Hermann Christen retrouve le Laos 35 ans après

mercredi 10 mars 2010

Près de 35 ans après, le doyen des missionnaires suisses au Laos retrouve ce pays où il a servi plus de 25 ans, et un compagnon d'œuvre, presque son contemporain. Rencontre émouvante où l’admiration pour la vie et la sagesse de ces chrétiens l’emporte sur les frustrations d’une visite trop courte dans des Eglises sous surveillance...

Au Laos, l’Eglise, perçue comme une émanation d’un impérialisme étranger, vit sous surveillance. Mais les chrétiens n’ont pas peur d’affirmer leur foi. Dans cette société qui vit au rythme des nombreuses fêtes qui ponctuent l’année, ils ont la leur : celle de Noël. C’est une occasion unique pour un témoignage public, où on invite largement la population et les autorités locales à participer aux réjouissances – et à entendre la Bonne Nouvelle.
Ce dernier Noël à Song-Khône, berceau de l’Eglise évangélique du Laos, avait un relief tout particulier : l’inauguration en grande pompe d’une nouvelle chapelle en dur, pour laquelle ils avaient invité – une première depuis 1975 – les anciens missionnaires suisses. En souvenir des pionniers arrivés en 1902, et de ceux qui y ont laissé leur vie, et dont les tombes se visitent non loin de la chapelle.

Il retrouve le Laos après plus de 34 ans de séparation
Parmi ces anciens missionnaires, Hermann Christen, qui, à l’aube de ses 89 ans, remettait le pied pour la première fois sur le sol de ce pays, quitté en cette année mémorable de 1975, qui a signé la fin de l’ère missionnaire dans le pays...
Premières impressions fortes à l’arrivée à Savannakhet, par le nouveau pont récemment construit, de près de 2 km de long. Hermann repense à une autre traversée. En 1965, il revenait de Bangkok avec la dépouille de sa première épouse... « Impossible de prendre le cercueil à bord du bateau. Il a alors fallu acheter une chaloupe jetable, y placer le chargement, et abandonner l’embarcation de l’autre côté. » Andrée, la première femme d’Hermann, et Sylviane, une fille de sa deuxième épouse, décédée en décembre 1974, reposent toutes deux dans un petit cimetière de Savannakhet.
La ville de Savannakhet est devenue la plaque tournante des échanges entre le Vietnam et la côte de la mer de Chine d’un côté, la Thaïlande et l’accès à l’océan Indien de l’autre. Elle s’est considérablement développée. «Les rues sont encombrées de mobylettes, et seul je ne m’y serais plus retrouvé», avoue Hermann. Mais la délégation franco-helvétique – avec Edith, une fille d’Hermann, Armand Heiniger et plusieurs de ses descendants, ainsi que le pasteur laotien de Lyon – a un pilote de choix en la personne du Dr P. « Un chrétien extraordinaire, note Hermann, d’une disponibilité et d’une modestie peu communes. Respecté aussi bien dans la société civile et parmi les autorités que dans l’Eglise. »
Chacun est aussi admiratif de l’hôpital ophtalmique que dirige le Dr P. « J’ai été particulièrement impressionné par la qualité des soins et de l’attention aux patients, ainsi que par le matériel et le programme d’opération de cataractes dans les villages – qui couvre toute la province et au-delà. Ils ont aussi tout un programme de réhabilitation des malvoyants par des activités adaptées, et ils ont même récemment adapté le braille à l’alphabet laotien ! »

Retour sur des lieux historiques
Après deux nuits à l’hôtel à Savannakhet, la petite troupe prend le chemin de Song-Khône, à 70 km au sud-est. Un village qu’on ne pouvait rejoindre qu’en bateau autrefois. Souvenirs poignants du 1er janvier 1949 pour Hermann. Fraîchement arrivé au Laos, c’est là qu’il a passé ses deux premières années à apprendre la langue et la culture, avec Fritz Audétat, pionnier de la traduction de la Bible en laotien, et Marie Dufour, avant de partir se lancer dans un ministère d’implantation d’Eglise dans la ville de Tha-Khèk, en duo avec M. Kham-Pheung, dit «Pho-Daniel». Les retrouvailles des deux hommes sont le moment le plus fort de ce 25 décembre. «Voilà que je retrouve ce compagnon d'œuvre dans son Eglise d’origine, honoré comme on sait honorer les personnes âgées dans ce pays. Quelle émotion, après 35 ans de séparation!» Pho-Daniel, qui sait que les problèmes de santé ont empêché Hermann de revenir plus tôt au Laos, lui demande d’emblée des nouvelles de ses migraines. « Elles ont été extraordinaires durant ce voyage », confie Hermann. Il veut dire que cela fait longtemps qu’elles n’ont pas été aussi bénignes... !
Bientôt la fête commence. Impressionnant de voir là plus de 400 personnes réunies, dans une salle remplie de décorations électriques. « Cela aurait été inimaginable autrefois », assure Hermann. Assis aux places d’honneur, nos visiteurs n’auront cependant pas droit à la parole – sinon par la bouche du pasteur laotien, qui transmet les salutations des Eglises d’Europe. C’est qu’il faut rester prudent. Il a fallu négocier pour obtenir les autorisations officielles, et les autorités de Savannakhet ont envoyé 8 miliciens pour «assurer la sécurité» de ces visiteurs inhabituels... Mais ces surveillants se contentent d’assister à la manifestation officielle, et laissent toute liberté pour les échanges à domicile.
Un peu frustré, Hermann, de ces restrictions? « Oui, bien sûr, et nos hôtes aussi ! Mais en même temps je suis plein d’admiration pour la sagesse de ces frères et reconnaissant pour le témoignage qu’ils portent dans ce pays ». Une autre déception se mêle à la joie des chrétiens de Song-Khône : ils avaient tout préparé pour héberger leurs visiteurs dans le village, comme ils en avaient obtenu l’autorisation. Mais le Dr P. a voulu assurer le confort de ses hôtes qui ne sont plus tous jeunes...

Quand on passe sans s’annoncer...
Le lendemain, la troupe prend la route du sud, vers Paksé et Attopeu. A mi-chemin, ils s’arrêtent à Na-Kham, un village chrétien où l’on vient aussi de terminer la construction d’une nouvelle chapelle, qui sera inaugurée dans quelques jours. « Sans doute la plus belle chapelle du pays, confie Hermann, admiratif ! Incroyable, une chapelle pareille en pleine brousse ! » Pas attendus, pas surveillés, nos hôtes sont accueillis chaleureusement. Vite, on amène un fauteuil pour ce respectable visiteur. On n’a pas oublié son habitude d’animer les chants, et le voici bientôt qui entonne en laotien « Quelle joie ! Jésus m’a sauvé », suivi par la cinquantaine de chrétiens spontanément assemblés autour de la délégation.

Une Eglise vivante, qui ne craint pas de s’affirmer et de témoigner
L’heure du retour sonne bientôt. Fatigué mais heureux de ce voyage inoubliable, Hermann est frappé par la découverte de l’Eglise vivante d’aujourd’hui. « N’est-ce pas remarquable de voir le courage de ces chrétiens, et la manière dont Dieu a béni son Eglise malgré des persécutions parfois sévères ? » On se souvient qu’il y a quelques années, il y avait eu une vague de persécutions dans cette province et que la majorité des églises de la province avaient été fermées quelque temps. « Tout récemment encore, ajoute Hermann, peu après notre retour, nous apprenions que dans une province voisine, un groupe de chrétiens avaient été victimes des exactions des autorités locales, chassés du village et abandonnés en pleine forêt...  Et pourtant, l’Eglise a grandi, et les chrétiens ne craignent pas de s’affirmer et de témoigner de leur foi. Des frères qu’il nous faut porter dans nos prières ! »
Silvain Dupertuis

  • Encadré 1:

    Soutenir le travail du SME au Laos
    Vous pouvez soutenir le travail du SME au Laos en versant un don au : SME, CCP : 12-1401-1. Mention: Laos

Publicité

Journal Vivre

Opinion

Opinion

myfreelife.ch

  • Pour les Terraz et les Félix, des choix porteurs de vie

    Ven 22 septembre 2023

    Abandonner la voiture et emménager dans une coopérative d’habitation ?... Deux couples de l’Eglise évangélique (FREE) de Meyrin ont fait ces choix qu’ils estiment porteurs de vie. « Le rythme plus lent du vélo a vraiment du sens pour moi », témoigne Thiéry Terraz, qui travaille pour l’antenne genevoise de Jeunesse en mission. « Je trouve dans le partage avec mes voisins ce que je veux vivre dans ma foi », lui fait écho Lorraine Félix, enseignante. Rencontres croisées. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

  • Vivian, une flamme d’espoir à Arusha

    Jeu 15 juin 2023

    Vivian symbolise l’espoir pour tous ceux que la vie malmène. Aujourd’hui, cette trentenaire tanzanienne collabore comme assistante de direction au siège de Compassion à Arusha, en Tanzanie. Mais son parcours de vie avait bien mal débuté… Nous avons rencontré Vivian au bureau suisse de l’ONG à Yverdon, lors de sa visite en mars dernier. Témoignage.

  • Une expérience tchadienne « qui ouvre les yeux »

    Ven 20 janvier 2023

    Elle a 19 ans, étudie la psychologie à l’Université de Lausanne, et vient de faire un mois de bénévolat auprès de jeunes de la rue à N’Djaména. Tamara Furter, de l’Eglise évangélique La Chapelle (FREE) au Brassus, a découvert que l’on peut être fort et joyeux dans la précarité.

  • « Oui, la relève de l’Eglise passe par les femmes »

    Ven 16 septembre 2022

    Nel Berner, 52 ans, est dans la dernière ligne droite de ses études en théologie à la HET-PRO. Pour elle, la Bible est favorable au ministère féminin. Et les communautés doivent reconnaître avoir besoin tant d’hommes que de femmes à leur tête.

eglisesfree.ch

  • Rencontre générale de la FREE : vers une réorientation du budget

    Ven 13 décembre 2024

    La seconde Rencontre Générale de la FREE pour 2024 s'est tenue le 23 novembre à l'Eglise évangélique des Amandiers (Lavigny). Les délégués des Eglises ont accepté le budget 2025 et la modification d'un article des statuts, les membres de la direction ont donné des nouvelles de leur secteur et Michel Faggion a présenté la mission de la FLP. Compte-rendu.

  • Rencontre générale : la FREE confirme son désir d’apporter un soutien efficace aux Eglises

    Ven 26 avril 2024

    La dernière Rencontre générale de la FREE a montré que sa situation financière est relativement saine. Elle a aussi montré comment la fédération remplit des tâches indispensables aux Eglises, et que celles-ci ne pourraient par remplir à titre individuel.

  • Un·e responsable des finances (10%)

    Lun 29 janvier 2024

    Plus grande fédération d’Eglises évangéliques en Suisse romande, la FREE offre un cadre de travail dynamique et défiant, en lien étroit avec les autres acteurs du milieu chrétien évangélique romand, suisse et international. Dans ce cadre, la FREE recherche un·e responsable des finances.

  • Rencontre générale : une fédération utile

    Mer 29 novembre 2023

    La Rencontre générale du 25 novembre 2023 a permis de remercier Stéphane Bossel pour 23 ans d’engagements divers et importants dans la FREE. Elle a aussi permis à l’équipe de direction de partager quelques priorités, notamment le sens, les valeurs et la plus-value que la FREE peut offrir aux Eglises.

eglise-numerique.org

point-theo.com

Suivez-nous sur les réseaux sociaux !