En 2015, un petit groupe de la Paroisse de Chêne de l’Eglise protestante de Genève a publié sur 35 pages une Charte de justice climatique. Mettant à profit les travaux de Frédéric-Paul Piguet, spécialiste en environnement, le groupe composé d’une ingénieure, d'un économiste, d’un philosophe, d’un musicien et de pasteurs, a concocté une déclaration qui fait le point sur l’attitude des chrétiens face au changement climatique et aux moyens de remédier à un réchauffement du climat qui pourrait avoisiner, si rien n’est entrepris, les plus de 6 degrés d’ici 2100.
Loin d’être un document uniquement « écologiste », ce texte accompagné de citations bibliques souhaite « être clairement ancré dans la foi chrétienne et donner l’occasion aux membres de notre paroisse d’être d’authentiques disciples du Christ sur ce terrain », explique Jacques Matthey, membre du groupe, pasteur et théologien à la retraite.
La Biosphère, un organisme vivant
Le groupe a commencé par « plancher » sur une ébauche élaborée par Frédéric-Paul Piguet, puis tous ont apporté leur contribution à un texte qui met en valeur « la Biosphère comme la demeure commune de l’humanité ». Face à une conception qui verrait dans la nature un simple objet à disposition de l’humanité, ou, comme le souligne le texte, « un ensemble de ressources et de services à se partager », la charte rappelle dans sa deuxième partie que « la Biosphère est le support de vie commun de l’humanité » et qu’elle « fonctionne comme un organisme vivant ayant un métabolisme du fait des échanges de matière en son sein ». Parce qu’elle est « la partie de la Création confiée à la responsabilité des êtres humains », l'intégrité de la Biosphère doit être préservée.
Pour penser éthiquement notre rapport à la Biosphère, la Charte de justice climatique met en avant dans sa troisième partie deux principes : l’interdiction de nuire à autrui par négligence en dépassant un seuil d’émission de CO2 de 2,9 tonnes par an et par individu (montant indicatif), et le principe d’équité, de charité et de justice sociale qui s'applique au partage des richesses.
Des pistes pour des engagements pratiques
Dans la quatrième partie intitulée « Responsabilité envers le prochain », la charte propose des actions pratiques au niveau individuel, communautaire et politique. Concrètement, il s'agit de réduire de manière drastique notre consommation de viande, nos déplacements, l’acquisition de biens à l’obsolescence programmée… Elle invite aussi à s’engager en faveur de la biodiversité, de l’agriculture paysanne, de l’économie de proximité et solidaire, d’une finance responsable… et « à témoigner de notre respect des limites de la Biosphère et à dire la charité et la justice envers le prochain, ainsi que l’espérance qui sont au cœur de notre foi » (p. 24-25).
Cette quatrième partie se poursuit avec un développement sur la responsabilité des communautés chrétiennes. Il s’agit tout d’abord de rendre un culte uniquement à Dieu et de critiquer une économie, devenue une idole occupant la place de Dieu. « L’incapacité de cette divinité à fournir de l’emploi et à préserver les qualités de la Biosphère dans toutes les économies montre la nécessité du témoignage des Eglises en un Dieu libérant véritablement les êtres humains » (p. 25). Concrètement, il s’agit pour les communautés chrétiennes de promouvoir la fraternité, de respecter les équilibres de la Biosphère, de placer son argent dans des institutions financières responsables et de bien gérer les bâtiments ecclésiaux, notamment.
En final, cette quatrième partie invite les chrétiens et les communautés chrétiennes à plaider la cause du respect de la Biosphère dans les instances politiques et à y promouvoir davantage de solidarité en lien avec la transition énergétique.
Le défi de la mise en pratique
La cinquième et ultime partie de cette charte propose localement de constituer des groupes « mêlant prières, joie et prise de conscience des progrès réalisés et à faire, dans le domaine de notre relation à la Création et à la Biosphère » (p. 33). Elle invite aussi les signataires de la paroisse de Chêne à rester ouverts à l’évolution de ce thème, vital pour l’avenir de notre planète et de notre humanité.
« La rédaction de cette charte de justice climatique a été très stimulante d’abord à titre personnel, confie Jacques Matthey, membre du groupe et théologien. Notre défi, c’est de mettre en pratique tout ce que contient ce document à la fois au plan individuel et communautaire. » Suite à cette publication, la Paroisse de Chêne a organisé une fête paroissiale autour du thème de la justice climatique qui a suscité un « bel écho ». Elle s’interroge aussi sur la certification « Coq vert », mise en place par l’association Oeco Eglise et environnement pour une gestion plus écologique des bâtiments et des rencontres ecclésiales. « Ces changements prennent du temps et de l’énergie. Ils doivent s’opérer sur le moyen et le long terme », conclut Jacques Matthey, qui se réjouit de voir aujourd’hui cette charte traduite en anglais.
Serge Carrel
Paroisse protestante de Chêne, Charte de justice climatique, Déclaration et engagements sur le thème de la justice climatique et le respect de la Biosphère, Chêne-Bourg, Editions Arve et Lac, 2015, 56 p. Le document est téléchargeable en français et en anglais ici.