C’est vrai : nous sommes pécheurs et nous avons besoin d’être sauvés, mais la perspective globale de la Bible, c’est de parler de Création et de Nouvelle Création. Dieu a fait une alliance d’abord avec Abraham, puis une nouvelle alliance au travers de Jésus-Christ. Si vous considérez la justification par la foi, comme le font certains chrétiens, comme une sorte de passeport pour le ciel, c’est trop simple. Vous manquez l’essentiel !
L’apôtre Paul met cela en évidence aux chapitres 3 et 4 de l’épître aux Romains, dans les chapitres 3 et 4 de l’épître aux Galates, ainsi que dans le chapitre 3 de l’épître aux Philippiens : au travers de Jésus, en tant que Messie d’Israël, par sa mort et sa résurrection, Dieu se montre fidèle à son alliance avec Abraham dont le but est de créer un peuple, qui constitue le début d’une Nouvelle Création. Dieu a promis de remettre en ordre le monde à la fin. Il lance ce projet au travers de la mort et de la résurrection de Jésus, qui s’attaque au péché, au mal et à la mort. Quand quelqu’un met sa confiance dans l’Evangile, Dieu pardonne ses péchés et fait de cette personne une partie de cette œuvre de recréation. A la fin des temps, Dieu va remettre le monde en ordre, mais il nous remet en ordre aujourd’hui pour que nous entrions dans son projet de remise en ordre du monde.
Des « puissances sombres » non humaines ont donc recours à des éléments néfastes pour rendre le monde pire encore. Ces puissances se coalisent par l’entremise de Pilate et d’Hérode pour mettre à mort Jésus sur une croix. De manière surprenante, le Nouveau Testament affirme clairement que ce qui s’est passé à la croix ne constitue pas la victoire de ces puissances sur Jésus, mais plutôt qu’il y a là la victoire de Jésus sur elles. Des textes bibliques aussi fondamentaux que Jean 12, Colossiens 2 ou l’Apocalypse le soulignent : la résurrection de Jésus est le début de cette victoire. Quelque chose de nouveau est intervenu. La Nouvelle Création peut apparaître, parce que ces « puissances sombres » ont été vaincues. Il y a là une révolution contre ces puissances qui ont bouleversé le monde et qui proclamaient que l’on ne pouvait rien faire contre le péché et la mort. Cette révolution ne touche pas seulement ma personne et mon péché ! En partie, c’est vrai ! Mais cela touche aussi le monde au sens large. Dieu souhaite que nous nous mettions en route pour que nous soyons des signes de cette Nouvelle Création dans son monde, et de nos jours.
C’est pour cela que dans les évangiles de Matthieu et de Jean, il est fait mention en lien avec la résurrection du don de l’Esprit, tout comme dans les lettres de l’apôtre Paul.
C’est ce dont parle le Sermon sur la montagne (Matthieu 5 à 7). Les Béatitudes ne sont pas une liste de vertus requises pour aller au ciel. Elles témoignent plutôt de la manière dont Dieu agit dans le monde : au travers des pauvres, des humbles, de ceux qui ont le cœur brisé, de ceux qui ont soif de justice, de ceux qui pleurent, de ceux qui sont artisans de paix…
Il est important de nous rappeler que c’est une innovation occidentale récente de dire que la dimension spirituelle et la dimension sociale et politique de l’Evangile ne vont pas ensemble. A coup sûr dans le Nouveau Testament, le tout va ensemble. Au travers de la mort et de la résurrection de Jésus, Dieu veut créer une nouvelle famille, qui soit une réalité sociale et politique qui rende la présence de Dieu sensible comme réalité sociale dans le monde. De nombreux chrétiens occidentaux pensent qu’ils doivent s’échapper du monde présent par une spiritualité personnelle, et qu’ils participeront au monde futur au travers d’une présence désincarnée. Cette manière de voir n’a rien à faire avec la foi chrétienne. Il s’agit d’une forme de platonisme. Le problème principal du christianisme occidental, c’est que nous avons intégré cette forme de philosophie grecque sans même en être conscient.
Propos recueillis par Serge Carrel
Note
1 N. T. Wright, The Day the Revolution Began : Reconsidering the Meaning of Jesus’s Crucifixion, New York, HarperOne, 2016, 440 p.