500e de Jean Calvin : une biographie signée Claude Vilain

vendredi 19 juin 2009

A l’heure où les festivités autour des 500 ans de Calvin vont connaître leur apothéose, c’est le fin moment de prendre connaissance de qu’a été la vie du réformateur de Genève. En moins de 3 pages, Claude Vilain, responsable d’Eglise dans le milieu évangélique belge, vous propose sa bio de Jean Calvin, né un 10 juillet. A lire absolument !

Il est difficile de parler de Jean Calvin, le réformateur de Genève, sans dire quelques mots de son illustre prédécesseur Martin Luther. 26 ans les séparent. Ils ne se sont jamais rencontrés personnellement et pourtant que de convergences dans la pensée de ces deux grands réformateurs ! Ils sont, l'un et l'autre, confrontés à une Eglise qui s'est de plus en plus éloignée de l'idéal évangélique. Devenue riche et puissante, cette Eglise est inféodée aux pouvoirs en place. Elle mêle avec une redoutable efficacité religion et politique. Et c'est sur la question de la justification des pécheurs devant Dieu que les deux réformateurs vont affirmer avec force, et au péril de leur vie, que Dieu seul justifie par la seule foi en Jésus-Christ.
La figure de Luther est première lorsqu'on parle de la Réforme protestante. Peut-être est-ce dû à sa personnalité plus extravertie que celle de Calvin, peut-être aussi parce que sa vie a été riche et mouvementée. N'a-t-il pas été moine, convoqué par l'Empereur Charles Quint en personne et obligé de défendre ses convictions devant une foule de princes et de hauts dignitaires ecclésiastique. Excommunié pour ses idées, mis au ban de l'Empire, il est enlevé pendant son voyage de retour chez lui, et caché sous un nom d'emprunt dans le château de la Wartburg pour le protéger de ceux qui avaient juré sa perte… Tout cela porte à histoires et anecdotes.
Si de nombreux films ont été consacrés à la vie de Luther, aucun à notre connaissance n'a retracé la vie et l'œuvre de Calvin. Et pourtant ce dernier a davantage marqué notre protestantisme francophone que Luther.

L'Europe au début de XVIe siècle
Avant de nous arrêter à la vie de Calvin peut-être faut-il rappeler brièvement le climat particulier de la chrétienté au début du XVIe siècle. Dire que l'Eglise d'Occident est malade est un bien faible mot. Elle est de plus en plus critiquée pour sa richesse, sa soif du pouvoir et son immoralité. Les papes sont bien souvent plus amis des arts et des fêtes de toutes sortes que de l'Evangile. A Rome se construit la basilique Saint-Pierre. Les plus grands artistes de ce temps sont sollicités pour la construction de ces bâtiments somptueux. Ce qui vide les caisses pontificales.
Au niveau de la foi, le bas clergé est souvent inculte et ignorant de l'Evangile, ignorance qui rejaillit sur le peuple, plus imprégné de multiples superstitions et de paganisme que de foi véritable. Tout cela, dans une spiritualité marquée par la peur de la mort et du jugement. Dieu, s'il est amour, est d'abord un juge sévère qui compte et comptabilise les fautes de chacun. Comment espérer obtenir sa grâce, sinon au prix de multiples privations et interdits. C'est par ses œuvres et ses mérites que l'homme peut espérer être reçu comme juste devant Dieu.
La Bible a été confisquée et n'est accessible qu'à un nombre limité de personnes. Pourtant ceux qui la lisent y découvrent un autre visage de la foi et appellent à une réforme bien nécessaire de l'Eglise… Ces appels resteront lettre morte et vaudront à leurs auteurs l'exil ou la mort. Ils préparent pourtant le terrain d'un renouveau.
Pour financer la construction de Saint-Pierre de Rome, le pape Jules II et, un peu plus tard, Léon X, proposent la vente de ce que l’on appelle les indulgences. Celles-ci offrent à ceux qui les achètent une rémission partielle ou complète de leurs péchés. Plus besoin de faire pénitence, il suffit de payer !
C'est sur cette dramatique question des indulgences que Luther sort de sa réserve. Lui qui en étudiant l'épître aux Romains a découvert que c'est par la foi seule dans le sacrifice et la mort de  Jésus-Christ que réside notre justification, ne peut accepter que l'Eglise trompe pareillement les fidèles. En promulguant les indulgences, elle fait œuvre de mort, puisqu'elle donne la trompeuse illusion que par elles on est justifié devant Dieu !

La jeunesse de Calvin
Jean Calvin est né le 10 juillet 1509 à Noyon, en Picardie, dans une famille bourgeoise. Son père est notaire, secrétaire de l'évêque, chargé de gérer les intérêts du diocèse. Sa mère est une femme pieuse qui moura alors que Calvin est encore enfant. Cette absence de tendresse d'une mère explique peut-être le fait que Calvin est un homme réservé qui exprime peu ses sentiments. La situation aisée de sa famille lui vaudra l'octroi d'une bourse d'études sous la forme d'une rente ecclésiastique.
A l'âge de 14 ans, il monte à Paris pour y poursuivre ses études. Il se révèle très vite un élève brillant. Il étudie au collège Montaigu, école de sinistre réputation, tant la discipline y est sévère et les conditions de vie exécrables. C'est pourtant dans ce collège qu'a étudié Erasme et qu’étudiera, après le départ de Calvin, Ignace de Loyola, le fondateur de l'ordre des Jésuites.
Nous sommes alors en 1518 et les idées de Luther ont déjà traversé les frontières et suscitent d'âpres débats auprès des intellectuels et au sein des mouvements humanistes.
Le père de Calvin, qui à l'origine le destinait à une carrière ecclésiastique, l'oriente vers des études de droit qui lui donneront plus tard rigueur et méthode dans l'exposé de ses convictions. En 1528, Calvin âgé de 19 ans part pour Orléans, puis Bourges, pour y poursuivre ses études de droit. Un de ses professeurs, allemand, humaniste et luthérien, Melchior Wolmar, lui fait découvrir les idées de la Réforme, mais par fidélité et soumission à son Eglise, Calvin ne se laisse pas entraîner par ces idées.
En 1533, Calvin se lie d'amitié avec un riche commerçant converti au luthéranisme et se laisse gagner par ses convictions profondes. On peut donc considérer que c'est à ce moment qu'il prend parti pour la cause évangélique. Comme il n'est pas homme à taire ses convictions, il prend une part active dans la rédaction du discours de la Toussaint pour l'ouverture de l'année académique de l'Université de Paris. Ses propos ne seront pas appréciés et l'obligeront à quitter la capitale. Période d'itinérance et de clandestinité qui le conduit à rompre avec l'Eglise catholique et à demander de résilier la rente ecclésiastique qui lui est allouée.
La situation des partisans de la Réforme se dégrade rapidement obligeant Calvin à quitter la France pour se réfugier à Bâle. C'est là qu'il entreprend la rédaction de la première édition de l’Institution de la religion chrétienne, livre dans lequel il propose un brillant exposé des principales affirmations de la foi chrétienne. Calvin a alors 27 ans. L'ouvrage se répand rapidement. Il est traduit en allemand, en anglais, en italien, en espagnol, en hongrois et même en grec.

Calvin à Genève
En 1536, Calvin passe par Genève. Guillaume Farel, principal prédicateur de la ville passée à la Réforme, le presse d'y rester. Calvin accepte et s'engage dans l'enseignement de la Parole – on évalue à 5000 le nombre de sermons prêchés par Calvin à Genève.
Un an après son arrivée, on lui confie la charge de pasteur et il s'engage dans la structuration de l'Eglise de Genève. Il rédige alors les règles qui doivent présider à la vie ecclésiale et parmi celles-ci, il établit une discipline ecclésiastique. Il entre en conflit avec les autorités de la ville qui veulent imposer certaines règles concernant la vie de l'Eglise. C'est l'affrontement. Calvin est intransigeant et sera, avec les autres pasteurs, banni de la ville.
Calvin se rend alors à Strasbourg pour être le pasteur de ceux qui ont fui la France à cause de leur foi. Il y restera près de 2 ans et demi. Il consacre son temps à l'écriture et participe à différentes rencontres avec d'autres acteurs de la Réforme, en particulier luthériens. C'est à Strasbourg qu'il épouse Idelette de Bure, la veuve d'un anabaptiste belge réfugié dans la ville. Elle lui donnera un fils qui ne vivra que quelques semaines. Elle-même décède 9 ans après leur mariage.
En 1540, la situation s'est calmée à Genève et les réformés de la ville font à nouveau appel à Calvin. Celui-ci a beaucoup de peine à se décider, tant l'expérience précédente a été traumatisante. Mais finalement, il accepte. Il sera Genevois, un peu malgré lui, jusqu'à sa mort.
Lorsqu'il arrive à Genève, il est en position de force et va imposer ses conditions. En particulier dans le domaine de la discipline ecclésiastique. Celle-ci va réglementer la vie des habitants de Genève jusque dans les moindres détails, sur le plan moral, mais aussi sur le plan doctrinal. Ce qui ne vaudra pas à Calvin que des amis. Celui-ci combattra avec la plus extrême violence tout ce qu'il ressent comme contraire à l'Ecriture. Certains de ses opposants le paieront de leur vie, en particulier Michel Servet, un médecin espagnol qui niait ouvertement la doctrine de la Trinité. Condamné par l'Inquisition, il se réfugie à Genève où il est reconnu et condamné au bûcher par les autorités de la ville.
A côté de cette dimension autoritaire – bien conforme à l'air du temps – Calvin consacre une grande partie de son temps à l'étude et à l'écriture. Il reprendra plusieurs fois son Institution de la religion chrétienne, pour en publier une dernière édition en 1561, trois ans avant sa mort. Elle constitue la synthèse de la pensée du réformateur.

La France comme préoccupation constante
Calvin n'oublie pas son pays, la France, où la persécution se fait de plus en plus violente. Il entretient une correspondance abondante avec ceux et celles qui ont été arrêtés pour leur foi, encourage et soutient la formation d'Eglises évangéliques, non seulement en France, mais aussi dans les autres pays où la foi réformée est interdite.
Il va former de nombreux pasteurs qui partiront pour la France, au péril de leur vie. Il jette aussi les bases de ce que sera l'Eglise réformée en France, en rédigeant une confession de foi et une discipline ecclésiastique.
La fin de la vie de Calvin sera marquée par des luttes de plus en plus vives entre catholiques et protestants. Comme ces derniers n'obtiennent rien par le dialogue, ils espèrent être entendus par la force politique et la force des armes. Au nom de l'Evangile, Calvin condamnera le recours à la force. Il préfère utiliser la force de la persuasion pour convaincre de la pertinence de l'Evangile.
De santé fragile, Jean Calvin s'éteint le 27 mai 1564, à l'âge de 54 ans. Conformément à sa volonté, il sera enterré sans cérémonie et sans pierre tombale au cimetière genevois de Plainpalais.
Claude Vilain

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