La Bible nous encourage à exprimer nos demandes à Dieu : « Demandez et vous recevrez », nous dit Jésus (Luc 11.9 ; cf. Jean 15.7, 16.24). Le maître de Nazareth enseigne ses disciples à compter sur Dieu en toutes circonstances.
Une demande appropriée ?
Mais toutes les prières sont-elles bonnes à dire ? Dans un sens, bien sûr que oui. Nous pouvons, et devons faire confiance à Dieu. C’est lui qui pourvoit à tous nos besoins. Dans un autre sens pourtant, certaines de nos prières peuvent être inappropriées. Ne traduisent-elles pas parfois notre égoïsme et notre avidité plutôt que notre confiance dans le Dieu qui pourvoit (cf. Jacques 4.3) ?
Quand nous prions « Donne-nous notre pain quotidien », nous exprimons à Dieu que nous comptons sur lui pour notre subsistance. Nous lui disons que nous dépendons de lui et que c’est en lui que sont les ressources dont nous avons besoin pour vivre. Mais honnêtement, en tant qu’hommes et femmes occidentaux du XXIe siècle, quels sont les besoins vitaux pour lesquels nous avons réellement besoin de dépendre de Dieu ? Un exemple : notre budget nourriture ne représente souvent qu’une petite partie de nos dépenses, et nous sommes plus inquiets de l’augmentation du prix de l’essence que de l’envolée du prix des céréales. Contrairement à une large majorité des habitants de cette planète, notre plein quotidien devient un besoin plus pressant que notre pain quotidien.
Dieu pourvoit avec abondance à tous nos besoins. Mais Dieu n’est pas un pourvoyeur de biens de consommation. Nous sommes des consommateurs. Tous. On ne peut pas faire autrement. Mais en tant que chrétiens, nous ne sommes pas seulement appelés à consommer mieux et de façon plus responsable. Nous sommes avant tout appelés par Dieu à être des gestionnaires, des intendants fidèles.
Dans le jardin d’Eden, toute l’abondance du jardin est donnée à l’homme pour qu’il en jouisse, mais aussi pour qu’il en prenne soin. Plusieurs paraboles racontées par Jésus parlent du Maître confiant ses biens à ses serviteurs pour qu’ils les gèrent avec sagesse et d’une façon qui honore leur propriétaire. Depuis la création, la Terre et tout ce qui s’y trouve est confiée à notre intendance. Notre gestion des ressources naturelles reflète-t-elle la fidélité attendue du bon serviteur ? Et surtout, notre gestion des biens que Dieu nous confie reflète-t-elle l’amour de Dieu pour tous les hommes et pour toute la création ?
Aujourd’hui, il faudrait les ressources de trois ou quatre planètes terre pour que tous les humains puissent consommer comme nous le faisons. Se pourrait-il que nos prières pour notre plein quotidien privent notre prochain de son pain quotidien ?
Il est temps de laisser nos prières et nos vies entières être transformées par un esprit de contentement qui fait si cruellement défaut à notre système économique qui pousse à toujours plus de consommation. Les ressources non renouvelables de la terre sont justement non renouvelables. Le proverbe bien connu suggère que nous empruntons la terre à nos enfants ; c'est-à-dire, littéralement, à nos prochains. L’amour pour Dieu et l’amour pour notre prochain doit nous pousser à changer de vie, à changer de style de vie.
Le pain de qui pour mon plein ?
Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations Unies, nous informait dans sa conférence à Genève le 29 avril que, durant ce même mois, le prix du riz était passé de 400 $ à 1000 $ la tonne. Pour les personnes dont le budget nourriture représente entre 40 et 90 % de leurs revenus, la survie n’est simplement plus possible.
Les causes de ce déséquilibre sont multiples. En voici quelques-unes :
• la spéculation sur les denrées alimentaires
• l’utilisation massive de céréales pour les biocarburants
• les changements de comportement alimentaire avec une augmentation énorme de la consommation de viande dans les pays émergents. Il faut 20 à 30 kg de céréales pour produire 1 kg de viande.
• l’abandon de cultures vivrières de proximité dans les pays du Sud.
Ce problème est du ressort des Etats et des institutions internationales. En tant que chrétiens, notre rôle est de faire entendre notre voix pour que les mécanismes de régulation des échanges internationaux soient pensés en faveur des plus démunis et permettent leur survie. Au nom du Christ, nous devons nous engager pour réclamer plus de justice envers les pauvres.
Malheureusement, le résultat de la pétition en vue d’augmenter l’aide publique au développement à 0,7 pour-cent du PIB helvétique montre que nous sommes encore timides, dans les milieux évangéliques, pour nous indigner face à des déséquilibres mondiaux pourtant inacceptables. A titre de comparaison, 50'000 signatures récoltées en 3 mois dans les milieux évangéliques suisses pour protester contre la chanson de DJ Bobo et seulement 9'000 signatures en une année pour demander plus d’aide pour les 1,4 milliards de personnes qui survivent avec moins de 30 $ par mois.
Nous pouvons créer des cercles de réflexion pour savoir comment et par quoi commencer, mais il est nécessaire de
• prendre conscience de la situation
• s’indigner face aux inégalités
• plaider au travers de la prière
• agir au travers d’actions pour plus de justice
• interpeller nos autorités pour qu’elles prennent le relais.
Cédric Chanson, pasteur dans l’Eglise évangélique La Colline à Crissier
Jean-Daniel André, coordinateur romand de la campagne « Stop pauvreté 2015 »