Valérie Compaore : surprise par l’espérance

mercredi 01 septembre 2021

Valérie Compaoré, aumônier au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) a été enthousiasmée par la lecture du livre « Surpris par l’espérance », de Nicholas Thomas Wright. Elle en a fait un condensé et nous explique les raisons de son enthousiasme.

Aumônier depuis six ans au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Valérie Compaoré, 47 ans, a effectué un travail de recherche sur la spécificité de l’activité de l’aumônier en institution de soin. Au moment de rédiger un condensé de ce travail pour la revue Etudes théologiques et religieuses (ETR), sous la responsabilité du professeur Olivier Bauer de la Faculté de théologie et de sciences des religions à Lausanne, elle a lu, apprécié et résumé « Surpris par l’espérance », du théologien anglican britannique Nicholas Thomas Wright (1).

Au moment de publier ce résumé sur le site internet theologus.ch, Valérie Compaoré répond à quelques questions. Elle nous explique pourquoi ce livre l’a fortifiée dans sa foi et dans son ministère.

En quoi ce livre vous est-il proche ?

Le livre « Surpris par l’espérance » me concerne particulièrement, parce qu’il me parle de mon quotidien d’aumônier. Je rencontre des personnes en état de souffrance, de dépendance, de démence, d’isolement social, de désespoir. La lecture de ce livre m’a aidée à trouver, au-delà de l’aspect social, un sens plus profond à mon travail.

Depuis quelques années, j’ai l’intuition que la résurrection du Christ n’est pas qu’une théorie, mais qu’elle est appelée à s’incarner dans notre société sécularisée. La résurrection et l’eschatologie – c’est-à-dire l’étude de la fin des temps, selon la Bible – ont un impact sur notre quotidien.

Comment ce livre vous a-t-il fait du bien ?

La lecture de cet ouvrage consacré à l’espérance chrétienne m’a rapprochée de la source de l’espérance, c’est-à-dire du Christ mort et ressuscité. J’ai l’impression que mon horizon s’est élargi. J’ai mieux pris conscience que mon travail s’inscrit dans un projet qui me dépasse complètement : le Règne de Dieu. Cela a fortifié en moi un sentiment d’appartenance au projet de Dieu pour les humains.

En effet, Dieu ne s’est par retiré de notre monde sécularisé. Il y œuvre profondément, mais d’une manière qui ne se voit pas immédiatement. Par exemple, lorsque je rencontre un patient dément qui, une heure après ma visite, ne s’en souvient plus, je sais que mon travail n’a pas été vain. Il est mémorisé « plus haut ».

Cette réflexion à propos de l’espérance a transformé mon regard. J’ai mieux pris conscience que l’œuvre du Ressuscité se déroule dans les corps blessés ou malades. Je vois des restes ou des bourgeons de foi dans les patients que je rencontre.

Sur le plan personnel, le livre de Nicholas Thomas Wright m’a permis de me rapprocher de la source de l’espérance : le Christ. Cela transforme ma vision du monde et de l’Eglise. La chrétienté recule en Occident ; certaines Eglises ont tendance à stagner ou à diminuer. Mais l’espérance chrétienne me permet de ne pas considérer que l’aspect négatif de cette situation : je vois aussi des bourgeons prêts à éclore. L’espérance modifie ma vision de la post-chrétienté.

Où rencontrez-vous ces bourgeons prêts à éclore ?

Actuellement, je travaille en gériatrie. Et, dans ce milieu, je rencontre de jeunes pasteurs porteurs d’une sorte de puissance d’espérance. Ils sont présents et prêts à relever les défis de l’Eglise de demain.

Je vois aussi la foi présente dans les cœurs de nombre de personnes âgées hospitalisées. Durant leur vie, leur foi n’a pas été nourrie et elle s’est étiolée. Mais ces personnes n’attendent qu’un souffle de l’espérance pour repartir dans la foi. Et je vois la vie qui reprend !

Je pense, par exemple, à un patient de septante ans. Il avait laissé sa vie spirituelle en dormance. Mais, après avoir participé à une célébration chrétienne au CHUV, je l’ai entendu dire : « Quelque chose est ressuscité dans ma vie spirituelle ». Il n’y a pas d’âge pour se remettre en question.

En quoi l’espérance est-elle surprenante ?

Avec l’amour et la foi, l’espérance fait partie des trois vertus théologales (1 Co 13.13). Celles-ci sont interdépendantes : l’une ne va pas sans l’autre. Et elles sont rattachées à la personne du Christ.

L’espérance n’est pas une utopie, ni une fuite dans un monde idéal. Elle reconnaît la présence du mal, du péché et des malheurs. Elle s’incarne à l’intérieur de la fragilité humaine, avec ses limites, sa finitude, voire la dépendance. Elle voit au-delà de ce qui est possible.

Dans mon travail, je constate que le deuil peut se vivre dans l’espérance : le patient se met à imaginer et à penser son avenir différemment. Même s’il devient dépendant, même s’il doit quitter son domicile pour aller vivre en EMS, il découvre que sa vie peut encore avoir un sens.

Je pense, par exemple, à une patiente qui a perdu ses capacités cognitives. Et, pourtant, elle n’a pas perdu sa sensibilité à la présence de Dieu. Le cerveau ne fonctionne presque plus, le langage a disparu, mais le canal qui la relie à Dieu n’est pas forcément affecté.

Si je raisonne de manière uniquement rationnelle, je développe des idées préconçues à propos des conditions cadres permettant à l’espérance et à Dieu de se manifester : il est nécessaire que la personne comprenne et qu’elle ait passé par un catéchisme. Cependant, dans la pratique de mon travail d’aumônier, je vois l’espérance se manifester dans des situations que je n’avais ni prévues, ni organisées, et qui vont à l’encontre de mes idées préconçues. Cela m’oblige à revoir mon propre enracinement spirituel. C’est une sorte d’ascèse, d’exercice, de regard qui cherche à voir les bourgeons de foi et Dieu dans le quotidien.

Par le passé, j’ai cru que la sécularisation de la société et la post-chrétienté montraient que Dieu s’était retiré du monde. Mais c’est faux ! Dieu agit dans le monde, y compris à l’extérieur de nos Eglises, et malgré leur mauvaise santé.

De manière très intéressante, le livre montre aussi que le salut et l’espérance ne sont pas qu’une affaire d’individus. C’est une histoire de création, de cosmos. La création n’est pas anéantie, mais elle passe par la rédemption qui est une sorte de recréation. Cela concerne, par exemple, la question écologique qui est un vrai coup de pied à l’individualisme.

Quels sont les points forts du livre « Surpris par l’espérance » ?

Il me montre que mon quotidien est semblable à celui des gens que je visite. Comme aumônier dans un hôpital, je rencontre des personnes qui souffrent. Mais nous sommes semblables : nous nous questionnons à propos des mêmes sujets : l’Eglise, la mort, les problèmes écologiques, l’avenir qui nous semble peu lumineux. Nous vivons pleinement dans la création.

La foi chrétienne nous donne une vraie raison d’espérer, fondée sur un événement toujours aussi puissant : la résurrection du Christ. Cette résurrection a intégré la crucifixion, la souffrance, la maladie, la question écologique, le pire du pire. Mais nous avons un appui solide, afin de nous mettre en route. Cela nous permet d’être sel et lumière aux côtés de nos contemporains. Lire « Surpris par l’espérance », c’est prendre conscience de cette espérance, afin de l’habiter, d’en vivre et de la transmettre, individuellement et en Eglise.

Inverview de Valérie Compaoré
Propos recueillis par Claude-Alain Baehler

 

Note
(1) Nicholas Thomas Wright, Surpris par l’espérance », Excelsis, 2019.

 

Résumé du livre « Surpris par l’espérance » 

Portrait de Valérie Compaoré

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