Dans quel état d’esprit êtes-vous au moment de cette rentrée ?
Sur les chapeaux de roue ! Il y a un sentiment de joie et de reconnaissance pour tout ce qui a été fait : l’engagement des nouveaux professeurs, mais aussi la rénovation des bâtiments du campus qui arrive à son terme. Je suis aussi très reconnaissant pour l’élan suscité par ce projet. Il y a beaucoup de marques de soutien qui sont venues jusqu’à présent.
Bien entendu, il y a des défis qui sont devant nous : des défis financiers, l’accueil des étudiants, la finalisation des travaux, la mise sur pied des parcours de master…
Combien y aura-t-il de nouveaux étudiants pour cette rentrée ?
25 commencent en première année ! Avec ceux de l’Institut Emmaüs qui continuent, nous aurons au moins 80 étudiants qui suivront le cursus en théologie appliquée. Il y a donc là un vrai noyau. Notre prière est que cet élan continue…
D’où viennent ces 25 étudiants qui commencent la HET-PRO ?
La plupart viennent de Suisse, puisqu’il est de plus en plus difficile d’accueillir des étudiants de l’étranger. On remarque davantage de jeunes qui viennent avec un projet de ministère. Une maturation a été faite et les étudiants arrivent avec un projet pastoral, diaconal ou missionnaire.
Le fait que nous soyons une Haute Ecole a attiré certains… Je pense à une étudiante qui viendra pour le parcours découverte et qui souhaite approfondir son hébreu et faire de l’exégèse. Le fait d’être monté en qualité permet d’attirer d’autres étudiants qui, au sein du corps de Christ, ont envie de développer une foi charpentée. C’est beau à voir !
Une autre caractéristique de ces 25 étudiants, c’est le fait que 3 ou 4 sont issus de la migration. C’était aussi un des objectifs de la HET-PRO : offrir de la formation à ces responsables d’Eglises.
La provenance ecclésiale de ces étudiants a-t-elle changé ?
Les nouveaux étudiants sont essentiellement issus des Eglises évangéliques de Suisse romande avec une nouveauté : ces étudiants qui viennent d’Eglises ethniques. Par ailleurs, nous accueillerons un ou deux étudiants réformés. De ce côté-là, il y a un certain attentisme qui s’explique par deux facteurs. D’une part, la Conférence des Eglises réformées romandes a refusé de reconnaitre les diplômes de la HET-PRO sans autres formes de compléments, ce qui rallonge la durée de formation des étudiants qui veulent exercer un ministère en milieu réformé. D’autre part, il faut reconnaître qu’il n’y a pas, à ce jour, des dizaines de jeunes réformés qui se destinent à un ministère pastoral ou diaconal en Eglise. Mais ce n’est pas parce le lumignon est faible aujourd’hui qu’il en sera toujours ainsi. Nous recevons chaque année entre 1 et 3 étudiants réformés et nous espérons voir ce nombre grandir au fur et à mesure du développement de la HET-PRO.
Les nouveaux professeurs engagés pour assurer l’enseignement à la HET-PRO donnent une crédibilité impressionnante à ce nouveau lieu de formation. Comment se passent les débuts de cette collaboration ?
Nous avons passé deux jours de retraite ensemble. J’ai trouvé très intéressant de voir à quel point la pâte prend et la manière dont chacun est motivé par le projet. Les enseignants croient à la vision. Ils viennent à la suite d’une décision. Ce n’est pas parce qu’il n’y avait pas d’autres options pour eux qu’ils sont ici.
Parmi le corps enseignant, il y a une diversité plus importante qu’avant. Nous avons des pasteurs réformés classiques, pédobaptistes, qui vont enseigner et cohabiter avec des partisans du baptême d’adultes, charismatiques ou pentecôtistes.
Un des enjeux pour moi, c’est de permettre à ces enseignants qui, pour la plupart sont à temps partiel, de trouver un engagement ailleurs et de faire en sorte que nous puissions nous retrouver régulièrement pour travailler à notre projet commun.
Comment avance la mise en place du Forum Emmaüs, cette sorte de « hub » qui accueillera toutes sortes d’activités et qui devrait favoriser la viabilité financière de la HET-PRO ?
La collaboration avec l’Université Biola aux Etats-Unis a commencé en début d’année. Nous avons accueilli 8 étudiants pour deux semaines sur le campus. Cette collaboration va se poursuivre. Dans les 5 à 7 ans qui viennent, nous devrions accueillir une quarantaine d’étudiants chaque année.
La transformation de l’aile nord du bâtiment permet à la Ligue pour la lecture de la Bible de développer ses capacités d’accueil. Des camps ont pu être organisés dans les locaux cette année et, grâce à un capacité d’accueil de 90 lits, il est possible à des groupes ou à des Eglises d’organiser des week-end à Saint-Légier.Le partenariat avec une œuvre sociale est en cours de finalisation avec une transformation de la ferme en logements protégés. Nous pensons donc que la constitution de cette plate-forme avec différents acteurs va contribuer à la viabilité financière du tout.
La question de la reconnaissance de la formation HET par les Facultés de théologie de Lausanne ou de Genève a-t-elle avancé ?
Dans l’immédiat, il n’y aura pas de reconnaissance. Nous nous sommes rencontrés, mais sans que cela ne débouche sur quelque chose de concret. Je rêve de collaborations plus larges ; des perches ont été tendues, mais sans que cela n’aboutisse. Y a-t-il de la méfiance ou de la crainte à notre égard ? C’est possible. Mais nous devons aussi faire nos preuves en matière académique pour entrer dans un partenariat.
A mon sens, chacun des partenaires aurait à y gagner. Pour une raison toute simple, c’est qu’il y a peu d’étudiants physiquement présents dans le cursus théologique de ces facultés. Si des passerelles « gagnant-gagnant » étaient créées, ces deux facultés pourraient bénéficier de l’apport de nouveaux étudiants motivés, présents physiquement dans des auditoires.
Par ailleurs, il y a une crise des vocations pastorales dans les Eglises réformées des cantons de Vaud et de Genève, de sorte que notre contribution à la formation des pasteurs pourrait être perçue comme un facteur de soutien et de renouveau. Nous n’y sommes pas encore, mais j’ai bon espoir que l’on y arrive.
Comment la HET va-t-elle impacter le paysage évangélique et réformé romand et francophone ?
La pensée évangélique – dans le sens non dénominationnel du terme – a besoin d’un renouveau. Je crois que la HET avec ses professeurs de qualité peut réellement contribuer à donner une colonne vertébrale à la pensée chrétienne confessante et évangélique.
Nous entrons dans une phase de réseautage intéressante, notamment au plan international. Une de nos spécificités sera de proposer en partenariat avec d’autres institutions des diplômes de formation dans la ligne du Mouvement de Lausanne. Mon rêve serait de prendre les lignes directrices de L’Engagement du Cap (2010) et de les appliquer dans notre contexte francophone contemporain pour équiper l’Eglise là où elle en a besoin.
Propos recueillis par Serge Carrel (lafree.info)