« Dans la société actuelle, s’engager doit ‘faire sens’ et être valorisant »

Interview d'Olivier Favre vendredi 04 juillet 2025

La pratique du bénévolat évolue. Elle est en légère régression dans nos Églises. Olivier Favre, sociologue et pasteur dans l’Église évangélique « Centre de Vie », à Neuchâtel, nous donne quelques clés pour comprendre et réagir. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Églises évangéliques.

Durant ces vingt-cinq dernières années, en Suisse, la pratique du bénévolat a évolué. « Le nombre de bénévoles reste étonnamment stable, souligne le rapport 2020 de l’Observatoire du bénévolat en Suisse. [...] Ce qui vaut pour le travail bénévole en général n’est toutefois pas valable pour chacun des domaines en particulier. Tandis que dans les clubs de sport, les groupes d’intérêts et les services à la population, on observe une baisse du bénévolat formel, les bénévoles sont à présent plus nombreux dans les associations culturelles, les associations de loisirs et de divertissement, et dans les organisations socio-caritatives.

L’engagement bénévole dans une institution religieuse se situe en cinquième position après le bénévolat dans le sport, la culture, les hobbys et les groupes d’intérêts. Qu’en est-il de l’engagement bénévole dans nos Églises évangéliques ? Nous avons rencontré Olivier Favre, sociologue et pasteur dans l’Église évangélique « Centre de Vie », à Neuchâtel.

 

Vivre – D’après vous, comment l’engagement bénévole a-t-il évolué dans les Églises évangéliques de Suisse romande ?

Olivier Favre – Globalement, on a pu observer un effet post-covid évident dans les associations et les clubs, et un certain désengagement dans nos Églises. En Suisse alémanique, on estime que la présence des familles au culte de leur Église est passée de deux dimanches sur trois à deux dimanches sur quatre en moyenne. L’habitus – c’est-à-dire l’ensemble des comportements acquis par un individu ou groupe – a été mis à mal. Et lorsque certains comportements ont été interrompus, ils ne reviennent pas automatiquement. C’est comme si on se disait : « Dieu a permis que nous soyons privés d’Église. Qu’est-ce qui me contraindrait à y retourner ? ».

Si le Covid a donc pu avoir un effet libérateur, quant à l’obligation d’aller à l’Église, cela peut aussi conduire à une individualisation de la pratique. Le dimanche matin, les chrétiens se retrouvent d’abord en famille ou seul. Et, pour les génération suivantes, cela équivaut à une sortie progressive du christianisme.

 

D’autres éléments expliquent-ils ce désengagement ?

Dans le monde évangélique, d’autre facteurs peuvent expliquer l’évolution du bénévolat. Je constate que l’engagement est plus élevé lorsqu’une Église vit une phase de revitalisation ou de réveil. Par exemple, dans l’Église évangélique « Centre de Vie », à Neuchâtel, nous sommes dans une phase de croissance, avec une trentaine de baptêmes par an. Nous accueillons des participants de nombreuses nationalités qui ont une soif spirituelle plus forte que ce que nous voyons traditionnellement en Suisse. Le bénévolat découle de cette ferveur spirituelle des fidèles.

Le désengagement des chrétiens indique aussi que ceux-ci s’impliquent de moins en moins par « sens du devoir ». Cette motivation-là ne suffit plus.

 

Quelles sont les autres motivations ?

Cela dépend des Églises et des individus. Par exemple, l’appel moral à servir son prochain est encore très ancré dans les Églises mennonites de l’arc jurassien. Mais cela est beaucoup moins le cas en contexte urbain, où la motivation émotionnelle compte beaucoup plus.

Quoiqu’il en soit, pour qu’une Église se développe, il faut dix à vingt personnes extrêmement motivées qui donnent plus que la moyenne. Et cette dizaine de personnes sert de moteur pour les autres.

 

Comment encourager concrètement l’engagement bénévole dans nos Églises ?

En priorité, il s’agit d’enseigner les chrétiennes et les chrétiens à être disciples du Christ et à entrer dans l’appel que Dieu leur donne. Ce qui pousse à s’engager dans un service – la motivation première – provient d’une cause plus élevée que soi-même : celle du Royaume de Dieu.

Plutôt que de faire un appel en disant : « Nous cherchons dix bénévoles », ce qui ne mobilise pas grand monde, nous invitons les chrétiens et les chrétiennes à se sentir participants et participantes de l’œuvre de Dieu.
Dans la société actuelle, s’engager doit « faire sens » et être valorisant. Par exemple, exprimer un don spirituel est valorisant. L’engagement répond donc, aussi, à un besoin d’épanouissement personnel.

 

Avait-on un esprit de service plus développé, par le passé ?

J’ai toujours entendu dire : les gens ne s’engagent plus comme avant ! Mais c’est une question de perspective. Lorsqu’une personne est touchée par la grâce de Dieu, l’effet sur sa vie est le même que par le passé.

Toutefois, il est vrai qu’être bénévole il y a cinquante ans était plus simple : il y avait une réunion par semaine à l’Église et tout le monde s’y rendait. Aujourd’hui, nos Églises proposent une diversité d’activités. Et comme la société change, les gens ont besoin d’être motivés différemment, et souvent à court terme. Ce n'est qu’ensuite qu’ils vont réaliser l’importance d’un engagement à long terme.

 

Comment les Églises peuvent-elles s’adapter?

Dans notre Église, nous proposons aux volontaires de s’engager pendant une année, puis d’évaluer ensemble la poursuite de leur engagement bénévole. Nous faisons de même avec une partie de nos groupes de maisons « Connect » qui sont éphémères. En effet, avec la vie frénétique d’aujourd’hui, il peut être difficile de se projeter dans la durée. Proposer aux bénévoles de s’investir une année leur permet de mieux à appréhender ce que cela implique. Il s’agit d’être plus souple et agile dans le fonctionnement de nos communautés.

À partir d’un premier engagement à court terme, certaines personnes vont s’engager sur le long terme. Elles discernent qu’elles ont reçu une vocation, et servir est perçu comme un ministère. Or, ce processus est essentiel. C’est grâce à ces personnes que d’autres vont aussi s’engager. C’est ainsi que Jésus a choisi et mobilisé en priorité douze disciples.

 

Pourquoi insistez-vous sur l’importance des responsables de secteurs ?

Pour nous qui exerçons des responsabilités dans une communauté, le plus grand défi n’est pas de trouver des bénévoles, mais des responsables du groupe de jeunes, de l’accueil, de l’enfance, de la technique, etc. Ces responsables sauront motiver et former d’autres personnes.

Pour mobiliser une masse de personnes, il suffit de quelques leaders passionnés, doués dans leur domaine, capables d’investir du temps. Et comme ceux-ci doivent bien avoir de quoi vivre, il s’agira parfois de les rémunérer avec un salaire à temps partiel. Toute Église qui veut grandir devra mettre les moyens nécessaires.

 

Dans la jeune génération, comment le bénévolat se passe-t-il ?

À cause des moyens de communication instantanés, les réseaux sociaux, les jeunes ont tendance à attendre le dernier moment pour se décider. Cela complique les choses.

Il faut les sensibiliser au fait que ce fonctionnement ne va poser problème dans la durée. Dès qu’ils entreront dans une vie estudiantine ou professionnelle, ils devront de toute façon apprendre à s’organiser. En effet, la société est restée très traditionnelle en ce qui concerne l’organisation du travail et la formation.

Cela dit, grâce aux réseaux sociaux, il est aussi possible de relancer les bénévoles au dernier moment – ce qui n’était pas possible par le passé. Et cela peut nous réserver de bonnes surprises !

 

Propos recueillis par Sandrine Roulet

 

Rapport de l’Observatoire du bénévolat en Suisse 2020 : https://www.seismoverlag.ch/site/assets/files/16192/oa_9782883517271.pdf

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