Un ouvrage d’importance présente le protestantisme évangélique français

jeudi 17 novembre 2005
Après des publications fouillées sur les évangéliques américains, le sociologue Sébastien Fath s’attache à la France. Il vient de publier « Du ghetto au réseau, Le protestantisme évangélique en France, 1800-2005 ». Un ouvrage de référence que nous propose de découvrir Jacques Blandenier, formateur d’adultes.

Voilà un ouvrage d’une grande importance pour les évangéliques francophones que nous sommes. Certes, il y est question de la France, et le cas de la Suisse romande n’est pas présenté en détail, sinon par son rôle historique. Mais nous sommes étroitement solidaires de nos frères et sœurs de l’autre côté de la frontière et, alors que pendant longtemps – en fait, durant tout le XIXe siècle et les deux tiers du XXe – les évangéliques romands ont investi beaucoup de forces en France, on se demande si le mouvement ne devrait pas s’inverser à l’avenir : retour sur investissement ! En tout cas, tant sur le plan théologique que sur celui de l’évangélisation et de l’implantation d’Eglises nouvelles, nous avons beaucoup à recevoir de nos coreligionnaires francophones ! La frontière qui nous en sépare est plus ténue, kilométriquement et culturellement, que ne l’est l’Atlantique…

350'000 évangéliques en France aujourd’hui
Ce livre révèle en effet des chiffres étonnants, établis sur la base d’études scientifiquement fiables 1. Jugez plutôt : environ 50 000 en 1950, les évangéliques sont 350 000 aujourd’hui (ils se sont multipliés par sept en un demi-siècle…), toutes tendances confondues – on compterait environ 150 000 évangéliques « traditionnels » (piétistes/orthodoxes, selon la terminologie de l’auteur), et 200 000 pentecôtistes/charismatiques. Sans compter 45 000 personnes rattachées à des Eglises ethniques. Et il faudrait ajouter les nombreux chrétiens de sensibilité évangélique rattachés aux Eglises protestantes « historiques ». Depuis une trentaine d’années, il se fonde, en moyenne, une Eglise évangélique tous les dix jours. Certes, les statistiques valent… ce qu’elles valent, mais on ne peut s’empêcher d’être étonné lorsqu’on songe à la déchristianisation galopante de la France, reconnue par tous, catholiques y compris, comme « terre de mission ».
Ecrit par un historien, ce livre n’est pas une simple photographie de l’état des lieux actuel. C’est un film, qui retrace l’évolution du courant évangélique depuis le début du XIXe siècle (et même avant) – et on y note l’importante influence du Réveil de Genève, dont sont aussi  issues les AESR et la FEEL. Cette dimension historique est une clé importante pour comprendre le paysage évangélique français actuel.

Des darbystes aux tziganes
L’auteur ne se limite pas aux chiffres, si saisissants soient-ils. Chrétien engagé (ancien dans une Eglise baptiste) et compétent en théologie, il fait bien ressortir quelles sont les convictions et les caractères spécifiques des évangéliques. Il analyse avec une remarquable objectivité les différents courants qui traversent, animent et souvent divisent les évangéliques. J’ai particulièrement admiré que Sébastien Fath, qui connaît très bien de l’intérieur les  milieux évangéliques et nous épargne les caricatures et amalgames des médias s’avisant de parler des évangéliques (ou des « évangélistes »), reste pourtant dans un rôle d’observateur. Il se garde soigneusement de jugements de valeurs et de réactions partisanes. Les différentes familles évangéliques – des darbystes aux tziganes, en passant par les libristes et les Assemblées de Dieu – sont présentées sans parti-pris. Il faut souligner à cet égard que, contrairement aux idées reçues, il apparaît que les Eglises de tendance charismatique ne sont pas les seules à connaître une forte croissance.
La lecture de cet ouvrage est certes très encourageante. On y découvre que, dans une société où la pratique religieuse  héritée d’une tradition de chrétienté culturelle est en chute libre, la notion d’Eglise de professants (dont les membres sont des adhérents par choix personnel) est porteuse de sens et conduit logiquement à une compréhension de l’évangélisation beaucoup plus dynamique que celle d’Eglises dont le recrutement normal est de nature sociologique.

Pas de triomphalisme !
Ces considérations ne conduisent pas l’auteur au triomphalisme. Il ne manque pas de souligner les fragilités, les carences, les fragmentations inutiles dues à un activisme stérile, et finalement le peu d’influence des évangéliques sur une société dont ils représentent, malgré leur croissance, moins du 1%.
Il est heureux que cet ouvrage ait été publié chez Labor & Fides, un éditeur « hors réseau (ou ghetto ?) des éditions évangéliques », mais bien implanté dans d’autres sphères, protestantes et catholiques. Il ne faudrait pas cependant que nos librairies évangéliques passent à côté de ce document qui nous concerne au premier chef. N’hésitez pas à le leur demander afin qu’elles passent commande à l’éditeur genevois.
Jacques Blandenier

Note
1 L’auteur est agrégé d’histoire et chercheur au CNRS (Centre National de Recherche Scientifique), spécialement affecté à l’étude du protestantisme évangélique dans le Groupe de Sociologie des Religions et de la Laïcité – une référence indiscutable !

 

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