«Marie de Magdala rencontre Jésus ressuscité» par Paul Hemes

samedi 31 mars 2018 icon-comments 3

Le récit de la rencontre de Marie et du Ressuscité nous est familier. Le pasteur et théologien Paul Hemes nous invite à dépasser cette familiarité et à découvrir les échos de l’Ancien Testament dans le récit lui-même. Suggestif !

En cette première Pâques chrétienne, en l'an 30 ou 33, Marie de Magdala rencontre Jésus ressuscité. Le récit qu'en fait Jean (20.11-18) est tout sauf banal, du genre : « Coucou, Marie, c'est moi, Jésus. Tu le vois, je suis ressuscité! Alors, arrête de pleurer... et puisque tu as la preuve de ma résurrection, va le raconter aux autres disciples. » Non! Jésus ne parle pas avec Marie au sujet de faits à croire. Sa relation avec elle est bien plus riche. Oui, mais en quoi?

Il faut chercher pour le découvrir. Une bonne manière de faire est de repérer les aspects un peu étonnants du texte et de poser des questions. J'en proposerai trois (1).

Pourquoi deux anges ?

La première est celle-ci: pourquoi Marie, en regardant à l'intérieur du tombeau, ne voit-elle plus les bandelettes mais deux anges? Je m'explique. Dans la scène qui précède notre récit, Pierre et Jean courent au tombeau. Jean entre et voit les bandelettes funéraires qui enveloppaient le corps de Jésus: elles sont « à plat ». Et puis Pierre entre à son tour, et remarque en plus que le tissu qui était sur la tête du corps de Jésus est « enroulé, en place » (Jn 20.5-7). Contentons-nous ici de constater le choc: le corps de Jésus n'est plus là. Et ses vêtements funéraires sont rangés, comme si le locataire du tombeau avait voulu, en bon Suisse, laisser les linges bien en vue et rangés au moment de quitter la chambre d'hôtel qu'il a occupée durant deux nuits! En tout cas, le corps de Jésus n'est plus là. Il a tout rangé et « il est parti ». Et Marie se tient là, près du même tombeau ouvert, et elle pleure. En pleurant, elle se penche pour regarder dans le tombeau, et elle voit, non pas les bandelettes mais « deux anges en blanc assis l'un à la tête, l'autre aux pieds, à l'endroit même où avait été déposé le corps de Jésus » (20.12). Mais pourquoi deux anges? Pourquoi sont-ils positionnés exactement là où étaient les pieds et là où était la tête de Jésus?

Pourquoi le jardinier et pourquoi à la voix ?

Ensuite Marie parle avec les deux anges, et soudain elle pressent une présence derrière elle, et voit un homme debout, qu'elle prend pour le jardinier, alors que c'est Jésus. Mais pourquoi un jardinier? C'est la deuxième question.

La troisième question est liée au fait que Marie « se tourne » deux fois dans le texte. Une première fois, elle se tourne en arrière, voit Jésus et ne le reconnaît pas, mais croit voir un jardinier. La seconde fois elle se retourne, parce que Jésus lui parle et elle reconnaît sa voix (v. 16). Pourquoi le reconnaît-elle à la voix et non à la vue?

Commençons par la dernière question. Ce Jésus que Marie ne reconnaît pas encore lui parle. Il dit ses premiers mots de Ressuscité. Ce sont les premiers mots du monde nouveau que la résurrection de Jésus inaugure. En fait, Jésus ne dit qu'un seul mot. Mais il résonne fort. Car c'est un mot de relation et d'amour. Il dit juste: « Marie. » Il ne pouvait pas dire plus haut et plus fort la relation et l'amour. Le premier mot du Ressuscité est un prénom. Le sien. Il aurait pu être le tien, le mien. Et on se souvient alors de ce discours incroyable où Jésus s'était décrit comme « bon berger » et avait dit le concernant: « Ses brebis à lui, il les appelle par leur nom! » et « Les brebis le suivent parce qu'elles connaissent sa voix, mais un étranger, jamais elles ne le suivront, parce qu'elles ne connaissent pas la voix des étrangers » (Jn 10.3-5). Oui, le berger, c'est Jésus ressuscité. Et Marie est la première que le Ressuscité appelle par son nom! Et le message de Pâques devient alors l'annonce du Ressuscité comme bon berger divin des humains. Jésus ressuscité ne veut pas être un étranger pour toi, mais un Dieu vivant et éternel qui te connaît, que tu connais, qui te conduit, qui te parle, et dont tu peux reconnaître et entendre la voix. Il te connaît, il connaît ton prénom, il t'aime et te parle à toi.

Le corps de Jésus : lieu très saint !

Revenons à la première question: pourquoi deux anges dans le tombeau? Ils sont blancs et on décrit l’endroit précis où ils se trouvent: un à la tête et l'autre aux pieds de Jésus, c’est- à-dire précisément aux deux extrémités du corps mort de Jésus. Pourquoi?

Il existe un endroit dans l'Ecriture avec deux anges placés aux deux extrémités d'un objet. Il s’agit de l'objet le plus important du tabernacle: le couvercle du coffre de l'alliance dans le saint des saints. Ce couvercle est en or et aux deux extrémités du coffre sont sculptés deux anges, des chérubins en or, qui se font face (Ex 25.17-19). Ce couvercle est appelé « propitiatoire », car il est le lieu où le sang des sacrifices est répandu. Et c'est là que Dieu s'abstient de la colère et purifie son peuple. Les chérubins eux sont le trône de Dieu, car c'est là que Dieu descend dans sa gloire pour gouverner son peuple que le sang offert a purifié.

Le lieu très saint est complètement dans l'obscurité. Une fois par an, le grand prêtre peut y entrer avec le sang des sacrifices (Lv 16). Peut-être est-il utile à ce stade de convoquer la parole de l'apôtre Paul: « Tous les hommes ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » (Rm 3.23). Et puis : « C'est lui (Jésus-Christ) que Dieu a destiné à être le propitiatoire (= ce couvercle du coffre de l'alliance) par son sang, par le moyen de la foi » (Rm 3.25).

Et si Jean, comme Paul, décrivait le corps de Jésus comme le propitiatoire? Et si les deux anges dans le tombeau, situés précisément aux deux extrémités de l'emplacement du corps de Jésus, étaient comme la représentation des deux chérubins du lieu très saint dans le tabernacle (et le temple)? Et si le tombeau obscur quand il est fermé, était comme une expression du lieu très saint? Au sujet du corps de Jésus, justement, Marie pense qu'il a été « enlevé ». Et si Jean voulait nous dire qu'en fait c'est le péché du monde qui a été « enlevé » dans la mort de Jésus (Jn 1.29)? Alors Dieu lui-même est intervenu dans la mort sacrificielle de son Fils, pour purifier les humains du péché qui les prive de sa gloire.

Voir la gloire de Dieu sur Jésus

Et qu'en est-il des chérubins portant la gloire de Dieu dans le tabernacle? Les deux anges posent à Marie la question: « Mais pourquoi pleures-tu? » Immédiatement après, Jésus pose à Marie exactement la même question. Comme si on voulait nous orienter de la gloire des deux anges vers la gloire du Ressuscité. Comme si le corps de Jésus ressuscité était maintenant porteur de la gloire de Dieu.

Mais pour « voir » cela, pour passer de l'ancien au nouveau, Marie, tournée vers la porte du tombeau, doit se retourner vers Jésus, le Ressuscité. D'abord, elle voit sans voir. Il faut une révélation pour passer du tombeau vide, symbolisant le lieu très saint, vers Jésus, celui qui a été mort et qui est vivant. L'or pur du propitiatoire avec les chérubins, d'une seule pièce, lieu de la présence de la gloire de Dieu au milieu du peuple, est maintenant Jésus dans son corps mort et ressuscité. Et cela signifie pour Marie et aussi pour toi et moi un appel à « voir » la gloire de Dieu sur l'homme Jésus ressuscité. Il faut attendre la scène suivante pour « voir » comment cette gloire est restaurée dans l'humain: par le Saint-Esprit que Jésus souffle sur ses disciples. La résurrection de Jésus mort pour nous restaure, par le don du Saint-Esprit, la gloire de Dieu en Marie, en toi, en moi, en tout humain qui croit en lui.

La porte d’Eden a été rouverte

Et pour finir pourquoi le jardinier? Jean mentionne clairement que la tombe est dans un jardin (19.41). Où trouve-t-on ailleurs dans l'Ecriture la mention d'un jardin combinée avec la mention de deux chérubins? La réponse est bien entendu : Genèse 3. Deux chérubins gardaient l'entrée du jardin d'Eden et de l'arbre de la vie éternelle pour empêcher Adam et Eve, après la faute, d'y entrer. Mais au matin de Pâques, les anges pointent vers Jésus, la résurrection et la vie éternelle. La porte du tombeau dans le jardin est ouverte. La porte « d'Eden » dans le jardin a été ouverte par celui que Marie prend pour « le jardinier »! Au centre du jardin d'Eden, l'arbre de la vie éternelle est à nouveau accessible. Le jardin de la tombe vide nous oriente vers le jardin de l'origine de l'être humain, ainsi que vers sa fermeture pour corruption. La mort de Jésus rencontre l'homme dans son péché, dans sa perte de la gloire de Dieu. La résurrection de Jésus recrée la gloire de l'homme. La résurrection de Jésus est la gloire et l'avenir de tout humain: celui de Marie, le mien, le tien (2) !

Paul Hemes

Notes
1) Le lecteur tirera plus profit de la suite en commençant par lire: Jean 20.11-18.
2) Pour un texte plus complet de cet article, aller sur: paulhemes.com.

3 réactions

  • Marie-Claude Pellerin jeudi, 02 avril 2015 16:15

    Sur ce chemin douloureux de la Passion nous conduisant à Pâques et... à la rencontre de Marie-Madeleine avec Jésus ressuscité, ça me fait plaisir de vous proposer un texte poétique, récité et mis en images sur fond musical !
    http://modotre.eklablog.com/sans-marie-madeleine-a45723394
    Bien cordialement
    marie-claude

  • duron jeudi, 02 avril 2015 20:13

    le message de Paulhemes est fort édifaint et vu sous cet angle on a envie de relire ce passage encore et encore!Oui il est vraiment resssuscité!
    Merci!

  • Erik Veldman lundi, 02 avril 2018 16:40

    Juste une petite observation, les premiers mots de Jésus comme ressuscité n'est pas "Marie", non, Jésus lui dit avant: "Femme, pourquoi pleures-tu? Qui cherches-tu?" Ceux-ci sont les premiers mots du Ressuscité.

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