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Bob Ekblad encourage à «Lire la Bible avec les exclus»

lundi 02 juin 2014

Le pasteur américain Bob Ekblad donne des impulsions stimulantes pour lire la Bible avec des détenus et des sans-papiers. Il en rend compte dans un livre. L'exercice pourrait se faire chez nous avec des personnes de la rue... et même peut-être avec des personnes âgées en EMS ! Le tout se déroule dans une perspective de libération des fausses images de Dieu et des représentations erronées de soi. Stimulant !

« Mon rôle... c'est d'amener mes interlocuteurs là où pourra se produire une rencontre personnelle avec Dieu qui produise réconfort, guérison, changement profond, appel, espoir et transformation » (1). La mission est immense, voire impossible ! Et d'autant plus quand on apprend que Bob Ekblad, pasteur réformé américain, essaie de remplir cette mission à l'aide d'études bibliques ! Conduites non pas dans une Eglise locale, mais en prison ou chez des ouvriers agricoles venus aux Etats-Unis souvent sans papiers.
Bob Ekblad est un pasteur américain dans la cinquantaine, atypique. Rattaché à l'Eglise presbytérienne des Etats-Unis, il est au bénéfice d'une expérience au Honduras comme conseiller agricole, et d'études à la Faculté protestante de théologie de Montpellier, qui l'ont conduit à une thèse de doctorat en Ancien Testament.
Aujourd'hui Bob Ekblad vit dans le nord-ouest des Etats-Unis où il exerce un ministère d'aumônier de prison dans le comté de Skagit au nord de Seattle, dans l'Etat de Washington. Dans le même temps, il dirige une association, Tierra Nueva, qui propose un accompagnement socio-spirituel à des immigrants, souvent clandestins, qui constituent les forces vives de l'agriculture locale. Son livre, Lire la Bible avec les exclus, relate cette aventure multi-facettes.

Se positionner comme Jésus dans ses rencontres
« C'est en essayant de suivre Jésus auprès des Samaritains, des lépreux, des collecteurs d'impôts et des pécheurs d'aujourd'hui que j'ai compris qu'il fallait changer de côté et d'allégeances » (2). Par ces mots, Bob Ekblad exprime sa conviction de base : impossible de conduire une étude biblique avec des exclus, des parias, sans une véritable « conversion », sans une transformation de son regard. Trop souvent, nos études bibliques se font l'écho de la « théologie dominante » ou des représentations de Dieu qui font de lui un juge ou un « potentat tout-puissant ». Rien de tel pour plomber toute annonce de l'Evangile à des exclus et à des marginaux. Bob Ekblad part d'une autre conviction : l'amour inconditionnel de Dieu pour tout être humain, quels que soient sa race, sa religion, son parcours de vie, ses crimes... Fort de cela, il met en avant la compassion d'un Jésus qui est venu chercher ce qui était perdu, annoncer une Bonne Nouvelle non aux bien-portants, mais aux malades (Lc 19.10 et Mt 9.12).

Partir du texte biblique ou de la situation concrète de ses auditeurs
Pour conduire ses études bibliques, Bob Ekblad envisage deux approches différentes. L'une part de la situation concrète de ses interlocuteurs ou d'un sujet qui les concerne de près : leurs difficultés, leurs épreuves, les tentations ou les défis auxquels ils doivent faire face. L'autre approche commence à partir d'un texte biblique particulièrement parlant dans le contexte où se trouvent ses interlocuteurs. Il s'agit alors d'être au fait de ce que le texte a à apporter de spécifique (3). L'étude biblique pourra « devenir le lieu où les participants apprennent à discerner la présence de Dieu dans l'histoire et dans leur vie, où ils découvrent que, de manière cachée, Dieu a été et qu'il est toujours à l'œuvre dans leur vie » (4). Pour parvenir à ce résultat, il importe de mettre en cause des « évidences » théologiques : certaines images ou idées que l'on se fait de Dieu, certaines manières d'envisager le christianisme avant tout comme un moralisme...
A partir du deuxième chapitre de Lire la Bible avec les exclus, Bob Ekblad développe certaines de ses études bibliques et raconte ce qu'elles ont suscité auprès de détenus de la prison du comté de Skagit, auprès d'immigrés clandestins de sa région ou de paysans du Honduras. Ce sont sept chapitres qui se penchent sur des textes comme la création en Genèse 1, l'Exode, le prophète Esaïe, certains récits des Evangiles ou des extraits de lettres de Paul.

Jésus, le « Bon Coyote »
Le chapitre le plus intéressant est celui qui relate les études bibliques à partir des lettres de l'apôtre Paul. En étudiant l'extrait de l'épître aux Romains 7.15 à 8.2, Bob Ekblad montre que Jésus joue un rôle de passeur. Il est celui « qui nous fait entrer dans le Royaume de Dieu, malgré la loi, et même contre la loi » (5). L'auteur de Lire la Bible avec les exclus pousse même plus loin la métaphore. Au sein d'une population latino-américaine de sans-papiers, la réalité du passeur évoque tout de suite la traversée illégale de la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis. En espagnol, celui-ci est surnommé le « coyote ». Dans ce contexte, Jésus devient le « Bon Coyote », celui qui permet d'entrer dans le Royaume de Dieu, sans entourloupes, en toute sécurité et gratuitement ! « Tout ce que Jésus réclame de nous, c'est notre foi, notre confiance » (6).
Dans le troisième chapitre de son livre, Bob Ekblad lit avec des détenus et des sans-papiers les premiers versets de la Bible : Genèse 1.1-3. Bien loin de se lancer dans un débat sur les origines de l'Univers, il propose à ses interlocuteurs de voir ce récit comme une histoire qui concerne les relations de Dieu avec les êtres humains. Le tohu-bohu devient ce chaos dans lequel peuvent se trouver les détenus, cette « obscurité » dans laquelle ils sont entravés de toutes parts dans leur liberté de mouvement, de penser et d'agir. Par des questions bien ciblées, l'animateur permet à ses interlocuteurs de mettre un nom sur le chaos dans lequel ils se trouvent : l'isolement, la solitude, le manque de drogues, la peur de l'avenir... Et au cœur de ce chaos, Dieu parle. Il crée. Et à Bob Ekblad d'interroger les prisonniers sur ce que Dieu crée dans leur obscurité, de leur suggérer d'apprendre à voir Dieu comme celui qui est avec eux dans leur situation... et d'écouter sa voix ! « Je les encourage, ajoute-t-il, à vivre leur temps en cellule comme s'ils étaient des moines qui appellent, qui cherchent, qui attendent Dieu » (7).

Travailler les images paralysantes de Dieu
Un autre chapitre intitulé « Revenir au jardin » propose de travailler l'image de Dieu que se font les détenus et les sans-papiers. « Au cours de mes études bibliques avec des gens marginalisés, je me heurte sans cesse aux images les plus paralysantes qu'ils puissent avoir de Dieu et d'eux-mêmes » (8), constate Bob Ekblad. Pour nombre de ces personnes, Dieu est un juge strict, prompt à punir, facilement irritable... Certains de ces détenus ou de ces sans-papiers sont réduits au désespoir, parce qu'ils pensent qu'aux yeux de Dieu ils ne peuvent être que coupables !
Par un parcours autour de Genèse 2 et 3, le récit de la rupture entre le couple originel et Dieu, le pasteur réformé permet de prendre conscience de la générosité du Seigneur. Celui-ci offre à Adam et Eve du fruit de tous les arbres du jardin, sauf de celui de l'arbre du choix entre le bien et le mal. « Sur la base de ce... commandement, on peut dire que Dieu apparaît comme très généreux et très bon » (9), bien loin de la caricature qu'en fait le « serpent théologien ». Dans ce contexte, Bob Ekblad plaide pour que les aumôniers de prison et les personnes en dialogue avec des marginaux développent « d'autres manières de se représenter Dieu, qui peuvent être pastoralement plus fécondes ». Ce pasteur américain affectionne tout particulièrement la conception d'un Dieu médecin développée dans ce contexte par certains Pères de l'Eglise et reprise par l'ermite français et auteur prolixe Daniel Bourguet. « Devant un Dieu considéré comme un médecin, c'est plus volontiers que nous lui parlerons de notre maladie ou que nous lui avouerons notre problème, dans l'espoir de trouver un soulagement à nos maux » (10).
A coup sûr, la lecture libératrice de la Bible proposée par Bob Ekblad a de quoi séduire. Elle ouvre à une manière profonde et stimulante d'annoncer l'Evangile à des populations en marge qui, souvent, sont en prise avec un discours chrétien soulignant au premier chef leur distance à l'endroit des modèles sociaux habituels. L'idée de se mettre dans les pas d'un Jésus qui témoigne du Royaume de Dieu aux exclus de son temps devrait même imprégner nos études bibliques en Eglise. Elle contraindrait à un regard plus corrosif sur des propos qui sont souvent le strict reflet d'une « théologie dominante », plus proche de celle des autorités juives du Ier siècle que de celle de Jésus.
La part d'improvisation que revêt cette manière de conduire des études bibliques exige de l'animateur une solide maîtrise du donné biblique. Convoquer le bon texte au bon moment, afin de répondre à la bonne question, n'est pas à la portée du premier venu. Mais à force de reprendre les mêmes textes et les mêmes thèmes, l'agilité dans le recours aux textes bibliques adéquats devrait se développer.
Serge Carrel

Bob Ekblad, Lire la Bible avec les exclus, trad. française Gilbert Beaume et Marc Blanzat, Lyon, Olivétan, 2008, 294 p.

Notes
1 Bob Ekblad, Lire la Bible avec les exclus, Lyon, Olivétan, 2008, p. 27-28.
2 Ibid., p. 284.
3 Ibid., p. 29.
4 Ibid., p. 32.
5 Ibid., p. 275.
6 Ibid., p. 279.
7 Ibid., p. 41.
8 Ibid., p. 55.
9 Ibid., p. 63.
10 Ibid., p. 99.

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