Le DVD du film Le Fils de Dieu (Son of God) est sorti le 3 juin avec un excellent doublage en français. Ce film sur la personne de Jésus, issu de la série La Bible, est donc dorénavant à disposition des francophones. Distribué par 20th Century Fox, Le Fils de Dieu a été produit par Roma Downey et Mark Burnett, et réalisé par Christopher Spencer, avec Diogo Morgado dans le rôle de Jésus. Sorti dans les salles nord-américaines le 28 février dernier, il a connu un grand succès, mais ne devrait pas faire le saut de l'Atlantique pour sa version française, même si des personnalités catholiques et évangéliques ont fait beaucoup pour sa promotion aux Etats-Unis.
Un film « johannique »
A la différence d'autres films sur Jésus, Le Fils de Dieu s'inspire de l'évangile de Jean. On voit en effet dès l'ouverture du film le visage vieilli de l'apôtre qui raconte l'histoire de Jésus à partir de ses perspectives propres : « Au commencement était la Parole et la Parole était Dieu... » Le film se termine avec ce même disciple qui tire un bilan de sa vie et fait part de ses attentes d'homme âgé, exilé sur l'île de Patmos. Tout au long de la première partie du film, Jean est le narrateur qui intervient régulièrement pour marquer des moments forts ou de nouvelles directions dans le ministère de Jésus.
Cette « charpente » narrative est accompagnée d'une réduction du nombre des personnages clés du récit. Ainsi les disciples vraiment actifs ne sont plus que cinq : Jean, bien sûr, Pierre, le leader de la future Eglise, Thomas, le disciple type qui pose les questions qui dérangent, Matthieu, qui incarne les exclus rejoints par Jésus, et bien entendu Judas, plus victime de ses hésitations dans ce film que traître résolu. A côté de ces cinq disciples qui crèvent l'écran, il y a Marie de Magdala. Elle prend une part active à l'équipe des douze dès le début du film, au point qu'elle a tout du treizième disciple de Jésus.
Il y a aussi les forces en présence dans le procès de Jésus : le Romain Pilate en préfet de la Judée, Caïphe, qui à lui seul incarne l'establishment juif des Sadducéens, Barabbas, représentant du mouvement zélote, et un pharisien sans nom qui, dès le début du film, fait office de contradicteur systématique aux prétentions messianiques de Jésus. Nicodème est aussi convoqué pour incarner un représentant du judaïsme qui se pose des questions sur l'identité de Jésus et qui va devenir un de ses proches.
L'émergence de femmes
Des personnages secondaires du donné biblique ou carrément extérieurs trouvent également du relief : Malchus, le chef de la garde du grand-prêtre (Jean 18.10), Simon de Cyrène qui va porter la croix de Jésus (Mt 27.32), et... Claudia, la femme de Pilate, qui apparaît tout au long du film comme une figure païenne sensible à une certaine voix de Dieu, par-delà ses convictions animistes (Mt 27.19).
Ce qui frappe dans ce film autour de Jésus, c'est une émergence forte des femmes. Même si elles ne sont pas très nombreuses (Marie, la mère de Jésus, Marie de Magdala, Claudia et la femme prise en situation d'adultère...), elles jouent un rôle prépondérant. Notamment Marie qui, dans la seconde partie du film, crève l'écran au travers de Roma Downey, à la fois interprète de la mère de Jésus et productrice du film. Le face à face entre Jésus et cette maman impuissante devant la tragédie qu'est en train de vivre « son fils » donne au film des scènes avec des gros plans bouleversants d'intensité.
Un choix pas pleinement assumé
On aurait pu s'attendre à ce que le choix de l'apôtre Jean comme « charpente » narrative du film donne un ton clairement johannique à cette production. Ce n'est pas pleinement le cas. De nombreuses scènes propres à cet évangile manquent à l'appel : Cana, la rencontre entre Jésus et la Samaritaine, le lavement des pieds, la démarche de pardon entre Jésus et Pierre... Comme si les auteurs n'avaient pas osé aller jusqu'au bout de leur choix : endosser pleinement le matériau narratif retenu par Jean et valoriser les thèmes qui lui sont propres : la vie éternelle, le don du commandement nouveau, Jésus visage du Père, la mort à la croix comme révélation de l'amour de Dieu... Ce choix non pleinement assumé apparaît encore plus distinctement après la résurrection de Jésus. Le temps liturgique, Résurrection-Ascension-Pentecôte, structure la fin du film, alors que ce n'est pas le cas dans l'évangile de Jean (contrairement à celui de Luc).
Un Jésus à voir !
Il n'empêche ! Cette œuvre cinématographique est remarquable. Par le sujet qu'elle aborde, bien entendu ! Mais aussi parce qu'elle apporte un renouveau dans le genre des films qui s'inspirent directement d'un évangile. Après L'Evangile selon saint Matthieu de Pier Paolo Pasolini (1964), après Jésus de John Heyman, coproduit par l'œuvre évangélique Campus Crusade (1979) et inspiré de l'évangile de Luc, Le Fils de Dieu affiche une qualité d'images tout ce qu'il y a de plus contemporain, une mise en scène d'aujourd'hui... et surtout un Jésus qui, grâce au rayonnement de Diogo Morgado, distille une proximité, une complicité et une chaleur relationnelle qui devraient plaire à nos contemporains.
Serge Carrel
Le Fils de Dieu (Son of God), produit par Roma Dowey, Mark Burnett et Richard Bedser, réalisé par Christopher Spencer, avec Diogo Morgado (Jésus), Roma Downey (Marie), Darwin Shaw (Pierre). Durée : 138 minutes. Disponible via DVD en version anglaise, espagnole et française. Sous-titres : anglais, espagnol et français.
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