La spiritualité a-t-elle un rôle à jouer dans la vie publique?

lundi 10 octobre 2011

Ne doit-on plus parler de «musulmans» ou de «chrétiens» et ne s’en tenir qu’à l’étiquette de citoyen? L’idée est séduisante, mais elle est un peu facile. Christian Bibollet de l’Institut pour les questions relatives à l’islam du Réseau évangélique propose son éclairage sur cette question. Cette contribution est parue le 6 octobre dans la rubrique « Opinions » du journal Le Temps.  Dans un article récent (Le Temps du 6.09.2011), Stéphane Lathion a mis en évidence deux conséquences désastreuses des attentats du 11 septembre 2001. En Europe, non seulement on assiste au repli identitaire de certains musulmans en réponse aux discours malveillants et exclusifs des partis de droite dure, mais le regard posé sur eux tend à ne rien voir sinon leur religion. Comment résister à ce mouvement de polarisation malsain et continuer d’affirmer qu’il est possible de vivre ensemble? « Ne plus parler d’islam et de musulmans » ? A ce problème, Stéphane Lathion suggère une solution: ne plus parler d’islam et de musulmans. Si cet appel à ne pas réduire les personnes à leur religion est pertinent, le moyen d’y parvenir le paraît moins. Quand un rapport récent de la Fondation Thomas Reuter nous apprend que quatre des cinq pays les plus concernés par les violences faites aux femmes sont musulmans ou ont une forte population musulmane, il est naturel de se demander s’il existe un lien entre cette situation et les enseignements de l’islam. Quand on entend comment sont traités ceux qui abandonnent l’islam ou comment, en certains pays musulmans, les non-musulmans, chrétiens en particulier, sont contraints de vivre en citoyens de seconde zone, quand ils ne sont pas franchement persécutés, notre conscience se révolte contre une telle intolérance. Ne plus questionner le religieux ? Ces faits, et bien d’autres, sont accablants et font un tort considérable à beaucoup de musulmans paisibles et parfaitement intégrés. Faut-il pour autant ne pas les aborder et éviter de poser des questions? D’une certaine façon, cela revient à demander s’il faut parler des cas de pédophilie qui sont actuellement reprochés à l’Eglise catholique ou s’il fallait parler du cas de Terry Jones, ce pasteur évangélique, qui, en mars dernier, a finalement mis à exécution sa menace de brûler un Coran. Dans un monde où l’information fait le tour de la terre en une seconde, n’importe qui peut instantanément devenir la cible de moqueries ou d’attaques parce que des représentants de sa religion ont commis des fautes graves. Mais dans le cas des musulmans s’agit-il simplement d’amalgame et de malveillance de la part des non-musulmans ou l’islam pose-t-il objectivement des problèmes auxquels les musulmans devraient trouver des réponses?   Prendre au sérieux 3 propos de Jésus Si donc le vivre-ensemble ne peut se fonder sur la décision de s’abstenir d’évoquer ce qui pose problème dans la religion de mon voisin, sur quoi pourrait-il reposer? Dans le contexte actuel, il me semble que nos relations sociales gagneraient en sérénité et en respect mutuel si nous prenions au sérieux trois des propos les plus connus de Jésus.

  • «Aimez vos ennemis.» Martin Luther King (MLK) a clairement souligné que le vrai moteur de la transformation d’une société est de résister à l’injustice tout en cherchant à libérer de leur captivité morale ceux qui incarnent cette injustice. Que sa démarche n’ait pas fait l’unanimité dans la communauté noire américaine est directement lié au fait que d’autres ne partageaient pas ses convictions spirituelles. Mais MLK a obtenu l’abolition de maux dont a bénéficié l’ensemble de la nation, Noirs et Blancs confondus.
  • «Faites aux autres ce que vous voudriez qu’ils fassent pour vous.» Dans nos sociétés où les individus sont largement motivés par la recherche de leurs intérêts et la défense de leurs droits, concevoir de modérer ces priorités choque. Chercher à comprendre l’autre comme je souhaite être compris de lui, défendre sa dignité sans rien renier de la mienne, tout cela constitue un vrai défi moral et spirituel. Mais le gain est considérable: au lieu de trouver dans les convictions religieuses d’une personne un motif d’exclusion, on s’attache à découvrir ce qu’elle est en elle-même.
  • «Mon Royaume n’est pas de ce monde.» Il est particulièrement significatif que Jésus ait prononcé ces paroles lors de son procès. Alors que la foule demandait sa mise à mort, il a choisi de ne pas user de sa puissance pour lui échapper. Dans ce cadre, son affirmation signifie que ce royaume est de nature spirituelle et s’établit de manière spirituelle. Il n’a rien à voir avec la puissance de l’argent, les forces de police, les intrigues politiques ou la coercition psychologique. Il est simplement constitué de ceux qui en acceptent librement le message et en vivent.

« Un Dieu trop petit parce que trop religieux ! » Dans un monde où la religion fait trop souvent l’objet d’instrumentalisations politiques, il est urgent que chacun refuse absolument de laisser politiciens et leaders religieux faire référence à une foi quelconque dans le but de dresser un segment de la population contre un autre. Aucune religion n’a vocation à contrôler politiquement un pays. Mais pour échapper à cette tentation de toujours, chacun doit reconnaître le piège de pratiques religieuses mécaniques, ritualisées, et rechercher une spiritualité vivante qui fasse accueil à l’autre. Comme l’a dit John Stott (1) dans un de ses livres, «notre Dieu est souvent trop petit parce qu’il est trop religieux». Par Christian Bibollet, membre du Réseau évangélique Cette prise de position est aussi disponible sur le site du Temps. Note 1 John Stott est un théologien évangélique anglican décédé le 27 juillet dernier. Plus d’infos.  

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