur. C'est lui qui est la référence. A partir de là, sa lumière peut traverser nos obscurités et différencier les différentes lumières dans lesquelles nous sommes. Donc il n'y a rien de plus beau que le Christ… et le Christ est notre passage dans nos impasses ! Une manière extraordinaire de dire sa Résurrection à Pâques !

Propos recueillis par Serge Carrel

Shafique Keshavjee, La Couronne et les virus, Et si Einstein avait raison ? Saint Maurice, Saint-Légier, Saint-Augustin, HET-PRO, 2021, 202 p.

Le blog de Shafique Keshavjee.

  • Encadré 1:

    Bio express

    Shafique Keshavjee est un théologien original dans le paysage chrétien de Suisse romande. D’origine indienne, il arrive en Suisse à l’âge de 8 ans en provenance du Kenya. Après des études de théologie et de sciences sociales et politiques, il obtient un doctorat en sciences des religions de l’Université de Lausanne.

    Pasteur dans l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud, il se lance dans le dialogue œcuménique et interreligieux, notamment en lien avec la Maison de l’Arzillier à Lausanne. Professeur de théologie à l’Université de Genève pendant quelques années, il est connu du grand public par ses différents romans parus aux éditions du Seuil : Le roi, le sage et le bouffon : le grand tournoi des religions (traduit en 14 langues), La princesse et le prophète : la mondialisation en roman, La reine, le moine et le glouton : la grande fissure des fondations.

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