Des gens bosseurs, actifs... L’image du Laos que retient Véronique Moret, de retour d’un stage de 8 mois où elle a travaillé avec les Laotiens dans les projets du Service fraternel d’entraide (le SFE), contraste avec celle de nonchalance que rapportent souvent les touristes. «Quand ils en ont les moyens, remarque-t-elle, les Laotiens désirent avoir leur propre affaire. Chacun s’active et organise un petit commerce.» Il y a beaucoup d’ONG dans le pays, mais quand elles partent, «les gens sont capables de continuer».
Conjuguer commerce et développement
A 24 ans, Véronique a effectué une formation en commerce international et développement. Son intérêt principal se porte précisément sur l’articulation entre les deux domaines. En 2004, elle entend parler du secteur artisanat du SFE. C’est l’occasion d’un premier stage dans le cadre de ses études. Elle consacre trois mois à la réflexion et à la promotion de la commercialisation des soieries du Laos, deux en France et un au Laos. Cette première expérience lui donne envie de rebondir. C’est ainsi qu’au terme de ses études, elle part pour le Laos avec une de ses camarades de classe pour un stage d’un peu plus de 8 mois.
Véronique Moret a été frappée par l’évolution de ce secteur d’activité. «La progression a été très rapide. En 2004, on se préparait à organiser des formations à Louang Namtha. Maintenant, on a des foulards en soie d’une qualité superbe, rarement trouvée sur les marchés locaux. C’est très encourageant.» Quand elle est arrivée en octobre 2005, Maï Savanh Lao (« La soie céleste »), une association commerciale issue du SFE venait de lancer le projet de créer une usine pour le traitement du fil et le montage des chaînes à Vientiane. Il y avait tout juste un business plan. Quelques mois plus tard, Maï Savanh Lao avait trouvé un terrain, construit une usine, installé les machines et lancé la production...
Pour Véronique, «c’est là un secteur porteur, un des axes pour entrer en contact avec la population.» Actuellement, il y a environ 150 tisseuses en formation ou en partenariat avec le SFE dans tout un réseau de villages des environs de Louang Namtha.
Un style de vie qui a beaucoup à nous apprendre
Ce qu’elle a appris au Laos «marque pour une vie». Professionnellement, elle le découvre petit à petit. Mais surtout, avoue-t-elle, «on apprend énormément sur le savoir-vivre, à travers l’accueil et la chaleur des gens. Ils savent prendre la vie comme elle vient. L’expression passe-partout à apprendre, « bo-pen-gniang » (« ça ne fait rien, ce n’est pas grave ! »), sert à toutes les sauces. Mais il ne faut pas s’y tromper. En fait les Laotiens sont actifs – dans le calme. On se lève tôt, on va chercher l’eau, on prépare le riz avant l’aube... »
C’est aussi une société où la femme tient une place importante. Ce sont elles qui tiennent le commerce. «Au marché, si on marchande avec un homme, on doit parfois recommencer si la femme s’en mêle!»
Véronique a bien aimé apprendre la langue, même si 6 h de cours par semaine pendant deux mois, c’est très court. Elle est un peu frustrée de ne pas avoir pu aller plus loin. «Mais ça ouvre vraiment les contacts. Et cela débouche sur des situations amusantes, comme cette fois où on m’a servi du poulet, alors que je croyais avoir commandé des oeufs – pour une petite nuance de prononciation délicate pour nous autres francophones!»
Un secteur aux multiples possibilités
Le secteur de la soie dans lequel ce stage s’inscrivait offre des possibilités plus variées que ce qu’on imagine. «Le pays a beaucoup de ressources naturelles. Les Laotiens ont une grande proximité avec la nature et une connaissance incroyable des plantes. Ils pourraient valoriser davantage ces ressources, pour autant qu’on leur en donne les moyens.»
C’est ainsi qu’avec les mûriers, on peut non seulement nourrir les vers à soie, mais fabriquer du papier (et toutes sortes d’articles de papeterie), faire du thé (très bon pour le cholestérol!), faire des confitures, et en tirer des colorants... Toutes choses que les gens font déjà, mais à petite échelle, et qui pourraient se développer.
Acheter de l’artisanat ici pour améliorer les conditions de vie là-bas
Durant son stage, Véronique Moret a surtout travaillé au bureau de Vientiane, dans le secteur administratif. C’est un rouage indispensable pour la commercialisation des produits en Europe. Pour que le projet dégage des revenus pour les familles dans les villages, il faut bien sûr que toute une chaîne s’organise jusqu’à la vente en Europe et ailleurs à l’étranger.
C’est là que la présence d’une ONG joue un rôle indispensable. Non seulement pour organiser les filières de vente, mais aussi pour adapter les produits. Il ne s’agit pas d’imposer nos références à la sensibilité artistique du pays, mais d’expliquer aux partenaires locaux quels sont les critères de qualité et les caractéristiques qui permettent de vendre leurs produits... et cela, les gens le comprennent très bien.
Véronique vient de repartir en France pour une année d’études complémentaires. Avec une vision qui a pris un tour concret au travers de ce stage : développer des activités commerciales non pas autour de la recherche du profit, mais pour mettre ces activités au service des populations et de leur développement. Un commerce vraiment équitable.
Silvain Dupertuis