×

Message

Failed loading XML...

«La lutte contre la radicalisation est-elle entre de bonnes mains?» par Saïda Keller-Messali, Christian Bibollet et Amar Bouberguig (1)

Saïda Keller-Messahli, Christian Bibollet et Amar Bourberguig mercredi 09 septembre 2020

« Ne serait-il pas indiqué de revoir les partenariats conclus par l’OFAS pour son programme de déradicalisation afin de mettre un terme à la situation étrange où l’on demande à des associations islamistes de prévenir la radicalisation à laquelle conduit naturellement leur propre idéologie ? » interrogent Saïda Keller-Messahli, Christian Bibollet et Amar Bouberguig. Cette prise de position est parue sur le site du quotidien « Le Temps » le mardi 1er septembre.

 

 

En janvier 2020, l’Office fédéral des assurances sociales a publié une brochure intitulée « Discours de prévention de la radicalisation sur internet ». Ce document est le fruit d’une initiative pionnière lancée en 2017 et constitue un des aspects du « Plan d’action national de lutte contre la radicalisation et l’extrémisme violent ».

Destinée aux « équipes de projet, aux professionnels et aux autorités », cette brochure recommande de prévenir la radicalisation des jeunes en recourant aux techniques de « contre-discours » et de « discours alternatifs ». Pour réaliser ce projet, l’OFAS a fait appel à plusieurs associations musulmanes.

Des associations en accord avec les valeurs helvétiques ?

En prenant cette décision, l’OFAS semble être parti du postulat que ces organisations partageaient les valeurs fondamentales du pays. Or, rien n’est moins sûr. Sur les quatre projets pilotes (sites internet), trois font la promotion d’un islam très conservateur. Winfluence compte dans son équipe l’association JASS (Just a Simple Scarf) qui milite pour que les femmes musulmanes portent le voile.

Positivislam, lui, est soutenu par le Centre Suisse Islam et Société (CSIS), qui se fait l’avocat des associations de mosquées et n’est donc pas neutre, et par Frislam qui véhicule un islam politique, étranger à la grande majorité des musulmans laïcs.

Le site de Knowislam, de son côté, donne du Coran une image fallacieuse. Il affirme qu’il est le seul livre religieux à n’avoir subi aucune altération, contrairement à la Bible, cela contre la vérité historique et l’avis de théologiens musulmans. Il occulte les versets relatifs au djihad et déforme la signification de la sourate 2.62 en laissant entendre que l’islam reconnaît la foi des Juifs et des chrétiens, alors que le Coran affirme que seuls ceux qui embrassent l’islam seront agréés d’Allah. Il cache aussi le fait que la sourate 98 divise l’humanité entre musulmans et mécréants et que ces derniers sont « de toute la création, les pires créatures ».

La « déradicalisation » confiée à des radicaux ?

Ces trois projets, sous couvert de prévenir la radicalisation des jeunes musulmans, font la promotion des valeurs et enseignements du « vrai islam ». On sait que ces associations ne manquent jamais de rappeler dans les médias qu’elles se réclament de l’« islam du juste milieu » qui n’est que justice, paix et amour. Les trois sites susmentionnés laissent néanmoins paraître des traits caractéristiques de l’islamisme. La femme musulmane doit être voilée parce que la jurisprudence islamique déclare son corps entièrement impur et que, de ce fait, elle constitue une source de tentations sexuelles et de péché pour les hommes. Dès son enfance, on lui fait porter le voile pour lui inculquer une conception coupable de son corps, un corps qui ne vaut pas celui des hommes et qui est tout entier impudique. Ce seul enseignement tombe déjà sous le coup de la loi suisse contre les discriminations.

On doit donc constater que ces projets pilotes, soutenus par l’OFAS pour prévenir la radicalisation des jeunes musulmans, reprennent à leur compte la conviction que le monde est divisé en deux camps – musulmans d’un côté, mécréants de l’autre – et adhèrent à l’idée que les musulmans sont les détenteurs exclusifs de la vérité. Ils sont également convaincus que la charia prévaut sur la loi du pays et que la démocratie est une forme illégitime de gouvernement. Or, de telles affirmations caractérisent précisément l’extrémisme islamiste.

Des fonds publics mal attribués ?

Il y a encore plus intéressant. Le site de la Confédération nous apprend que, grâce à la mise en œuvre de son Programme d’impulsion nationale, en 2020, le Centre Suisse Islam et Société (CSIS) a reçu 87'000 CHF, l’Union zurichoise des associations musulmanes (VIOZ) 165'000 CHF et l’Union vaudoise des associations musulmanes (UVAM), 61'000 CHF. Or, une enquête du journal égyptien al-Watan a révélé, il y a quelques années, que la VIOZ est une structure des Frères musulmans, tout comme le Centre culturel musulman de Lausanne (CCML), membre de l’UVAM. Le livre, « Qatar Papers » (2), paru en 2019, nous dit que ce Centre « culturel », membre de l’UVAM, a reçu environ 1,5 million de Francs du Qatar !

Tout cela suggère fortement que ces projets n’ont pas été mis entre les bonnes mains. Ne serait-il pas indiqué de revoir les partenariats conclus pour ce programme afin de mettre un terme à la situation étrange où l’on demande à des associations islamistes de prévenir la radicalisation à laquelle conduit naturellement leur propre idéologie ?

Le minimum : travailler avec des associations critiques !

À l’avenir, ne serait-il pas également important d’associer à de tels programmes des musulmans qui ont une vraie distance critique à l’égard des textes fondateurs de l’islam ? Ces personnes seraient certainement mieux à même de mettre en lumière le fait que le texte coranique auquel se réfère tout djihadiste reste la principale source de radicalisation. Elles pourraient encourager les musulmans à vivre leur foi sans en faire un motif d’exclusion et d’isolement ou un projet conquérant.

Saïda Keller-Messahli (Forum pour un islam progressiste)
Christian Bibollet et Amar Bouberguig (Institut pour les questions relatives à l’islam)

 

Notes
2 Christian Chesnot et Georges Malbrunot, Qatar Papers, Comment l’émirat finance l’islam de France et d’Europe, Paris, Michel Lafont, 2019, p. 195.

Opinion - avertissement

Les signataires de ces textes sont soit des membres de l’équipe de rédaction de lafree.ch soit des personnes invitées.
Chacun s’exprime à titre personnel et n’engage pas la FREE.

Publicité

Journal Vivre

Opinion

Opinion

Agenda

Événements suivants

myfreelife.ch

  • Pour les Terraz et les Félix, des choix porteurs de vie

    Ven 22 septembre 2023

    Abandonner la voiture et emménager dans une coopérative d’habitation ?... Deux couples de l’Eglise évangélique (FREE) de Meyrin ont fait ces choix qu’ils estiment porteurs de vie. « Le rythme plus lent du vélo a vraiment du sens pour moi », témoigne Thiéry Terraz, qui travaille pour l’antenne genevoise de Jeunesse en mission. « Je trouve dans le partage avec mes voisins ce que je veux vivre dans ma foi », lui fait écho Lorraine Félix, enseignante. Rencontres croisées. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

  • Vivian, une flamme d’espoir à Arusha

    Jeu 15 juin 2023

    Vivian symbolise l’espoir pour tous ceux que la vie malmène. Aujourd’hui, cette trentenaire tanzanienne collabore comme assistante de direction au siège de Compassion à Arusha, en Tanzanie. Mais son parcours de vie avait bien mal débuté… Nous avons rencontré Vivian au bureau suisse de l’ONG à Yverdon, lors de sa visite en mars dernier. Témoignage.

  • Une expérience tchadienne « qui ouvre les yeux »

    Ven 20 janvier 2023

    Elle a 19 ans, étudie la psychologie à l’Université de Lausanne, et vient de faire un mois de bénévolat auprès de jeunes de la rue à N’Djaména. Tamara Furter, de l’Eglise évangélique La Chapelle (FREE) au Brassus, a découvert que l’on peut être fort et joyeux dans la précarité.

  • « Oui, la relève de l’Eglise passe par les femmes »

    Ven 16 septembre 2022

    Nel Berner, 52 ans, est dans la dernière ligne droite de ses études en théologie à la HET-PRO. Pour elle, la Bible est favorable au ministère féminin. Et les communautés doivent reconnaître avoir besoin tant d’hommes que de femmes à leur tête.

eglisesfree.ch

eglise-numerique.org

point-theo.com

Suivez-nous sur les réseaux sociaux !