Envoyés de la FREE, Myriam (coordinatrice de Stop abus) et André Letzel s'impliquent auprès des couples et des jeunes dans les Hauts-de-France. Depuis douze ans, ils interviennent dans des collèges, mais aussi des groupes de jeunes d'Eglises, en tant qu’enseignants en vie affective et sexuelle. Dans ce contexte, ils ont pris conscience que des contre-vérités sur la sexualité circulent parfois dans les Églises évangéliques : « On cherche à soutenir la parole biblique par des informations qu’on pense scientifiques, mais qui ne le sont pas », remarque le sexologue et co-auteur de l’étude.
Par ailleurs, les jeunes évangéliques leur expliquent qu’à l’Eglise, les vraies problématiques en lien avec la vie sexuelle ne sont pas abordées. « Avec l’enquête, je voulais vérifier si c’était le cas », explique André Letzel. Autre objectif visé : fournir aux pasteurs et responsables de groupes de jeunes des données précises sur ces questions (voir encadré).
Des enseignements éclairants
Quels enseignements principaux ressortent de l’enquête, menée auprès de plus de 1000 femmes et 500 hommes entre 18 et 30 ans ? En premier lieu, André Letzel rapporte une donnée positive : plus une ou un jeune a bénéficié d’une éducation sécurisée, avec des informations fiables, dans le cadre familial, amical et du groupe de jeunes de l’Eglise – et plus ce même jeune est investi dans sa foi – plus son estime sexuelle personnelle est positivement affectée.
En revanche, un second constat est préoccupant : 18 % des jeunes femmes évangéliques ont déjà été victimes de viol, selon la définition du code pénal. Ce résultat correspond aux chiffres de la population générale. 90 % des jeunes femmes interrogées appellent les Églises à s’impliquer dans la prévention des abus sexuels.
Les auteurs de l’enquête ont aussi voulu connaître l’indice de confiance des jeunes évangéliques envers différents professionnels (dont les pasteurs), lorsqu’il s’agit de parler des violences sexuelles. Résultat : tant que la jeune chrétienne ou le jeune chrétien n’a pas été victime lui-même, elle ou il se tourne plus facilement vers un pasteur ou un responsable de sa communauté. Mais, si la personne a subi des violences sexuelles, cette confiance chute. Dans ce cas, la confiance envers les pasteurs arrive loin derrière celle accordée aux professionnels de santé et aux psychologues.
Quel rôle pour l’Église ?
Si l’Église se montre plutôt compétente dans l’enseignement des valeurs et de la morale, les jeunes expriment d’autres besoins d’informations liés à l’orientation ou aux pratiques sexuelles, au désir, au plaisir, etc, démontre l’enquête. À plus forte raison, ils n’oseront pas forcément poser ces questions à leurs parents. «Plus un jeune reçoit un enseignement scolaire sur ces sujets, plus il est important que ces mêmes sujets soient abordés dans le cadre ecclésial. Le jeune a besoin d’un regard chrétien sur ces thématiques, pour se faire un avis », souligne André Letzel.
D’ailleurs, le sexologue est persuadé que les Églises ont une responsabilité dans l’éducation à la sexualité. Et qu’au milieu d’une société hypersexualisée, elles ne peuvent pas se voiler la face. « Il peut être utile de collaborer avec des experts, même s’ils ne sont pas engagés dans la foi chrétienne. Par exemple, une sage-femme pourrait présenter au groupe de jeunes comment fonctionne le corps de la femme », suggère André Letzel. « Et certaines professions psycho-médicales sont aussi présentes dans nos communautés. Pourquoi ne pas donner à ces professionnels chrétiens davantage de place pour des interventions ? », questionne-t-il.
Pas le même discours à l’école qu’à l’Église
A la question « Comment les jeunes évangéliques approchent-ils la sexualité ? », le sexologue chrétien répond qu’ils s’y intéressent autant que les autres. Mais il précise que leur langage n’est pas le même à l’école et à l’Église : « Comme le discours des communautés peut être perçu comme assez restrictif, ils n’osent pas exprimer ce qu’ils pensent vraiment ».
Concernant l’identité de genre, la grande majorité des participants à l’étude se reconnaît dans son genre. Mais si un jeune évangélique se questionne à ce propos, vers qui peut-il se tourner ? « En France, une dysphorie de genre nécessite le suivi d’un pédopsychiatre. L’Église, elle, peut offrir une écoute sans jugement et un accompagnement dans sa quête identitaire », détaille André Letzel, tout en ajoutant : « Nous, chrétiens, n’avons pas toujours la solution et devons accepter nos limites. Dieu ne nous demande ni d’être omniscients ni tout-puissants ».