Est de la République démocratique du Congo: des signes d’espérance dans la précarité

vendredi 08 janvier 2010

Du 10 novembre au 2 décembre, Jacques Blandenier a séjourné en République démocratique du Congo pour y dispenser un enseignement théologique. L'ancien responsable de la formation d'adultes de la FREE nous livre ici un aperçu de la situation à l'est du Congo. En particulier dans les Eglises de la Communauté Emmanuel et à l'Université Shalom de Bunia. Des chrétiens y font un immense travail.

Nyankunde, Bunia, Ituri, Province orientale du Congo... des noms familiers à beaucoup de nos lecteurs. Durant la seconde moitié du XXe siècle, le Service missionnaire évangélique (SME) de nos Eglises a soutenu de nombreux envoyés, principalement dans le domaine médical, pour seconder nos Eglises-sœurs de la Communauté Emmanuel, fortement implantées dans cette région. Le SME poursuit d'ailleurs son partenariat par des projets de développement (école, ferme pilote).

Un pays qui panse ses plaies
Dans les premières années de ce siècle, les troubles ethniques qui couvaient depuis longtemps dans l’est du Congo se sont déchaînés avec une violence inouïe : pillages, destructions, massacres par milliers, flots de personnes déplacées... Entre autres désastres, le grand Centre médical évangélique de Nyankunde, fondé par diverses missions mais entièrement africanisé et fournissant une médecine de haut niveau pour une immense région, a été entièrement saccagé. Il renaît pourtant de ses ruines.

Dans ce pays qui panse ses plaies, les villes sont à peu près sécurisées par les forces des Nations unies, mais les villages de brousse restent sans cesse menacés par des groupes armés incontrôlés. Beaucoup sont quasi désertés, et les villes voient affluer des populations sans ressources. Bunia, qui comptait 125'000 habitants en 2005, a quasiment triplé de population en quatre ans. Quant aux infrastructures et aux administrations (routes, éclairage public, poste, électricité...), elles continuent à se dégrader. De nombreuses ONG (dont Medair que nous connaissons bien) maintiennent presque la région sous perfusion.

Des Eglises, lieux de compassion et de réconciliation
Sombre bilan ? Oui. Et pourtant, si je rentre d’un septième séjour d’enseignement théologique dans la région avec le poids d’un lourd fardeau, c’est aussi et d’abord avec une grande espérance.

Je pense à ces Eglises citadines, devenues si nombreuses par l’afflux de réfugiés, ou à celles des villages qui ont quasiment tout perdu. Et je me demande ce que seraient devenues nos Eglises évangéliques suisses si elles avaient subi le quart ou le dixième des souffrances et des destructions qu’ont subis nos frères et sœurs de l’Ituri. Là-bas, malgré de graves ébranlements, elles sont et demeurent un lieu de compassion, de réconciliation, de joie et d’espoir. Sel et lumière, témoignage du « malgré tout » de la fidélité de Dieu dans un monde ravagé par la puissance dévastatrice de l’égarement humain.

L’Université Shalom
Parmi les signes d’espérance les plus forts, il faut placer sans hésiter l’Université Shalom de Bunia (USB). Un Institut supérieur de théologie avait été créé il y a plus de trente ans, par les diverses missions évangéliques présentes dans la région, formant une pépinière de serviteurs de Dieu compétents, dont plusieurs ont été promus à de hautes responsabilités au sein du protestantisme congolais. Comme pour le Centre médical évangélique de Nyankunde, le corps enseignant et le Conseil d’administration ont été progressivement africanisés. Lors de mon précédent séjour, l’Institut comptait une soixantaine d’étudiants, dont une dizaine à un niveau d’étude correspondant à une licence en théologie.

Le nouveau doyen, le Dr Katho Bungishabaku, un chrétien de Nyankunde formé à un excellent niveau universitaire en Afrique du Sud, est revenu parmi les tout premiers après les guerres ethniques, trouvant un Institut épargné miraculeusement par les destructions et abritant des milliers de réfugiés. Celui qui était le doyen à l’époque, le pasteur Alo, bien connu en Suisse – il fit une partie de ses études de théologie à Genève – était une figure si respectée dans la ville que le domaine de l’Institut a été considéré comme un lieu de refuge neutre et épargné. Il est décédé peu après, sa santé ayant été gravement altérée par le poids de ces événements dramatiques.

Ces circonstances ont parlé au Dr Katho et à son équipe. lIs ont discerné le rôle stratégique que pouvait jouer une telle institution : être un lieu de paix (Shalom !) et de reconstruction apte à fournir au pays – qui en a si tragiquement manqué – des cadres formés sur la base d’une éthique chrétienne, en interaction entre la théologie et d’autres disciplines académiques orientées principalement sur le développement humain.

Katho Bungishabaku est un homme de foi et un visionnaire exigeant, qui a su s’entourer d’une solide équipe de collaborateurs. Ayant pris son bâton de pèlerin, il est allé faire antichambre auprès du gouvernement de Kinshasa afin d’obtenir le statut universitaire pour l’Institut de théologie et y joindre d’autres facultés, et il a eu gain de cause.

Aujourd'hui 720 étudiants
Ainsi, lorsque je suis revenu après une absence de guère plus de deux ans, ma découverte a été une immense source de reconnaissance. Là où se trouvait un Institut biblique d’une cinquantaine d’étudiants, j’ai vu une ruche bourdonnante de 720 étudiants et étudiantes inscrits dans cinq facultés : gestion de l’environnement, pêche, eaux et forêts, sciences et techniques du développement, administration et gestion des organisations. Plus, bien sûr, la Faculté de théologie, avec un premier tronc commun de trois ans, puis, pour des étudiants ayant le baccalauréat et une pratique de quelques années de ministère pastoral, quatre sections d’études aboutissant à la licence en théologie : théologie biblique, théologie pratique, missiologie (évangélisation), langues bibliques (en collaboration avec l’Association Wycliffe pour la traduction de la Bible).

En très peu de temps, et dans un contexte économique précaire, il a fallu affronter des problèmes difficiles à imaginer : constituer un corps de professeurs capables de transmettre, selon la devise de l’USB, une excellence spirituelle et académique. Mais aussi édifier des salles de cours et les équiper, des logements, une vaste bibliothèque bientôt opérationnelle et qui pourra accueillir sur ses rayons 30'000 volumes, un laboratoire informatique avec une trentaine d’ordinateurs...

Pour la gloire de Dieu et le bien de la population
La motivation profonde de l’équipe dirigeante, enthousiasmante mais coûteuse en énergies de toutes sortes, c’est la gloire de Dieu et le bien de la population rescapée de tant de souffrances et stagnant encore dans le dénuement et l’insécurité. La visée spirituelle est prioritaire. Deux aumôniers – bientôt quatre dont une femme, espère-t-on – prennent très à cœur l’évangélisation et l’accompagnement des étudiants. Des retraites sont régulièrement organisées hors de la ville pour une cinquantaine d’étudiants à la fois – ceux qui s’inscrivent à l’Université, quelles que soit leurs convictions ou leur religion, s’engagent à y participer. Les cultes hebdomadaires sont marqués par l’enthousiasme d’une jeunesse africaine qui sait extérioriser sa foi, mais aussi par une grande attention pendant des prédications d’excellente qualité.

Parmi d’autres initiatives d’organisations évangéliques cherchant à rejoindre la population à tous les niveaux, l’Université Shalom est un signe d’espérance. Concernant l’Afrique subsaharienne, les statistiques pourraient nous éblouir : les Eglises, toutes tendances confondues, pullulent et sont archipleines. Pourquoi cela semble-t-il avoir si peu d’influence sur la marche des pays ? Instabilité politique et dictature, corruption des dirigeants, misère matérielle, affrontements ethniques, multiplications de sectes... L’évangélisation de l’Afrique semble avancer très fort, miracles et manifestations charismatiques de toute sorte abondent. Mais comment parvenir à un approfondissement de la foi capable de transformer des vies et de toucher tous les domaines de l’existence, sinon en renforçant la formation de ceux qui sont appelés à nourrir et à diriger ces masses avides de religiosité mais souvent sous-alimentées bibliquement ? Les responsables de l’Université Shalom ont compris la nature de l’enjeu. Ils ont droit à notre prière et à notre soutien.

Jacques Blandenier, pasteur et formateur d'adultes retraité

Publicité

Twitter - Actu évangélique

Journal Vivre

Opinion

Opinion

TheoTV (mercredi 20h)

20 janvier

  • «La terre, mon amie» avec Roger Zürcher (Ciel! Mon info)
  • «Repenser la politique» avec Nicolas Suter (One’Talk)

27 janvier

  • «La méditation contemplative» avec Jane Maire
  • «Vivre en solobataire» avec Sylvette Huguenin (One’Talk)

TheoTV en direct

myfreelife.ch

  • « J’ai été un bébé volé du Sri Lanka »

    Ven 03 novembre 2023

    Il y a quelques années, un trafic d’enfants proposés à l’adoption à des couples suisses secouait l’actualité. Sélina Imhoff, 38 ans, pasteure dans l’Eglise évangélique (FREE) de Meyrin, en a été victime. Elle témoigne avoir appris à accepter et à avancer, avec ses fissures, par la foi. Et se sentir proche du Christ né, comme elle, dans des conditions indignes. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

  • Des choix porteurs de vie

    Ven 22 septembre 2023

    Abandonner la voiture et emménager dans une coopérative d’habitation ?... Deux couples de l’Eglise évangélique (FREE) de Meyrin ont fait ces choix qu’ils estiment porteurs de vie. « Le rythme plus lent du vélo a vraiment du sens pour moi », témoigne Thiéry Terraz, qui travaille pour l’antenne genevoise de Jeunesse en mission. « Je trouve dans le partage avec mes voisins ce que je veux vivre dans ma foi », lui fait écho Lorraine Félix, enseignante. Rencontres croisées. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

  • Vivian, une flamme d’espoir à Arusha

    Jeu 15 juin 2023

    Vivian symbolise l’espoir pour tous ceux que la vie malmène. Aujourd’hui, cette trentenaire tanzanienne collabore comme assistante de direction au siège de Compassion à Arusha, en Tanzanie. Mais son parcours de vie avait bien mal débuté… Nous avons rencontré Vivian au bureau suisse de l’ONG à Yverdon, lors de sa visite en mars dernier. Témoignage.

  • Une expérience tchadienne « qui ouvre les yeux »

    Ven 20 janvier 2023

    Elle a 19 ans, étudie la psychologie à l’Université de Lausanne, et vient de faire un mois de bénévolat auprès de jeunes de la rue à N’Djaména. Tamara Furter, de l’Eglise évangélique La Chapelle (FREE) au Brassus, a découvert que l’on peut être fort et joyeux dans la précarité.

eglisesfree.ch

  • Un·e responsable des finances (10%)

    Lun 29 janvier 2024

    Plus grande fédération d’Eglises évangéliques en Suisse romande, la FREE offre un cadre de travail dynamique et défiant, en lien étroit avec les autres acteurs du milieu chrétien évangélique romand, suisse et international. Dans ce cadre, la FREE recherche un·e responsable des finances.

  • Rencontre générale : une fédération utile

    Mer 29 novembre 2023

    La Rencontre générale du 25 novembre 2023 a permis de remercier Stéphane Bossel pour 23 ans d’engagements divers et importants dans la FREE. Elle a aussi permis à l’équipe de direction de partager quelques priorités, notamment le sens, les valeurs et la plus-value que la FREE peut offrir aux Eglises.

  • Rencontre générale de la FREE : l’équipe de direction souffle sa première bougie

    Sam 08 avril 2023

    La Rencontre générale de la FREE, qui a eu lieu le 1er avril 2023 à Aigle, a permis à la nouvelle équipe de direction de dresser un bilan, après tout juste une année de fonctionnement. Et ce qui saute aux yeux, c’est le grand nombre des défis à relever.

  • FREE : une première « Journée stratégique »

    Ven 03 février 2023

    Les personnes qui exercent un rôle dans la FREE se sont réunies en janvier pour réfléchir à la mise en œuvre de la nouvelle « gouvernance à autorité distribuée » (1). Retour sur une « Journée stratégique » conviviale et studieuse.

eglise-numerique.org

point-theo.com

Suivez-nous sur les réseaux sociaux !