Le pasteur devrait recentrer son accompagnement sur ce qui lui est spécifique et engager davantage sa communauté dans son accompagnement. C'est en substance ce qui est ressorti des deux jours et demi de rencontre du Centre évangélique d'information et d'action (CEIA), du 17 au 19 novembre à Lognes en région parisienne. Quelque 800 pasteurs, thérapeutes et responsables d'œuvre se sont retrouvés pour entendre plusieurs intervenants inviter les pasteurs à accepter qu'ils n'étaient pas des « accompagnateurs » – des sortes de guides spécialisés – comme l'a relevé le pasteur Bernard Gisquet des Assemblées de Dieu, mais un « accompagnant » qui donne des outils et dont l'apport « le plus important n'est pas ce qu'il fait, mais ce qu'il est ».
L'accompagnement pastoral en société de « mariage pour tous »
Invité à parler de l'accompagnement spirituel dans le contexte social du « mariage pour tous », le pasteur pentecôtiste a relevé, pince sans rire, que le mariage « traditionnel » tel que les chrétiens le promouvaient aujourd'hui était une réalité que les historiens ont pu isoler entre 1800 et 1950. Même les familles bibliques étaient des réalités fragiles, souvent bien loin de ce que l'éthique chrétienne encourage et doit encourager aujourd'hui. Partant d'Adam, Eve, Caïn et Abel, l'orateur a illustré son propos en montrant que les chrétiens n'avaient pas à être les gardiens d'un passé glorieux à l'heure des couples de même sexe, de l'homoparentalité... et de personnes qui frappent à la porte des Eglises avec de tels arrière-plans. « Face à tous les lobbies qui ont fait pression en France pour promouvoir le 'mariage pour tous', il reste au pasteur à parler de la part de Dieu et à prêcher sa Parole, en demandant à ce dernier d'intervenir dans des situations familiales souvent de plus en plus complexes. »
« Que les pasteurs se centrent sur l'accompagnement spirituel ! »
Face au foisonnement des méthodes de relation d'aide et des modes en matière psychologique, le pasteur Louis Schweitzer, professeur d'éthique et de spiritualité à la Faculté libre de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine, a plaidé dans une table ronde pour un recentrement de l'accompagnement pastoral sur ce qui fait selon lui le cœur de ce qu'un pasteur devrait apporter : l'accompagnement spirituel. Cheville ouvrière avec Linda Oyer de l'association Compagnons de route et de la formation ISCAS, Louis Schweitzer a rappelé que le pasteur n'était pas une sorte de « sous-psychologue », qu'il y avait des gens bien formés pour venir en aide à toutes les victimes de souffrances personnelles, relationnelles, familiales, communautaires... Le pasteur a besoin d'un minimum de formation en psychologie, a-t-il complété. Mais il a surtout pour fonction d'aider à aller plus loin et plus profond dans la vie spirituelle. « Trop longtemps, les pasteurs ne se sont occupés que des gens qui allaient mal. Aujourd'hui, grâce à une meilleure connaissance des différentes formes de spiritualité et des étapes de la vie spirituelle, le pasteur devrait accompagner chacun sur son propre chemin, et lui permettre de développer une meilleure relation avec son Seigneur. »
Valoriser l'accompagnement fraternel
Le lundi après-midi, Thierry Huser a rappelé « Le rôle de la communauté dans l'accompagnement ». Pour bien penser l'Eglise, le pasteur de l'Eglise évangélique baptiste du Tabernacle à Paris a invité à ne pas rester fixé sur l'image du troupeau et du pasteur qui joue le rôle de berger. Il importe de superposer à cette image celle du corps du Christ qui souligne l'importance de la complémentarité et de l'interdépendance entre chaque membre. « L'accompagnement pastoral ne doit pas être le pré carré des pasteurs, a-t-il lancé, sous peine de limiter par trop l'action de Dieu dans l'Eglise locale. » Le Nouveau Testament propose au moins onze manières pour une communauté et ses membres de participer à l'« accompagnement pastoral ». Il y a le modèle « Barnabas », le membre de la communauté « qui sait voir la grâce de Dieu à l'œuvre et qui encourage » ; il y a le modèle « Epaphras », la personne qui soutient des individus dans la prière ; il y a le modèle « Ananias », la personne qui conduit des visites fraternelles d'égal à égal et qui développe un partage intime avec le visité... Il y a aussi des communautés comme celle de Philippes qui s'impliquent dans la vie de quelqu'un, l'apôtre Paul en l'occurrence, et qui « prennent part » à son ministère comme il le rappelle dans sa lettre aux Philippiens (1.5 et 4.14).
« Il y a une force cumulative de ces onze modèles d'accompagnement pastoral », a commenté Thierry Huser. Autant de manières de faire qui peuvent se décliner en fonction de la taille des Eglises, qu'elles se trouvent dans une dynamique d'implantation, qu'elles soient de petite taille, de taille moyenne ou de grande taille. En final, le pasteur du Tabernacle a encouragé à développer l'« accompagnement fraternel », tout en relevant l'importance de former les visiteurs pour qu'ils ne commettent pas de « dégâts » dans leur service.
Des études bibliques en matinée autour de rencontre de Jésus avec des femmes
Les deux matinées ont été ouvertes par des études bibliques animées par Etienne Lhermenault, professeur à l'Institut biblique de Nogent et président du Conseil national des évangéliques de France (CNEF), sur la prise en charge pastorale par Jésus de la femme cananéenne (Mt 15.21-28) et de la femme à la perte de sang (Lc 8.40-56).
Serge Carrel