Centre évangélique des 27 et 28 novembre à Paris : faire face à la crise des vocations de manière constructive

vendredi 01 décembre 2023

Tout comme en Suisse, les milieux évangéliques français font face aux défis de la relève pastorale dans les Eglises. Le Centre évangélique, la grande foire évangélique annuelle, s’est tenu en début de semaine à Paris. L'occasion de faire le point sur la crise des vocations et sur les opportunités qui s’offrent pour stimuler l’éclosion des futur-e-s pasteur-e-s et d’autres ministères. Pistes prometteuses !

« D’ici une dizaine d’années, il devrait manquer 600 pasteurs pour faire face aux besoins des Eglises évangéliques de France ! » C’est le constat choc qu’a fait Erwan Cloarec, le président du CNEF, le Conseil national des évangéliques de France, en ouverture du second jour du Centre évangélique d’information et d’action à l’Espace Charenton à Paris.

 

Une réflexion dans la durée

Du 27 au 28 novembre, plus de 1100 personnes ont assisté à la grande foire évangélique qui se tient chaque année à Paris et qui abordait le thème : « Vocations, crises ou opportunités ? » au travers de séances plénières et de « laboratoires d’idées » thématiques en petits groupes.

Pour expliquer le contexte dans lequel intervient cette réflexion, Christophe Paya, professeur de théologie pratique à la Faculté libre de théologique évangélique de Vaux-sur-Seine, explique qu’il s’agit de faire redescendre au niveau des responsables d’Eglises et d’œuvres ainsi qu’au niveau des pasteurs « une réflexion qui a cours depuis plusieurs années entre les fédérations d’Eglises et les lieux de formation, via les Assises de la formation convoquées par le CNEF en 2020 et 2022 ».

 

Résistance des plus jeunes au pastorat classique

Pour faire de cette crise des vocations une véritable opportunité, plusieurs ont souligné qu’il s’agit d’abord de prendre conscience que les générations Z et suivantes ont beaucoup de difficultés avec la vision classique du ministère pastoral. Ces jeunes veulent un cadre de travail plus précis, avec des horaires qui ne font pas du pasteur une personne disponible jour et nuit, et qui permettent le développement d’une vie de famille équilibrée. L’importance du travail en équipe a également été soulignée par plusieurs, alors que souvent le pasteur qui se retrouve dans son premier poste doit faire face tout seul à la tâche qui lui incombe.

Même si des théologiens comme Emile Nicole et Henri Blocher ont souligné la dimension sacrificielle du pastorat et qu’il ne fallait pas « baisser les exigences, mais les assumer avec détermination et joie », comme l’a relevé Emile Nicole dans sa conférence de lundi matin, plusieurs ont souligné que les évangéliques ne pouvaient pas faire l’économie d’une réflexion de fond. Le modèle pastoral traditionnel ne doit plus être aujourd’hui le modèle unique du pastorat. A côté de ce ministère, il importe de valoriser les ministères d’implanteur d’Eglise ou de diaconie, de pasteur jeunesse, d’évangéliste, d’influenceur sur les réseaux sociaux ou de louangeur, comme l’a bien montré le chanteur et musicien Dan Luiten par son animation des temps de louange matinaux.

 

Des opportunités : le pastorat au féminin ou bi-vocationnel

Jéma Taboyan, pasteure dans l’Eglise M à Valence et présidente de l’Union des Eglises évangéliques libres, a aussi appelé à faire de la place aux femmes pour exercer un ministère pastoral dans l’Eglise. Marquée par le fait qu’une grand-maman de son Eglise lui avait confié, en son temps, qu’elle déplorait qu’elle ne soit pas un homme pour exercer un ministère pastoral, Jéma Taboyan a invité les femmes non pas à remplacer les hommes qui n’assumeraient pas la relève pastorale, mais à trouver des espaces où exercer leur service dans la joie et la complémentarité.

Lors de la même table ronde, Nathan Lambert, pasteur de l’Eglise Fireplace à Paris, a plaidé pour l’ouverture aux « ministères bi-vocationnels » (1). Ces ministères à temps partiel permettent aux pasteurs à la fois de servir leur Eglise et de gagner leur vie en exerçant leur métier. Impliqué dans un projet d’implantation d’Eglise, Nathan Lambert propose ainsi ses services de traducteur dans le cadre d’une auto-entreprise. Concrètement, même si le pasteur est moins disponible, il conserve un pied dans la réalité professionnelle et la culture d’aujourd’hui, ce qui permet une approche plus facile de nos contemporains. Ce faisant, il peut permettre à une Eglise de soutenir un autre ministère, par exemple d’évangéliste, complémentaire à un pastorat plus classique.

 

Bien accompagner les plus jeunes

Dans les « labos d’idées » consacrés à la « Vocation pastorale » et aux « Premiers pas dans le ministère : les stages et l’accompagnement initial », plusieurs ont souligné l’importance d’encourager les vocations dans les Eglises locales et de pas hésiter à offrir des possibilités de service aux plus jeunes, y compris dans l’exercice de la prédication. Un pasteur retraité a même souligné qu’une Eglise avait donné la parole à un ado de 15 ans pour qu’il s’essaie au ministère de la prédication ! Certains ont aussi souligné qu’il importait aux différents ministères de donner une bonne image de leur service. Un pasteur expérimenté a relevé qu’il s’interdisait de dire publiquement qu’il était fatigué, de peur de renforcer l’image du pasteur épuisé et frustré, que beaucoup ont déjà !

Par rapport aux vocations des jeunes, Christophe Paya s’est réjoui du fait que l’on parle, dans les fédérations d’Eglises, davantage des questions financières liées aux vocations naissantes. « Cela me gêne, a-t-il expliqué au téléphone, que l’on fasse peser sur l’individu tout le poids de la vocation au ministère. » Le professeur de théologie pratique plaide pour que les Eglises accompagnent les vocations naissantes, non par des « bourses importantes », mais par des « bourses partielles », pouvant avoisiner les trois ou quatre mille euros ou francs par an. « Symboliquement, l’étudiant se sentira entouré et accompagné ! »

 

Soigner les pasteurs en place

Le mardi matin, Xavier Levieils, pasteur et formateur dans les Assemblées de Dieu, a mis le doigt sur la question délicate du nombre impressionnant de pasteurs qui arrêtent leur service avant l’âge de la retraite. Il a relevé que la fatigue et la démobilisation faisaient partie du pastorat, mais qu’il importait aux serviteurs de Dieu de « bien s’entourer et de créer autour d’eux un environnement encourageant, avec des ressources pour bien accompagner leur service ». A partir de la seconde épître de Paul à Timothée, ce pasteur pentecôtiste a tenté de ranimer la flamme des pasteurs découragés, en les invitant à se rappeler de leur appel passé, des résultats actuels de leur ministère et de la plénitude future en Dieu. Il a conclu son propos par un temps de prière pour les personnes exerçant un ministère dans l’Eglise et en difficulté.

Serge Carrel
Chargé de la formation dans la FREE

 

Note

1 Voici quelques articles qui présentent les ministères bi-vocationnels:
- John Koning, « Qu’en est-il du ministère bi-vocationnel ? », Acts 29.
- Mike Pittman, « Bénédictions et avantages du ministère bivocationnel et covocationnel », ncbaptist.org, 6 mai 2020.
- « Qu'est-ce qu'un pasteur bi-vocationnel ? », biblequest.biz.
- Pierre Maignal, « Le pasteur en milieu rural », Les Cahiers de l’Ecole pastorale, no 108, juillet 2018.

Serge Carrel

Serge Carrel est au bénéfice d’une formation double: théologique et journalistique. Après dix ans de pastorat en France et en Suisse romande, il a travaillé huit ans comme journaliste aux émissions religieuses de la RTS. Aujourd’hui formateur d’adultes et journaliste en lien avec la Fédération romande d’Eglises évangéliques (FREE), il essaie de tirer le meilleur parti de ce double ancrage. Que ce soit dans le cadre du FREE COLLEGE, de lafree.ch, de Vivre ou de la fenêtre chrétienne de MaxTV.

Formation reçue

Master en théologie (UNIL, 1986)
Centre romand de formation des journalistes (RP, 1996)

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