Le soleil, la plage, la mer, les jolies filles... L’ami Marcel né sous le crayon d’Alain Auderset tient le haut de l’affiche du dernier album de l’artiste. Pendant ses vacances, le personnage et sa bande de copains
voient un soir un enfant mourir de faim à la télévision. D’un commun accord, ils décident de passer le reste de leur virée en Espagne à récolter des fonds en sa faveur. Contrairement aux ouvrages précédents, pas de référence spirituelle a priori dans les différentes bulles des « Vacances de Marcel ». « Je voulais juste faire une histoire humoristique et percer dans le milieu non chrétien, explique le dessinateur. C’était stratégique. » L’exercice a réussi pile poil : la compagnie de danse contemporaine Igokat, dirigée par deux anciens premiers danseurs et maîtres de ballet au Béjart Ballet Lausanne a pris contact avec lui. Pourquoi ? « Parce que je voulais traiter de la faim, de la pauvreté, a indiqué samedi soir dernier à l’issue du spectacle Igor Piovano, l’un des deux codirecteurs de la compagnie. Et puis je suis un grand animateur de bandes dessinées. Je n’avais jamais vu encore cet art associé à la danse et j’ai voulu essayer. En cherchant un artiste qui parle des problématiques qui m’intéressaient, je suis tombé sur Alain qui venait de sortir son album en novembre dernier. C’est la chance ! »
Solo de guitare en ouverture
A l’ouverture du rideau, Alain Auderset est seul sur scène et interprète, assis en tailleur, un solo de guitare de son cru pendant 3 minutes. Tour à tour, les neuf danseurs de la troupe viennent l’entourer. Puis Alain se lève, range sa guitare, et se place à gauche de la scène, devant un chevalet sur lequel il trace un premier dessin que le public suit en direct sur écran géant au fond de la scène. Sur une variation du Canon de Pachelbel, les danseurs se mettent alors en mouvement... Au total, douze tableaux différents seront présentés suivant les esquisses d’Alain, pour évoquer tantôt l’indifférence des gens, tantôt le dénuement d’un mendiant. Du bout du stylo ou par le mouvement, le thème de la faim est décortiqué avec désespoir, rage... et humour ! Les décors, sobres, font place à des projections vidéos sur un écran de télévision dessiné. Ces images, mises à disposition par l’ONG Compassion qui soutient le projet, commentent et rythment le propos. Cette rencontre de plusieurs arts a fait mouche auprès du public de l’Octogone à Pully, venu remplir les trois quarts de la salle deux soirs consécutifs!
Les directeurs Igor Piovano et Kathryn Bradney veulent par leurs chorégraphies être en lien avec les grands thèmes de l’actualité. C’est chose faite dans ce spectacle, à l’issue duquel ils parrainent d’ailleurs une jeune Colombienne de 7 ans. Pour le dernier tableau, la jeune Kelly interprète la chanson Halleluja de Leonard Cohen, en référence à cette action.
Des VIP « pour de vrai »
« En finissant ma BD, je voulais que cela serve à quelque chose. Que les gens fassent comme Marcel, les ‘conneries’ en moins ! Du coup, je parraine moi aussi un enfant en Inde. L’album a donc déjà permis de sauver 2 enfants », commente Alain Auderset. Catapulté un peu malgré lui dans cet univers de la danse contemporaine, il parle de ces danseurs qu’il a approchés, comme « d’athlètes de haute compétition ». Les yeux et les oreilles encore émerveillés – « C’était hyper beau ! » – il dit avoir découvert la haute société, « des VIP, mais pour de vrai ! » A qui il s’est fait un plaisir de dédicacer son album. « Je voulais toucher un nouveau public, mais ce n’est pas celui-là auquel je pensais... »
Avec « Les vacances de Marcel », Alain Auderset a signé son sixième album. Cette BD a nécessité 2 ans de travail.
Gabrielle Desarzens
Alain Auderset, Les vacances de Marcel, 2010.