"Un appel, un projet, se mettre en route" par Olivier Bory

lundi 05 août 2013

Partir en mission, c'est un processus qu'Olivier Bory a parcouru. Ce pasteur de la FREE développe ici une sorte de check-list de questions à se poser avant le départ. Utile pour tout candidat à l'expérience missionnaire (1).

Celui qui choisit de partir le fait suite à un appel, une vocation ou une envie de changement. Mais si, dans l'histoire de la mission, on partait en quelque sorte vers l'inconnu, en ne sachant pas quel serait son ministère sur place, le contexte a changé. Et il nous appartient de nous y adapter.

L'histoire nous enseigne
Les premiers balbutiements de la mission moderne sont entachés de quelques errements qui ont leur lot d'enseignements (2). L'appel de Dieu était là, la volonté humaine aussi, et les missionnaires partaient sur le champ, mais pas toujours dans les meilleures conditions. Une mauvaise préparation a conduit à de nombreux échecs, à des désillusions et à des retours parfois anticipés, accompagnés d'une amertume qui aurait probablement pu être évitée. C'est pourquoi un lien avec l'Eglise d'envoi et l'appui d'une mission accompagnante, son soutien et son suivi, ainsi que la collaboration avec l'Eglise sur le champ missionnaire quand elle existe, sont nécessaires. Ainsi le projet pourra s'ancrer localement, progresser dans de bonnes conditions et perdurer dans les mains de la population locale.

Un départ missionnaire
Aujourd'hui, les différences entre la société occidentale et l'hémisphère Sud se sont amplifiées de manière exponentielle. Notamment par le fait que nous sommes au bénéfice d'une éducation gratuite et obligatoire, d'enseignants dans les classes et d'un système de santé en progression constante. Il appartient donc à celui qui part de se souvenir de ces faits, car ils l'aideront dans son engagement et maximiseront l'impact de son projet auprès de la population visée. Aujourd'hui, un projet missionnaire qui n'inclut pas la transmission de connaissances et la formation est un projet incomplet, car tout ce qui est transmis doit permettre aux bénéficiaires de devenir autonomes à terme.
Quelle que soit sa motivation, celui qui part doit se préparer et préparer son projet.

Construire son projet
« Si vous négligez de prévoir, vous prévoyez d'échouer », déclare un dicton populaire (3). Il est donc important de construire son projet. Pour ce faire et pour éviter bien des obstacles par la suite, quelques questions de fond sont à se poser :

A. Quel ministère suis-je en train de projeter et pourquoi est-il nécessaire ?
Poser cette question permet d'identifier quelques dimensions importantes du ministère dans lequel la personne projette de se lancer : sa faisabilité, son utilité ou les besoins locaux dans le domaine. S'interroger ainsi permet aussi de se demander si le projet est uniquement émotionnel ou si ses racines sont plus profondes. Cette question permettra aussi de déterminer les options et les freins possibles pour atteindre le but choisi.
Ce n'est qu'une fois que ces éléments auront été clairement définis et identifiés, que le projet prendra corps, en définissant des objectifs intermédiaires et des résultats souhaités qui pourront être vérifiés pendant le déroulement du projet.

B. Définir dans l'ordre les priorités et les tâches à accomplir
Dans le développement d'un projet, il importe de définir un début et une fin, soit l'objectif ultime recherché. Cela permettra de définir des étapes intermédiaires, ainsi qu'une évaluation du projet en temps réel, avec les adaptations nécessaires selon l'évolution ou l'apparition de contingences nouvelles, et peut-être plus tard un prolongement nécessaire.
Jésus l'a bien dit : « En effet, si l'un de vous veut bâtir une tour, est-ce qu'il ne prend pas d'abord le temps de s'asseoir pour calculer ce qu'elle lui coûtera et de vérifier s'il a les moyens de mener son entreprise à bonne fin ? » (Lc 14.28). En définissant une marche à suivre, on se place dans les meilleures conditions pour réussir. Dans un départ comme dans la mise en place et la réalisation d'un projet éducatif ou de développement, certaines étapes doivent se faire dans l'ordre, car l'étape suivante se base souvent sur les résultats de la précédente.
Une fois que le processus est défini, que la marche à suivre est claire, la mise en route proprement dite peut débuter.

C. Comment procéder et quelles sont les ressources nécessaires ?
De fait si le ministère que la personne va développer sur place est important, il est nécessaire de partager la vision qui motive le départ. Il importe aussi de construire une relation de confiance basée sur un engagement commun au sein de l'Eglise locale, afin que chacun puisse entrer avec le candidat missionnaire dans le projet. Ce sera un gage de durabilité de l'engagement de la communauté, tant dans la prière que du point de vue des finances.
Si le soutien des envoyés provient souvent d'un groupe d'amis, de l'Eglise locale ou de la fédération d'Eglises, le financement du projet, par contre, ne l'est plus nécessairement. Depuis quelques années, l'intégration des missions dans le tissu local et leur connaissance du milieu sont des gages pour la qualité des projets. Si, dans les premiers temps des missions, les Eglises fournissaient l'essentiel des financements, aujourd'hui il est possible, notamment dans le développement et la santé, de trouver des fonds auprès d'organismes institutionnels (Coopération suisse, par exemple) ou de fondations publiques ou privées. Dans ce but, il importe que quelques-uns parmi nous se forment dans la rédaction et dans la gestion de projets afin d'utiliser la terminologie et la structure de rédaction adéquate pour que les bailleurs de fonds comprennent l'importance de ce projet et acceptent de le soutenir.

D. Une formation est-elle nécessaire ?
« Suis-je formé pour me lancer dans ce ministère ou dois-je auparavant suivre un stage afin d'acquérir quelques expériences ou effectuer un cursus académique ? Aurai-je besoin d'une équipe, ici ou sur place ? » Ces questions permettront de définir le champ et l'engagement du candidat missionnaire. Cela permettra aussi de chercher des collaborateurs et un appui dans les domaines où le candidat est plus faible, afin d'assurer au mieux le développement, la croissance et la réussite du projet missionnaire.

Partir... quitter...
Partir pour un engagement court terme ou long terme demande du temps : du temps pour chercher la volonté de Dieu, du temps pour se préparer, du temps pour préparer les autres à son départ.
Pour partir en mission, il faut un certain renoncement : faire d'une certaine manière le deuil de ce qu'aurait pu être une vie entièrement vécue en Occident. Avec ses facilités, ses commodités et l'intégration dans la société. Partir entraîne parfois des difficultés à se faire comprendre sur certains sujets, tant le vécu en Occident est aux antipodes de celui d'un pays en développement, du point de vue du style de vie et des attentes au quotidien.
Mais le renoncement n'équivaut pas forcément à de la tristesse. Il y a des joies à partir ! Il y a des joies à servir sur le champ missionnaire ! Il y a des personnes à découvrir et surtout... il y a une joie à dépendre un peu plus de Dieu, tant il y a d'éléments que nous ne maîtrisons pas dans le quotidien.

Le pas de la foi
Dans ces circonstances, l'invitation de Jésus à la confiance est plus que jamais d'actualité : « Voyez ces oiseaux qui volent dans les airs, lance-t-il, ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n'amassent pas de provisions dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit. N'avez-vous pas bien plus de valeur qu'eux ? » (Mt 6.26).
De fait, une fois que l'on a préparé au mieux son départ, que l'Eglise est avec les envoyés, que le projet semble bien préparé, il reste le pas de la foi, ce pas où on entre dans l'inconnu. Il importe de s'attendre à la grâce divine et, quand la lassitude ou l'absence des amis et de la famille se font sentir, d'apprendre souvent à davantage compter sur Dieu.
Faire le saut d'entrer dans un ministère missionnaire à plein temps, c'est en définitive suivre un chemin de dépendance à l'endroit de Dieu. On ressent cette dépendance de manière plus tangible que ceux qui restent. Il y a un appel pour partir. Il y a un appel pour rester. Personne ne peut faire l'économie de l'appel, car la mission est pour chacun d'entre nous.
Olivier Bory

Notes
(1) Cet article est paru sous une première version dans le périodique des Communautés et assemblées évangéliques de France : Servir en l'attendant (no 4, 2012, p. 25-27). Site internet : www.servir.caef.net
(2) Jacques A. Blocher et Jacques Blandenier, L'évangélisation du monde, Précis d'histoire des missions, vol. 1, Nogent-sur-Marne, Ed. Institut Biblique de Nogent, 1998, p. 356ss.
(3) Rachel Blackman, Gestion du cycle de projet, Ressources Roots, TearFund, 2003, p. 10.
Voir aussi : « L'élaboration d'un projet » sur le site de l'ONG Tearfund.

 

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