La lame de fond démocratique qui secoue plusieurs pays arabes a parfois été assimilée à la chute du mur de Berlin et dévoile un magnifique champ de possibles. En Egypte, elle fait suite à des attentats dont les chrétiens ont été victimes, notamment à Alexandrie dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier derniers. Ceux-ci voient-ils dans les événements d’aujourd’hui une chance pour prendre part à un mouvement populaire rassembleur, qui place les différences religieuses au second rang ? « Aujourd’hui, pour la première fois, des chrétiens et des musulmans manifestent pacifiquement sur la place Tahrir », s’est réjoui au début du mois un chrétien du Caire en nous le partageant par courriel.
« J’espère que les chrétiens auront une place dans le prochain gouvernement égyptien, mais j’en doute fort », observe néanmoins du Liban cette femme, L. Feghali, jointe par internet. « On est heureux bien sûr qu’une dictature prenne fin, mais quel gouvernement peut prendre la suite ? Je ne suis pas sûre que les pays arabes soient prêts pour la démocratie. En Iran, le Shah n’était pas toujours clément envers les chrétiens, qui, au début, ont mis leur espoir en Khomeiny. Quelle ironie, n’est-ce pas ? En ce qui concerne le Yémen, ce pays est tissé de tribus avec différents chefs à leur tête. Comprenez : nos pays sont imprégnés de mouvements politiques et religieux qui s’opposent et s’équilibrent, parfois sous une main de fer. »
L’espoir : les jeunes !
Différents spécialistes de cette région du monde ont relevé dans la presse que les chrétiens d’Orient ont toujours soutenu les pouvoirs laïcs, y compris lorsqu’ils étaient autoritaires. « C’était le cas des chrétiens d’Irak avec Saddam Hussein, a par exemple indiqué Denis Bauchard, conseiller pour le Moyen-Orient à l’Institut français des relations internationales (IFRI). C’est encore le cas des chrétiens de Syrie avec la famille El-Assad et c’est enfin le cas des Coptes en Egypte qui voient dans le régime militaire de Moubarak un rempart contre le fondamentalisme musulman. »
Pour Christian Mairhofer, pasteur de l’Eglise évangélique des Uttins (FREE) à Yverdon-les-Bains et ancien pasteur de la Paroisse protestante francophone du Caire de 2001 à 2007, les responsables des Eglises ont en effet appelé leurs fidèles au début du mouvement à ne pas rejoindre les manifestants. « Plusieurs chrétiens égyptiens ne voient pas d’alternative à la dictature ou à l’extrémisme musulman. » L’espoir aujourd’hui, ce sont les jeunes, qui ont montré leur indépendance, que ce soit par rapport aux dogmes religieux ou aux partis en place. « La jeunesse a montré qu’elle ne se laissait pas récupérer et qu’il y a quelque chose de nouveau qui peut, peut-être, se vivre. »
Gabrielle Desarzens