Le phénomène des Eglises émergentes: nouvelle mode ou réel avenir pour l’Eglise? (3)

vendredi 29 septembre 2006
L’Eglise évangélique de Meyrin (AESR) voit de jeunes chrétiens se désintéresser de la vie d’Eglise, sans pour autant quitter la foi en Jésus-Christ. Consciente de cette évolution, l’équipe de responsables de cette Eglise a mandaté l’un de ses membres, Henri Bacher, pour réfléchir à la mise en place d’une vie communautaire alternative. A cette occasion, Henri Bacher a écrit plusieurs articles sur sa perception du vécu ecclésial aujourd’hui. Il nous propose ici le troisième volet de sa réflexion. Une réflexion qui va se poursuivre la semaine prochaine avec un débat-conférence téléphonique à agender le jeudi 5 octobre à 20h via « skype ».

Le nouveau bastringue des Eglises émergentes, qui nous vient des Etats-Unis et du Royaume-Uni, doit être, à mon sens, quelque chose à prendre au sérieux. Ces dernières décennies ont été marquées par l’avènement du charismatisme qui nous a éveillés aux dons spirituels et à une forme de spiritualité relayée par les chants de louange de la galaxie JEM. Ont suivi les coups de boutoir de Toronto et de Pensacola, qui nous ont ouverts encore davantage au monde des émotions et aux manifestations surnaturelles. Les mouvements prophétiques et de guérison actuels ne sont qu’un prolongement de cette tendance amorcée dans les années septante. Ces mouvements ont surtout touché les gens à l’intérieur des communautés, mais n’ont pas eu de prise notoire sur l’extérieur et c’était une bonne chose. Dieu a d’abord dû préparer son Eglise avant qu’elle n’affronte le monde des images et des émotions, généré par les mass-médias.
La nouveauté dans cette poussée des Eglises émergentes, c’est qu’elles ne se contentent plus de toucher à certains secteurs de la spiritualité chrétienne, comme la louange, les dons spirituels ou la manière de prier. Elles accomplissent un relookage total, englobant aussi bien la doctrine, la forme des cultes dans son ensemble, le contenu des messages et l’organisation de la communauté. C’est donc une réponse globale et non sectorielle aux besoins des gens qui nous entourent. Jusqu’à maintenant, on a surtout pensé qu’il fallait adapter sa communication à la modernité, mais c’est bien plus que ça qui nous est demandé. Nous devons reconstruire notre «maison communautaire» à partir des fondations et non plus nous contenter d’aménager certains espaces de cette maison pour mieux accueillir la génération des postmodernes.

Conception ou clonage?
Une idée à éliminer d’emblée, c’est celle de vouloir changer une ancienne communauté en une communauté émergente postmoderne. A partir de ce constat, il va falloir devenir très créatif, surtout que ces Eglises postmodernes, comme on pourrait l’imaginer, ne sont de loin pas bâties selon des modèles homogènes et uniformes. Il y aura autant de modèles que de groupes sociaux ou des «tribus» actifs dans la société et ils vont coexister parallèlement sans éliminer les anciennes structures, même si celles-ci devaient laisser une certaine place aux nouvelles.
A éliminer aussi l’idée de clonage: on lance une nouvelle communauté postmoderne indépendante, pareille dans sa structure à sa grande sœur dont elle est issue, mais avec un zeste de postmodernité. Il faut concevoir et mettre au monde une nouvelle créature avec sa propre personnalité.

Des groupes interconnectés
Le modèle suivant a été proposé par François Bacher, un de ces croyants non églisés, qui ne se retrouvent plus dans le style de communauté actuelle. Selon lui, l’Eglise émergente est un réseau de groupes interconnectés. Tous se retrouvent séparément, avec leurs propres spécificités, leurs propres dominantes une fois par semaine, le même jour. Les participants à ces groupes peuvent rester pendant un certain temps dans la même rencontre, mais ils sont fortement encouragés à fréquenter les autres rassemblements du réseau, donc aussi à changer de lieu, de relations et de thèmes. Il est même question que des personnes puissent circuler d’un groupe à l’autre pendant la même soirée. On pourrait imaginer qu’ils commencent dans le groupe à dominante louange, « switchent » par la suite sur un groupe de discussion qui se termine à l’aube. Les groupes peuvent se rassembler dans un bistrot, à la maison, dans un bâtiment public ou dans un lieu de culte. Chaque participant, dans la mesure où il a quelque chose à dire, à montrer ou à partager, peut animer une ou plusieurs rencontres.
L’avantage, c’est que ce n’est plus toujours le même leader qui tire la charrette. Si l’animateur maîtrise bien son thème et si celui-ci rejoint les besoins des gens, il pourra continuer aussi longtemps qu’il aura du public. Si sa prestation est mauvaise, elle s’éteindra d’elle-même, faute de participants. Une large palette de groupes peut se mettre en route, allant d’un contenu spirituel très typé, comme la louange ou l’étude biblique, à des contenus plus ludiques comme la dégustation de vins, la confection de mets culinaires spéciaux, en passant par des partages d’expériences sur l’éducation des enfants, sur la manière de s’en sortir lorsqu’on est chômeur. Un de ces groupes pourrait avoir à cœur un travail social, etc. Les cultes organisés par le réseau tout entier ne seraient plus prédominants.

Un culte en deux phases
Une variante suggérée par Serge Carrel serait de créer un culte en deux phases. Dans la première, on partagerait la cène, en y ajoutant une petite exhortation. Dans la deuxième on se diviserait en groupes d’intérêts. Les uns pourraient un dimanche passer leur temps à chanter des cantiques rétros, tandis que les autres se rencontreraient autour d’un thème touchant le business et la foi, par exemple. D’autres encore pourraient jouer aux boules et boire l’apéro, parce qu’ils ont invité des copains non croyants à partager leur matinée. L’idée, c’est d’être très flexible, d’offrir une large palette d’activités pour pouvoir intégrer facilement des gens venant de l’extérieur. Ce serait sympa d’entrer dans l’Eglise à la suite d’un apéro!

Les groupes de maisons, précurseur du changement
Les propositions faites ci-dessus ne sont pas tellement nouvelles, en soi. Certaines Eglises ont déjà ou continuent de fonctionner avec une composante groupes de maison. Pourtant ces groupes n’occupent pas le centre de la stratégie communautaire. Dans le concept proposé par François Bacher, les groupes sont centraux. Tout s’articule à partir d’eux et le culte central n’est qu’une extension possible de l’activité de ces groupes. Si ces groupes disparaissent, c’est toute l’Eglise qui va à la trappe, mais en temps de crise ou de persécution ils ont plus de chance de tenir le coup. Les groupes de maison du passé ont été des précurseurs, des modeleurs de changement. Ils étaient le marchepied vers une nouvelle conception de la communauté. Il faut simplement qu’ils passent au premier plan et bravo pour ceux qui ont essuyé les plâtres!

Henri Bacher
www.logoscom.org

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