Dans son « Bulletin de nouvelles » de juin dernier, le Réseau évangélique suisse (RES), en lien avec l’évolution des directives sanitaires actuelles, soulève une question récurrente du rapport de l’Eglise à l’Etat : « Où mettre le curseur, entre une compliance toute chrétienne aux autorités et les relations séditieuses, communautaires ou individuelles, exprimées en termes de liberté religieuse ? »
Une des décisions qui a été délicate, et qui a dépassé le « seuil de sensibilité » de bien des leaders chrétiens, concernait l’interdiction de chanter. Cela a poussé Christian Kuhn, directeur du RES, à anticiper et à se demander comment nous réagirions si, un jour, ces mesures s’étendaient à l’interdiction de prêcher, d’accéder à la salle de culte sans passeport de vaccination, de partager l’Evangile dans la sphère publique, de se réunir entre chrétiens... « Et là, poursuit-il, on réalise avec stupeur que toutes ces menaces d’interdictions sont en fait la réalité vécue par bien des chrétiens dans le monde ! Et eux aussi, dans des proportions encore bien plus impressionnantes, ont fait preuve de créativité pour poursuivre le vécu et la propagation de leur vie de foi en Jésus-Christ. » Christian Kuhn termine avec cette interpellation : « Serions-nous possiblement invités par Dieu à nous préparer à d’autres temps que ceux vécus jusque-là, depuis plusieurs décennies ? »
Persécuté, moi aussi ? Vraiment !
Ces réflexions rejoignent une offre de formation de l’organisation Portes Ouvertes, en Suisse romande(1). L’organisation propose un cours intitulé « Résister d’une foi ferme » qui s’appuie notamment sur les écrits de Ronald Boyd-MacMillan, directeur de la recherche stratégique de Portes Ouvertes international.
Dans son ouvrage « A toute épreuve », qui a largement inspiré le parcours « Résister d’une foi ferme », Ronald Boyd-MacMillan relate un épisode significatif. En 2003, il a amené trois amis occidentaux dans une Eglise de maison à Pékin. Dans cette communauté, il est d’usage que chaque réunion commence par la même question, posée aux membres par le pasteur : « Quelles sont les blessures que vous avez reçues cette semaine à cause du Christ ? »
Quand le tour de ces trois Occidentaux est arrivé, ceux-ci ont répondu : « Nous n’avons pas vraiment de blessures ; nous vivons dans un pays libre. » Il s’en est suivi un long silence. Alors, une femme a dit de manière plus innocente qu’ironique : « Vous voulez dire que vous n’avez pas de combats spirituels à mener dans les pays libres ? »
Puis, le leader du groupe de maison s’est adressé aux trois Occidentaux : « Vos blessures ne sont peut-être pas aussi sanglantes que les nôtres, mais tous les chrétiens ont une croix à porter. Cette croix vous occasionnera des blessures, mais vous apporteront également de la joie et vous rapprocheront du Christ plus efficacement qu’aucune autre expérience ».
Déclarations éclairantes
Il faut rendre justice aux nombreuses affirmations du Nouveau Testament selon lesquelles la persécution devrait être une expérience universelle pour les chrétiens. Un pasteur chinois le traduit ainsi avec ses mots : « Nous ne sommes peut-être pas tous assis sur la même épine, mais nous sommes tous assis sur la même branche ».
Un croyant âgé, ayant fui la Corée du Nord, a souligné : « Si vous réduisez la persécution à ceux qui sont en prison, ou victimes d’agressions, ou dont les biens ont été confisqués, vous laissez entendre que tous les autres chrétiens sont spirituellement morts. »
Un jeune musulman converti, torturé en Egypte à cause de sa foi, déclare : « Nous participons tous au même combat ; c’est pourquoi nous sommes un. La seule différence, c’est que votre combat prend une forme plus subtile. Le mien est brutal. Mais c’est le même combat. » Le terrible danger menaçant les chrétiens occidentaux, qui estiment ne pas faire partie de l’Eglise persécutée, c’est qu’ils ont souvent du mal à reconnaître le combat spirituel. Or, ceux qui ne sont pas conscients du combat sont en train de le perdre. »
Les diverses facettes de l’opposition et de la persécution
Le Nouveau Testament mentionne cinq sources de persécution pour le chrétien : les chefs politiques, les prêtres, les marchands, les foules, la famille. C’est toute l’hostilité venant du monde, provoquée par notre identification avec le Christ, que Satan tente de diriger contre l’Eglise. Cela inclut les sentiments, les attitudes, les paroles et les actions hostiles. Le pasteur Maurice Ray avait, lui, l’habitude de dire que l’indifférence en était un reflet douloureux.
D’autres formes d’opposition à la foi en Christ sont à l’œuvre dans le monde, engendrant d’innombrables stratagèmes de déstabilisation. Il existe, entre autres, le nationalisme religieux, l’extrémisme islamique, l’anxiété totalitaire et l’intolérance laïque. Cette dernière devient de plus en plus la marque de nos pays occidentaux. Certains pays, comme la France, poussent si loin la doctrine de l’Etat laïque que cette dernière tient lieu, inconsciemment sans doute, de religion de substitution.
En Suisse, durant ces dernières décennies, nous avons vu les valeurs chrétiennes subir les assauts du monde matérialiste et pluraliste. Cela a conduit à de nombreuses tentatives d’étouffer toute influence de l’Evangile dans les lieux publics et, notamment, auprès de la jeunesse(2). Il devient donc de plus en plus impératif de mieux prendre la mesure de cette évolution sociétale, en vue de discerner les ressources que Dieu met à notre disposition et de développer des stratégies adaptées à ces bouleversements.
Guy Gentizon
(1) Portes Ouvertes apporte une aide spirituelle et matérielle aux chrétiens les plus persécutés, aujourd’hui dans 71 pays du monde.
(2) Le théologien suisse Shafique Keshavjee déplore que le trésor qu’est l’Evangile soit laminé dans les médias occidentaux, écarté des écoles, jeté aux oubliettes. « Il y a une tristesse en moi. Mais elle est compensée, parce que je sais que Dieu est souverain » (cité dans « Christianisme aujourd’hui », juillet-août 2021, p.30).
Site internet de Portes Ouvertes : www.portesouvertes.ch.