C’est un ancien soldat irakien. Il a le discours clair et parfois provocateur. Aujourd’hui, il est prêtre dans la paroisse chaldéenne (catholique) de Mar Elia à Erbil. Le prêtre Douglas Bazi incarne ces ecclésiastiques qui, dans le Kurdistan irakien, ont ouvert grandes leurs portes pour accueillir les réfugiés qui, en août 2014, sont arrivés en masse frapper à la porte de leur église, dans le quartier chrétien de Ankawa à Erbil notamment.
Donner la liberté de choix
L’homme ne s’embarrasse pas du souci de maintenir sur place des gens pour préserver un héritage chrétien dans l’un des endroits où la présence des disciples de Jésus compte parmi les plus anciennes de la planète ! Non ! Pour lui, c’est le bien de ses ouailles qui prime. « Leur liberté de choisir eux-mêmes leur avenir ! » martèle-t-il. Après avoir mûrement réfléchi avec les quelque deux cents familles qui vivaient sous tentes ou dans des containers autour de son église, il a noué des contacts avec la Slovaquie pour permettre en novembre dernier à 149 personnes de prendre le chemin de l’exil en avion vers ce pays d’Europe centrale.
Tel Moïse, ce prêtre a préparé ces familles à l’exil de manière concrète, en leur donnant quelque base de slovaque, en les préparant aussi psychologiquement au choc de cette transculturation… Il les a accompagnées pour leur installation sur place et les visite régulièrement.
Pour beaucoup un retour est impossible
Le père Douglas se veut réaliste. Ces familles ne souhaitaient ni retourner à Mossoul, ni à Qaraqosh. Leurs maisons ont été détruites, leurs terres minées et des voisins ont même fomenté leur assassinat ! De plus, pendant des décennies, ils ont été victimes de « violents », que le prêtre catholique ne nomme jamais expressément, et qui, au nom de leur religion ou de leur droit de majoritaires en terre d’islam, ont oppressé les minorités.
Dans un pays comme l’Irak, il est toujours des populations de seconde catégorie ! Encore aujourd’hui après l’invasion américaine et la libération des griffes de Saddam Hussein. Des gens qui, parce que la constitution irakienne de 2005 s’inspire principalement de la loi islamique, la charia, sont d’office discriminés. Des gens que l’inscription de leur confession dans leurs papiers d’identité réduit au statut de proies faciles pour des « violents ».
Favoriser la venue des minoritaires !
Pour le bien de leurs enfants et pour leur offrir une vie à l’abri des violences religieuses, certains réfugiés de Sinjar, de Mossoul ou de Qaraqosh veulent construire leur vie ailleurs. La Suisse ne devrait-elle pas imiter la Slovaquie et tenir compte de ce statut de minoritaires en pays musulmans pour sélectionner les personnes admises comme réfugiés ? Yézidis, chrétiens et d’autres minoritaires ne devraient-ils pas bénéficier de la préférence ? Des ONG ne devraient-elles pas se mobiliser comme facilitateurs de la démarche ? Et permettre à ces personnes de rejoindre nos pays par les airs, sans un exode via la Turquie, la Grèce, les Balkans… et les dangers que l’on connaît ?
Serge Carrel
Voir les articles publiés en lien avec le voyage de Serge Carrel dans le Kurdistan irakien :
- « Kurdistan irakien : à Dohuk, Medair veille sur la santé de plus de 18'000 réfugiés yézidis »