« Le gars est arrivé à la fin du culte et il était très agressif, se souvient Michel Gentil, pasteur dans l'Eglise évangélique libre de la Rochette (FREE), à Neuchâtel. Il voulait qu'on lui remette le contenu de l'offrande. Il était aussi accompagné d'un autre homme qui observait à distance. » Depuis près de deux ans, à Neuchâtel comme dans de nombreuses Eglises urbaines, la mendicité change de visage.
Autrefois, les mendiants rencontrés aux portes de nos chapelles étaient surtout des marginaux plus ou moins drogués ou alcoolisés. Ils passaient d'église en église, racontant des histoires destinées à émouvoir – souvent crédibles, rarement vraies. Ils demandaient de l'argent, mais se voyaient proposer de la nourriture ou des billets de train. Mécontents des offres, ils repartaient en jurant.
Un degré d’agressivité à partir duquel c’est le 117 !
Désormais, les mendiants « classiques » sont concurrencés par des Roms venus de Roumanie ou de Hongrie. Ils impressionnent par leur insistance ou leur nombre. Bien informés, ils arrivent à la fin des cultes et abordent les gens à la sortie... parfois, ils entrent carrément dans la chapelle pour y « faire leur marché ».
A Neuchâtel, les responsables de l'Eglise viennent de décider du degré d'agressivité à partir duquel ils demanderont l'intervention de la police. « Nous les voyons arriver chaque dimanche, constate Michel Gentil. Mais, en principe, nous ne donnons pas d'argent... plutôt des vivres. » Le problème, c’est que ces mendiants ne veulent généralement rien d'autre que de l'argent, parce qu'ils pourront en ramener une partie dans leur pays.
Ils demandent une collecte en leur faveur
Même son de cloche à l'Eglise évangélique (FREE) de Renens où des Roms ont demandé une collecte en leur faveur. « Notre chapelle est située à côté de la gare, dans un quartier où la mendicité est permanente, souligne Christian Reichel, le pasteur de la communauté. Nous ne donnons rien aux mendiants que nous ne connaissons pas du tout. A ceux avec lesquels nous avons un minimum de relations, nous donnons des bons d'achat de la Coop. » Mais le pasteur n'est pas vraiment satisfait de cette aide qui ne fait que dépanner momentanément.
A l'Eglise évangélique de Meyrin, près de Genève, les Roms pratiquent deux sortes de mendicité. « Il y a ceux qui attendent tranquillement les gens à la sortie du culte, explique le pasteur Roger Sewell. Mais il y a aussi des personnes qui s'installent dans le bâtiment durant le culte... et contraignent les responsables de l'accueil à une surveillance constante. »
Les responsables de l'Eglise de Meyrin ont décidé d'interdire la mendicité à l'intérieur des bâtiments. Mais, comme ceux de Neuchâtel et de Renens, ils se sentent désemparés et réagissent au coup par coup. « Donner quelque chose afin de soulager notre conscience n'est pas une solution, reconnaît Roger Sewell. Les responsables de l'Eglise réfléchissent donc à la mise en place d'une forme d'aide plus utile pour ces mendiants. »
Pour cette Eglise, la présence des Roms prend encore une autre dimension. Certains parmi eux sont discrètement venus passer la nuit dans la propriété, près d'une remise à outils. Des voisins s'en sont aperçus et ont demandé aux responsables de l'Eglise de faire partir ces Roms.
Mettre en place une bourse des pauvres
Les responsables des Eglises de la FREE touchées par cette nouvelle forme de mendicité font part de leur désarroi. Cependant, plusieurs pasteurs évoquent la possibilité de mettre en place une bourse pour les pauvres dans leur communauté. Déconnectées des budgets des Eglises, ces bourses permettraient de pratiquer l'aumône avec générosité, mais dans la mesure des moyens des communautés.
Lors des dernières rencontres Eglises en mission, Mamadou Karambiri ne parlait-il pas de la mission intégrale qui commence à notre porte?
Claude-Alain Baehler