lundi, 12 décembre 2016 00:00

« Le permis F, c’est le stress »

Written by

Les titulaires d’un permis F vivent dans la crainte d’être renvoyés. « C’est psychologiquement insupportable », témoigne à Lausanne le Syrien Jahn Dawed, dans cette situation depuis 8 ans. Plus de 35'000 personnes vivent en Suisse avec ce statut dit « provisoire ».

 

12 large

Pour le pasteur Norbert Valley, le permis F est un statut de non-droit. « Les personnes concernées sont comme dans une salle d’attente. Elles n’y font rien et ont l’impossibilité d’en sortir ; c’est tout simplement monstrueux  », tempête-t-il.

Jahn Dawed est un musulman syrien qui s’est converti au christianisme il y a 8 ans. « J’ai quitté la Syrie après avoir vu un de mes amis qui affichait sa nouvelle foi chrétienne se faire tuer sous mes yeux. » Installé à Emmenbrücke (LU) avec femme et enfants, il travaille depuis 7 ans, ce qui est l’une des conditions pour l’obtention d’un permis B ou C. Mais tout semble bloqué, constate-t-il. Dans un appartement lausannois, il partage un thé brûlant avec d’autres Kurdes comme lui. Tous sont titulaires d’un permis F. Jahn dit se sentir parfois misérable, parle de ses enfants qui demandent pourquoi ils ne sont pas comme les autres, à ne pas pouvoir sortir de Suisse, par exemple. « Je n’ai pas vu mon frère depuis 10 ans qui habite pourtant en Allemagne à quelque 300 kilomètres de mon domicile lucernois. » A ses côtés, une femme, Souad Ali, évoque ses sentiments d’infériorité et exprime le stress qu’elle ressent face à un départ toujours possible. Car le permis F signifie pour eux tous une admission à titre provisoire.

Réévaluation chaque année

Autre ambiance à Bienne, dans un logement en attique. « Le permis N que reçoit tout demandeur d’asile implique une réévaluation du dossier tous les 6 mois. Le permis F, c’est chaque année », lance tout de go Ludger Diafouka, du Congo Brazzaville. « Et on redoute toujours la décision qui peut tomber, lui fait écho sa femme Yvette Nkiere. Ce permis F fait naître beaucoup de stress. J’ai beaucoup pleuré à cause de ce statut ; c’est comme une insulte, une honte. » Or le couple est titulaire de ce permis de séjour depuis plus de 10 ans.

Le « provisoire » à l’index

« Lorsqu’une décision d’asile est prise, une personne obtient soit l’asile, c’est-à-dire le permis B, soit elle ne l’obtient pas, indique à Berne Céline Kohlprath, porte-parole du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM). En cas de refus, elle doit quitter le pays. Si le renvoi n’est pas possible car le pays d’origine est en conflit ou que la personne est malade et n’obtiendra pas les soins nécessaires dans son pays d’origine, la personne reçoit une autorisation de séjour provisoire, le permis F. » L’ennui, c’est que le « provisoire » peut perdurer. Et qu’il décourage les patrons. Selon les statistiques du SEM, plus de 35'000 personnes étaient au bénéfice du permis F à fin juillet 2016. Parmi elles, 6'607 avaient un emploi, soit moins d’une sur cinq.

Humiliée comme jamais

« En postulant pour un travail en 2009 à Berne, j’ai été humiliée comme jamais devant d’autres femmes de chambre auxquelles on m’a présentée comme permis F, se souvient Yvette. » Elle n’a pas été engagée. Les entreprises rechignent à embaucher quelqu’un de façon provisoire, explique Norbert Valley. C’est un vrai obstacle à l’intégration. Moi, je suis favorable à la préférence résidentielle : puisqu’ils habitent chez nous, on devrait leur donner du travail de façon prioritaire par rapport aux frontaliers. »

Fidèles à l’Eglise FREE des Ecluses, le couple Diafouka parle des membres de leur communauté en termes d’aide qui « soulage ». Et estime y avancer dans la foi. Jahn Dawed, lui, fréquente le Christlicher Treffpunkt de Stans. Il aimerait avant tout que son prénom de baptême soit inscrit dans ses papiers : « Je suis resté Mohamed pour les autorités suisses, mais depuis mon baptême, je souhaiterais vraiment que cela soit corrigé. Je ne suis plus musulman. »

Gabrielle Desarzens

Additional Info

  • Commentaires: Activer
  • Disponibilités (jours): 30
  • Encadré 1:

    « Le lieu où je dois être »

    Norbert Valley se définit volontiers comme un pasteur « sensible à toutes les causes sociales. »

    engagé à l’Eglise FREE de Morat et dans une église évangélique du Locle, Norbert Valley a organisé en septembre dernier une manifestation à Berne contre le permis F.

    Pourquoi vous mobilisez-vous pareillement ?

    Je pense d’abord que la solidarité humaine est ce que je dois pratiquer au minimum comme chrétien. Je conçois ensuite que les marges, c’est le lieu où je dois être. L’Ancien Testament m’invite à considérer l’étranger comme un indigène. Jésus lui-même a honoré celui qui venait d’ailleurs. C’est un modèle que je veux suivre. C’est enfin pour moi une chance de pouvoir partager la Bonne Nouvelle avec ces personnes dans le besoin.

    Est-ce une critique de l’Eglise ?

    L’Eglise devient une société de loisirs où l’on suit des programmes au lieu d’être dans la mission que Dieu nous a confiée. Comprenez : en général, ce n’est pas l’arbre qui mange les fruits qu’il porte. Les fruits de l’Eglise devraient être mangés par les plus pauvres, les plus faibles !

  • Surmonter les abus au fil d’un conte

    Surmonter les abus au fil d’un conte

    Il était une fois… une enfant abusée, dont les larmes sont recueillies par une grenouille qui l’accompagne jusqu’au Roi d’un royaume fabuleux. Dans cette histoire, la psychologue Priscille Hunziker parle de la prise en compte de la souffrance. « Le voyage que fait la petite Emmy, c’est la métaphore d’un accompagnement psycho-spirituel », dit-elle mercredi 6 avril. Rencontre.

    jeudi 07 avril 2022
  • Noël, ou devenir des sauveurs sur les pas de Jésus

    Noël, ou devenir des sauveurs sur les pas de Jésus

    Au Liban, les habitants vivent l’intensité de la vie face à l’intensité de la mort, selon les mots du théologien et prêtre maronite Fadi Daou rencontré à Genève. Il invite notamment ses concitoyens à devenir des sauveurs… sur les pas de Jésus.

    mardi 21 décembre 2021
  • Noël, ou sortir de nos jugements

    Noël, ou sortir de nos jugements

    Thierry Lenoir est aumônier à 100% à la clinique de La Lignière à Gland. Cet ancien pasteur adventiste parle de l’esprit de Noël en termes de jugements moraux, sociaux et religieux à mettre de côté. Une réflexion qu’il partage dans l’émission Hautes Fréquences diffusée dimanche 19 décembre à 19 heures sur RTS La Première.

    mercredi 15 décembre 2021
  • « Votre couple a 2, 10, 30 ans au compteur ? Prenez-en soin ! »

    « Votre couple a 2, 10, 30 ans au compteur ? Prenez-en soin ! »

    On investit dans nos carrières professionnelles, dans nos maisons… mais pas assez dans notre couple. C’est le constat que dressent Marc et Christine Gallay, le couple pastoral de l’église évangélique (FREE) de Lonay. Qui pratique avec bonheur une méthode dite « Imago », qui met la cellule de base créée par Dieu à l’honneur. Rencontre.

    lundi 01 novembre 2021
  • « J’ai été un bébé volé du Sri Lanka »

    « J’ai été un bébé volé du Sri Lanka »

    Il y a quelques années, un trafic d’enfants proposés à l’adoption à des couples suisses secouait l’actualité. Sélina Imhoff, 38 ans, pasteure dans l’Eglise évangélique (FREE) de Meyrin, en a été victime. Elle témoigne avoir appris à accepter et à avancer, avec ses fissures, par la foi. Et se sentir proche du Christ né, comme elle, dans des conditions indignes. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

  • Des choix porteurs de vie

    Des choix porteurs de vie

    Abandonner la voiture et emménager dans une coopérative d’habitation ?... Deux couples de l’Eglise évangélique (FREE) de Meyrin ont fait ces choix qu’ils estiment porteurs de vie. « Le rythme plus lent du vélo a vraiment du sens pour moi », témoigne Thiéry Terraz, qui travaille pour l’antenne genevoise de Jeunesse en mission. « Je trouve dans le partage avec mes voisins ce que je veux vivre dans ma foi », lui fait écho Lorraine Félix, enseignante. Rencontres croisées. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

    vendredi 22 septembre 2023
  • Vivian, une flamme d’espoir à Arusha

    Vivian, une flamme d’espoir à Arusha

    Vivian symbolise l’espoir pour tous ceux que la vie malmène. Aujourd’hui, cette trentenaire tanzanienne collabore comme assistante de direction au siège de Compassion à Arusha, en Tanzanie. Mais son parcours de vie avait bien mal débuté… Nous avons rencontré Vivian au bureau suisse de l’ONG à Yverdon, lors de sa visite en mars dernier. Témoignage.

    jeudi 15 juin 2023
  • « Auras-tu été toi ? »

    « Auras-tu été toi ? »

    Elle puise dans le judaïsme de quoi nourrir sa foi chrétienne. La théologienne et pasteure Francine Carrillo écoute, calligraphie et fait parler les lettres hébraïques qui, selon elle et avec toute la tradition juive, sont porteuses de sens et d’espérance. Rencontre.

    lundi 20 juin 2022

eglisesfree.ch

  • Un·e responsable des finances (10%)

    Lun 29 janvier 2024

    Plus grande fédération d’Eglises évangéliques en Suisse romande, la FREE offre un cadre de travail dynamique et défiant, en lien étroit avec les autres acteurs du milieu chrétien évangélique romand, suisse et international. Dans ce cadre, la FREE recherche un·e responsable des finances.

  • Rencontre générale : une fédération utile

    Mer 29 novembre 2023

    La Rencontre générale du 25 novembre 2023 a permis de remercier Stéphane Bossel pour 23 ans d’engagements divers et importants dans la FREE. Elle a aussi permis à l’équipe de direction de partager quelques priorités, notamment le sens, les valeurs et la plus-value que la FREE peut offrir aux Eglises.

  • Rencontre générale de la FREE : l’équipe de direction souffle sa première bougie

    Sam 08 avril 2023

    La Rencontre générale de la FREE, qui a eu lieu le 1er avril 2023 à Aigle, a permis à la nouvelle équipe de direction de dresser un bilan, après tout juste une année de fonctionnement. Et ce qui saute aux yeux, c’est le grand nombre des défis à relever.

  • FREE : une première « Journée stratégique »

    Ven 03 février 2023

    Les personnes qui exercent un rôle dans la FREE se sont réunies en janvier pour réfléchir à la mise en œuvre de la nouvelle « gouvernance à autorité distribuée » (1). Retour sur une « Journée stratégique » conviviale et studieuse.

LAFREE.INFO

  • Plateforme Dignity : restaurer des victimes d’abus sexuels

    Ven 19 avril 2024

    Créée il y a quelques mois, l’association Dignity a pour mission d’aider des personnes victimes de violences sexuelles. Elle leur propose un accompagnement vers une restauration... avec l’aide de Dieu pour les personnes qui le désirent.[Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

  • Le BibleProject : plus de 150 vidéos pour découvrir la Bible

    Ven 19 avril 2024

    Le BibleProject, ce sont plus de 150 clips vidéos de présentation de la Bible, traduits en une cinquantaine de langues, dont le français. Ces clips proposent des parcours autour de thèmes, de mots et de livres bibliques. Ils constituent un matériel de vulgarisation de la Bible vraiment extraordinaire. Le texte ci-dessous est l’adaptation d’une interview diffusée sur Radio R, dans l’émission « Un R d’Actu ». [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

  • Love Burkina Faso: La générosité de chrétiens de la FREE au service des démunis au Burkina

    Ven 19 avril 2024

    Les petits ruisseaux font de grandes rivières, dit le dicton. De même, la générosité et l'engagement de deux Eglises de la FREE, ainsi que d'autres chrétiens de la région Neuchâtel-Bienne, ont permis de scolariser des enfants d'un quartier défavorisé. Non seulement ils acquièrent les apprentissages de base, mais ils découvrent aussi l'enseignement et les valeurs de la Bible. Aujourd'hui, la construction d'un second bâtiment a commencé.

  • Enquête StopPauvreté : ce que pensent les chrétiennes et les chrétiens de la justice sociale et de la durabilité

    Ven 12 avril 2024

    La conférence « Foi. Climat. Espérance. », organisée le 6 avril 2024 par StopPauvreté, a permis de découvrir les résultats d’une grande enquête à propos de l’attitude des chrétiennes et des chrétiens face à l’écologie et à la durabilité. Il en ressort que ceux-ci sont plutôt bien informés, qu’ils savent ce qu’ils devraient faire, et qu’ils le font… mollement.

Instagram

Suivez-nous sur les réseaux sociaux !