Alister McGrath : de l’athéisme à la théologie chrétienne

Serge Carrel jeudi 20 septembre 2018

Il est passé de l’athéisme à la foi chrétienne. Au point aujourd’hui d’être un théologien protestant évangélique de renommée internationale. Alister MacGrath était à Fribourg du 20 au 22 juin dernier. Ce théologien britannique anglican était l’invité principal des rencontres du Centre d’études foi et société de la Faculté de théologie de l’Université. Rencontre.

Durant votre jeunesse, vous étiez athée (1). Comment viviez-vous cette conviction ?

Quand j’avais 16 ou 17 ans, j’avais l’impression que j’avais répondu à toutes les questions de la vie et que j’avais résolu le mystère de l’existence. Pour moi, il n’y avait pas de Dieu, il n’y avait pas de signification à donner à ma vie. Il s’agissait d’apprendre à vivre sans que son existence ait de sens ou d’espérance. 

J’ai découvert alors que la vie était plus grande que cela, qu’il y avait un mystère dans l’existence. J’ai réalisé qu’en tant qu’athée, je renonçais à me poser certaines questions. Je me suis demandé alors ce qui m’aiderait le plus à donner sens à mon quotidien. Et j’ai été amené à considérer la foi chrétienne comme une meilleure manière de considérer le « chemin de la vie ». Ce fut vraiment une découverte. 

Comment avez-vous poursuivi votre parcours ?

La question suivante a été : « Tu as découvert la foi chrétienne : comment cela va-t-il t’aider à avancer sur ce chemin ? » Je me suis rendu compte que la foi aide à aborder les grands problèmes auxquels vous devez faire face : supporter les circonstances de la vie, être résiliant dans les situations difficiles… Ce qui est aussi important, c’est que vous voyagez avec un but. Vous avez un sens très aigu du fait que la vie a un sens et cela vous permet d’avancer vers un objectif important.

Concrètement, qu’est-ce qui vous a fait passer de l’athéisme à la foi chrétienne ? 

Une des choses qui faisait que j’étais athée, c’est le fait que je voulais être sûr de tout. Et en me limitant à la perspective scientifique, j’étais sûr de ne pas me tromper. Lorsque je me suis mis à regarder davantage dans les détails, j’ai réalisé que ce n’était pas aussi simple, qu’il y avait de nombreuses questions que je n’abordais pas et que l’athéisme était en fait une sorte de foi en lui-même. J’affirmais qu’il n’y avait pas de Dieu, mais je ne pouvais le prouver. J’ai commencé à réaliser qu’il y avait d’autres manières de voir le monde qui méritaient d’être interrogées. C’est pour cela que je me suis dit que l’athéisme n’était pas aussi respectable qu’il y paraît, et j’ai commencé à revenir à la foi chrétienne.

Face aux nombreuses perspectives qui existent sur le marché des visions du monde, pourquoi avoir choisi la foi chrétienne ?

Ce qui est important, c’est de découvrir ce pour quoi vous êtes prêts à vivre, ce qui va vraiment changer votre vie… Les psychologues nous disent qu’il y a quatre grandes questions : qui suis-je ? Puis-je faire une différence ? Pourquoi suis-je ici ? Pour qui ai-je de l’importance ?

Pour moi, la foi chrétienne donne des réponses extraordinairement puissantes à ces questions. Par exemple par rapport à la question : pour qui ai-je de l’importance ? Pour beaucoup de jeunes, c’est une question très profonde. Ils ont l’impression que personne ne se soucie vraiment d’eux, qu’ils n’ont pas d’importance et que la question de l’estime de soi est vraiment très importante pour eux. Réaliser qu’il y a un Dieu pour lequel ils ont de l’importance est fondamental. Pour moi, le « grand récit » chrétien est à même d’apporter une réponse à ces quatre grandes questions de l’existence.

Comment articulez-vous le « grand récit » chrétien et la démarche scientifique ?

Beaucoup de gens affirment qu’ils peuvent, grâce à la démarche scientifique, se situer sur un « balcon » et développer le point de vue de Dieu sur le monde. Ils regardent ce dernier et peuvent faire sens de tout ce qu’ils voient. C’est ce que beaucoup de gens espèrent pouvoir faire, mais la réalité est autre. Nous sommes tous sur la route, nous voyageons. Nous avons une perspective limitée. La raison ne peut avoir qu’une perspective limitée… Nous pouvons parler avec les personnes qui nous entourent et leur demander comment ils font sens de ce qu’ils voient, mais nous ne pouvons pas nous élever et voir où va la route exactement, puis considérer l’image intégrale de la réalité.

Pour reprendre votre expression, beaucoup de scientifiques prétendent se trouver « sur le balcon » et disposer d’une perspective authentique… Ce n’est pas le cas ?

Oui, les scientifiques ont besoin de reconnaître qu’ils ne se tiennent pas « sur un balcon », parce que la science change régulièrement de perspective sur de nombreux sujets. Des théories scientifiques existent aujourd’hui, et nous avons de bonnes raisons de penser qu’elles sont justes, mais nous savons que, dans le futur, les scientifiques diront : « Voilà, c’est ce qu’on pensait en 2018, maintenant nous avons une meilleure connaissance de la réalité. » 

A votre sens, quel est l’argument principal pour dire que la foi chrétienne est vraiment le « grand récit » ?

Il y a bien entendu différents arguments. Un des principaux que l’écrivain C.S. Lewis (2) met en avant, c’est que la foi chrétienne amène de la lumière dans le paysage. Ce qui autrefois apparaissait sombre et sans signification, apparaît aujourd’hui clair et plein de sens. 

La foi chrétienne nous permet aussi de faire quelque chose de l’adversité. C’est un point à mon sens très important. Nous pouvons trouver du sens dans la souffrance et dans nos difficultés. Nous sommes à même de vivre avec ces réalités, de les traverser et de les surmonter. La foi nous permet d’être résilient.

Dans vos conférences à Fribourg, vous avez parlé de l’incarnation de Dieu dans notre monde. Qu’est-ce que cela apporte à un chrétien d’affirmer qu’au travers de Jésus Dieu s’est incarné ?

L’incarnation dit quelque chose d’important sur la personne de Jésus : en lui nous voyons Dieu ! Les actes du Christ reflètent l’amour de Dieu. C’est aussi une déclaration sur qui est Dieu : le Seigneur entre dans l’humanité, il entre dans l’histoire et valorise notre humanité. Dieu n’est donc pas à distance, mais il voyage avec nous comme le dit le Psaume 23 : « Le Seigneur est mon berger… Si je devais traverser la vallée où règnent les ténèbres de la mort… tu es auprès de moi. » L’incarnation dit aussi quelque chose de très important par rapport à nous : nous comptons pour Dieu. Dieu considère comme un privilège que de pouvoir voyager avec nous dans ce monde. Nous ne sommes donc pas seuls, mais nous vivons dans la présence de Dieu.

Propos recueillis par Serge Carrel

Notes
1 Voir le livre d’Alister McGrath, The Great Mystery. Science, God and the Human Quest for Meaning, Londres, Hodder & Stoughton, 2017, 248 p.
2 Voir le livre d’Alister McGrath, C.S. Lewis – A Life: Eccentric Genius, Reluctant Prophet, Londres, Hodder & Stoughton, 2013, 449 p.
Publicité

Twitter - Actu évangélique

Journal Vivre

Opinion

Opinion

Agenda

Événements suivants

TheoTV (mercredi 20h)

20 janvier

  • «La terre, mon amie» avec Roger Zürcher (Ciel! Mon info)
  • «Repenser la politique» avec Nicolas Suter (One’Talk)

27 janvier

  • «La méditation contemplative» avec Jane Maire
  • «Vivre en solobataire» avec Sylvette Huguenin (One’Talk)

TheoTV en direct

myfreelife.ch

  • « J’ai été un bébé volé du Sri Lanka »

    Ven 03 novembre 2023

    Il y a quelques années, un trafic d’enfants proposés à l’adoption à des couples suisses secouait l’actualité. Sélina Imhoff, 38 ans, pasteure dans l’Eglise évangélique (FREE) de Meyrin, en a été victime. Elle témoigne avoir appris à accepter et à avancer, avec ses fissures, par la foi. Et se sentir proche du Christ né, comme elle, dans des conditions indignes. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

  • Des choix porteurs de vie

    Ven 22 septembre 2023

    Abandonner la voiture et emménager dans une coopérative d’habitation ?... Deux couples de l’Eglise évangélique (FREE) de Meyrin ont fait ces choix qu’ils estiment porteurs de vie. « Le rythme plus lent du vélo a vraiment du sens pour moi », témoigne Thiéry Terraz, qui travaille pour l’antenne genevoise de Jeunesse en mission. « Je trouve dans le partage avec mes voisins ce que je veux vivre dans ma foi », lui fait écho Lorraine Félix, enseignante. Rencontres croisées. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

  • Vivian, une flamme d’espoir à Arusha

    Jeu 15 juin 2023

    Vivian symbolise l’espoir pour tous ceux que la vie malmène. Aujourd’hui, cette trentenaire tanzanienne collabore comme assistante de direction au siège de Compassion à Arusha, en Tanzanie. Mais son parcours de vie avait bien mal débuté… Nous avons rencontré Vivian au bureau suisse de l’ONG à Yverdon, lors de sa visite en mars dernier. Témoignage.

  • Une expérience tchadienne « qui ouvre les yeux »

    Ven 20 janvier 2023

    Elle a 19 ans, étudie la psychologie à l’Université de Lausanne, et vient de faire un mois de bénévolat auprès de jeunes de la rue à N’Djaména. Tamara Furter, de l’Eglise évangélique La Chapelle (FREE) au Brassus, a découvert que l’on peut être fort et joyeux dans la précarité.

eglisesfree.ch

  • Un·e responsable des finances (10%)

    Lun 29 janvier 2024

    Plus grande fédération d’Eglises évangéliques en Suisse romande, la FREE offre un cadre de travail dynamique et défiant, en lien étroit avec les autres acteurs du milieu chrétien évangélique romand, suisse et international. Dans ce cadre, la FREE recherche un·e responsable des finances.

  • Rencontre générale : une fédération utile

    Mer 29 novembre 2023

    La Rencontre générale du 25 novembre 2023 a permis de remercier Stéphane Bossel pour 23 ans d’engagements divers et importants dans la FREE. Elle a aussi permis à l’équipe de direction de partager quelques priorités, notamment le sens, les valeurs et la plus-value que la FREE peut offrir aux Eglises.

  • Rencontre générale de la FREE : l’équipe de direction souffle sa première bougie

    Sam 08 avril 2023

    La Rencontre générale de la FREE, qui a eu lieu le 1er avril 2023 à Aigle, a permis à la nouvelle équipe de direction de dresser un bilan, après tout juste une année de fonctionnement. Et ce qui saute aux yeux, c’est le grand nombre des défis à relever.

  • FREE : une première « Journée stratégique »

    Ven 03 février 2023

    Les personnes qui exercent un rôle dans la FREE se sont réunies en janvier pour réfléchir à la mise en œuvre de la nouvelle « gouvernance à autorité distribuée » (1). Retour sur une « Journée stratégique » conviviale et studieuse.

eglise-numerique.org

point-theo.com

Suivez-nous sur les réseaux sociaux !