Suisse : grandir au contact des réfugiés

lundi 16 février 2015

S’ils débarquent en Italie, l’une des portes d’entrée de l’Europe, les migrants se dirigent ensuite parfois plus au nord, où ils déposent une demande d’asile. En Suisse, ils sont reçus dans différents centres d’accueil. Des particuliers dont de nombreux chrétiens y viennent les rencontrer et les aider dans leur processus d’intégration.

Dans le canton de Genève, l’association Temps libre s’est créée il y a six ans sur l’initiative de plusieurs chrétiens de l’Eglise évangélique de Meinier (Action biblique). Cheville ouvrière de cette antenne, Claire Léchot donne des cours de français aux nouveaux arrivants du foyer d’accueil d’Anières (GE). « Et nous, on est une dizaine à préparer une activité une fois par mois », indique Pierre-Alain Meyer, 55 ans. « Ce sont des moments d’ouverture sur les autres cultures, sur d’autres religions. Chaque fois que je rencontre des migrants, j’en ressors grandie », lui fait écho Alexandra Carminatti, 32 ans.

Deux types d’activités bien distinctes figurent au programme de Temps Libre : d’une part les rencontres mensuelles avec différentes offres culturelles. « Un moment ‘pour Dieu’ est proposé, mais pas de prosélytisme à la clé : on ne cache juste pas qu’on est chrétiens », commente Pierre-Alain. Un suivi personnel au travers de parrainages est d’autre part proposé. Dans ce volet-là, ce sont des leçons d’auto-école ou des lettres administratives qui sont entreprises, explique Claire Léchot.

Les écouter !

Alexandra parraine une famille colombienne qui a maintenant trouvé un logement indépendant. Elle les visite régulièrement. « C’est l’occasion pour eux de me parler de la formation qu’ils sont en train de faire, de les aider à remplir des papiers, de leur donner des conseils. Et surtout, de les écouter ! »

« Ce qui me touche le plus, c’est la solitude de ces personnes et la page qu’elles ont dû tourner dans leur vie par rapport à leur pays, à leur passé », témoigne Corinne, 54 ans, épouse de Pierre-Alain, et, elle aussi, investie dans l’association Temps libre. Un couple sud-américain rencontré dans le cadre de l’association partage aujourd’hui à Bonvard (GE) leur villa mitoyenne.

« Je pensais que les Européens n’avaient pas de cœur mais ce n’est pas vrai ! Les Suisses sont vraiment sympas, magnifiques, a exprimé Ali*, un Irakien de 28 ans. Plus les gens religieux que les autres. Moi qui suis musulman, je suis allé plusieurs fois à l’église avec eux. Ils me montrent le bon chemin. Toujours ils sont là pour m’aider. Parmi eux, je ne me sens plus un étranger. »

Une formule qui fait mouche

Sur Vaud, des expériences similaires ont vu le jour. C’est notamment le cas des sept à huit rencontres par année organisées dans l’Eglise évangélique Lazare à Bussigny (UEER) avec les demandeurs d’asile du centre d’hébergement de Crissier. Elles sont chapeautées par l’association CABES1 que dirige aujourd’hui Joël Bussy, 43 ans, de la Ligue pour la lecture de la Bible. Entre 50 et 100 personnes y prennent part à chaque fois, comme une trentaine de bénévoles. « Et puis on organise maintenant des matchs de foot une fois par semaine. » Les intéressés peuvent se joindre à un groupe biblique de maison. Mais là aussi, aucune pression en ce sens n’est faite, assure le responsable.

La formule a aujourd’hui fait ses preuves. Deux autres CABES ont d’ailleurs vu le jour, à Moudon et à Vevey, « où plusieurs Eglises collaborent dans ce travail, comme l’Eglise FREE de La Passerelle, l’Eglise réformée vaudoise, les salutistes et l’Eglise de Réveil », se réjouit Joël Bussy. « Accueillir l’étranger, passer du temps avec lui, cela permet de faire tomber les préjugés les plus tenaces, témoigne-t-il. On aimerait encourager tous les Suisses à en faire l’expérience ! »

Gabrielle Desarzens

*Prénom d’emprunt

1 CABES (Contacts Amitié Bible entre Etrangers et Suisses) est né à Lausanne en 1991 sur l’initiative de Jean-Pierre et Suzanne Besse.

  • Encadré 1:

    Une visite
    « Si je vous dis : ‘femme afghane’... quelle est la première image qui vous vient en tête ? » C’est la question que Joël Bussy a posée un jour à ses collègues de la Ligue pour la lecture de la Bible en rentrant d’une visite faite à des demandeurs d’asile...

    Depuis plusieurs mois, une famille afghane avait été transférée du centre d’accueil à un appartement à Lausanne. Alors qu’il s’approchait de l’immeuble dont il avait l’adresse, Joël Bussy a vu une femme qui prenait soin d’un rosier qui se trouvait juste à l’entrée de l’immeuble. Et quelle ne fut pas sa surprise de réaliser qu’il s’agissait justement de la mère de famille qu’il allait visiter. « Ah, vous aimez les fleurs ? » lui a-t-il demandé. « Oui, je suis justement en train de prendre soin de ce rosier que mon mari m’a offert pour l’anniversaire de notre mariage. Je l’ai reçu lorsque nous étions encore au centre et je l’ai transporté jusqu’ici. »
    Joël Bussy, qui racontait cette histoire à ses collègues, leur a alors demandé : « Quelle a été votre réponse à ma première question de tout à l’heure ? Et vous, les hommes, quand est-ce que vous avez offert pour la dernière fois des fleurs à votre épouse ? »

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