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Depuis quelques décennies, la culture européenne est en mutation. Elle est désormais appelée post-chrétienne. Il s'agit du plus grand changement que notre culture a connu depuis la Réforme du XVIe siècle. Ce changement a un gros impact sur les Eglises et leur mission.
Le préfixe « post » indique où nous ne sommes plus : une partie de ce qui nous était familier a disparu. Il fait place à une réalité nouvelle que nous explorons sans boussole ni point de repère. Nous savons que notre environnement change, mais nous ne savons pas dans quelle direction. Et si nous voulons savoir où nous sommes actuellement, nous devons comprendre où nous étions auparavant.
D'où venons-nous ?
La foi chrétienne ou le christianisme a pénétré presque toutes les sociétés dans le monde. Mais la chrétienté ne s'est développée qu'en Occident. La chrétienté n'est pas le christianisme. Mais alors, quelle est-elle ?
► La chrétienté est d'abord une manière d'exprimer le christianisme dans une région donnée. A l'intérieur de ce territoire, on suppose que les gens sont chrétiens et on envoie des missionnaires à l'extérieur, dans les régions considérées comme païennes.
► La chrétienté s'inscrit également dans une époque de l'histoire. Elle commence avec la conversion de l'empereur romain Constantin au IVe siècle. Dès ce moment, le christianisme devient la religion officielle de l'Empire.
► La chrétienté a engendré une civilisation, une culture imprégnée de symboles chrétiens sur le territoire, dans le langage et dans la manière de penser.
► La chrétienté participe à un arrangement politique, un partenariat entre l'Eglise et l'Empire romain, puis entre l’Eglise et différents gouvernements. Dans ce partenariat, l'Eglise bénit l'Etat et, en échange, l'Etat soutient l'Eglise. Il existe, encore pour quelque temps, quelques situations où l'Eglise et l’Etat sont liés.
► La chrétienté est une idéologie. C'est une manière de concevoir l'action de Dieu dans le monde, ainsi que le rôle de l'Eglise. C'est une vision du Royaume de Dieu qui a un impact dans la société.
La chrétienté a été une culture à la fois brillante et violente. Elle était totalitaire et punissait toute différence. En cela, elle n'était pas différente des Etats islamistes qui, aujourd'hui, nous semblent brutaux.
La Réformation du XVIe siècle a marqué le début de la désintégration de la chrétienté. Celle-ci s'est divisée en plusieurs petites chrétientés : catholique, réformée, luthérienne, anglicane, etc. Chacune pensait être la vraie chrétienté et cela a engendré des guerres. Au XVIIIe siècle, les Européens se sont fatigués de ces conflits et ils ont pensé que la raison était meilleure que la religion. Ce fut le siècle des Lumières et le début de la fin de la chrétienté. Durant le XXe siècle, la chrétienté a perdu sa cohésion et l'Europe est entrée dans la post-chrétienté.
Ce qui a changé
Notre société post-chrétienne est très différente de la société où régnait la chrétienté. Mentionnons ce qui a changé :
► Au IVe siècle, l’Eglise est devenue un élément central de la société. Aujourd'hui, au contraire, l'Eglise a été déplacée aux marges de la société. Elle est devenue une minorité.
► A l'époque de la chrétienté, les chrétiens se sentaient un peu chez eux dans leur culture, avec leurs habitudes et leurs valeurs. Aujourd'hui ils sont devenus des pèlerins exilés et aliénés.
► A l'époque, les Eglises et les chrétiens avaient une place privilégiée dans la société. Désormais, dans la société plurielle actuelle, ces privilèges ont très logiquement disparu.
► A l'époque de la chrétienté, la société contrôlait ce que les gens croyaient et comment ils se comportaient. Dans certaines régions, les gens qui n'allaient pas à l’église étaient amendés. Désormais, ce contrôle n'est plus possible. Les chrétiens ne peuvent que revenir à ce qui se faisait dans l’Eglise ancienne : être des témoins.
► A l'époque de la chrétienté, l'Eglise était formaliste et travaillait à son propre maintien. La société était considérée comme chrétienne, il fallait juste maintenir les institutions existantes. Mais en post-chrétienté, l’Eglise doit changer et redevenir missionnaire. Actuellement, nous ne sommes qu'au début de ce processus de changement. Il va engendrer des résistances. Les Eglises lutteront contre ce changement.
Nous sommes donc à cheval entre deux mondes ; entre l'ancien monde de la chrétienté qui disparaît et le nouveau monde de la post-chrétienté qui le remplace. Nous devons parler les deux langages différents de ces deux mondes qui se succèdent.
Quelques défis pour les chrétiens
La post-chrétienté nous impose de relever des défis. Nous pouvons trouver cela difficile et préoccupant. Nous pouvons également les relever avec enthousiasme et célébrer la fin de la chrétienté !
► Dans une culture où les gens ne savent plus rien de Jésus-Christ, nous devons raconter son histoire comme l'ont fait les premiers missionnaires de l’Eglise ancienne. Lors d'une visite de la basilique de la Sagrada Familia à Barcelone, de jeunes anglais se sont intéressés à un carré magique dont la constante est 33, l'âge supposé du Christ lors de la crucifixion. « Ouah ! Il est mort jeune ! » Se sont exclamés les adolescents qui ne connaissaient strictement rien à l'histoire de Jésus.
► Nous devons apprendre à partager notre foi dans une culture plurielle, séculière et spirituelle. Certains croient qu'il n'y a pas de Dieu ; d'autres croient en un autre Dieu que celui de la Bible. Il n'existe pas de formule d'évangélisation bonne pour tous. Nos Eglises se sont construites dans un contexte d'ancienne chrétienté. Elles n'ont pas encore trouvé de nouvelles manières d'évangéliser.
► Les Eglises doivent développer des activités qui permettent à leurs membres de témoigner. Dans bien des communautés, les gens sont tellement sollicités par toutes sortes d'activités d’Eglise qu'ils n'ont plus le temps d'être des témoins pour leur entourage.
► Les Eglises doivent apprendre à former des disciples du Christ.
Des avantages de la post-modernité
La post-modernité offre de nouvelles occasions de témoignage et de développement aux Eglises. Leur responsabilité est de saisir ces occasions.
► Dans les Eglises de la post-chrétienté, on ne trouve presque plus que des gens qui ont choisi d'y venir. Plus personne ne vient au culte par pression. Les communautés sont donc plus petites, mais elles savent où elles en sont. Elles ont l'occasion d'être à nouveau des Eglises. Quelle était la proportion de véritables chrétiens dans les Eglises de l'ancienne chrétienté ? Nous ne le savons pas exactement !
► Les Eglises de la post-chrétienté ont l'occasion de raconter l'histoire de Jésus de manière nouvelle à des personnes qui ne connaissent rien de lui. Beaucoup vont être passionnés en découvrant cette histoire. Lors d'une visite à une famille, un prêtre anglican a raconté l'histoire du fils prodigue. Les auditeurs, très touchés par l'histoire, ont demandé si le prêtre l'avait inventée. Ensuite, en apprenant que l'histoire avait été racontée par un certain Jésus, ils ont demandé si ce Jésus était l'auteur d'autres histoires.
► Les Eglises ont la chance de se libérer de leur compromission avec le pouvoir politique. La post-chrétienté leur donne l'occasion de retrouver leur goût, le fait d'être sel dans la société.
► Les Eglises ont l'occasion de lire la Bible de manière nouvelle. Celle-ci a souvent été interprétée de manière ennuyeuse, de manière à ne pas déranger la société. Ses interpellations ont été spiritualisées afin de ne pas mettre en question et déranger. Mais la vie et l'enseignement de Jésus font sens pour beaucoup de gens. Je collectionne les histoires d'athées fascinés par la vie et l'enseignement de Jésus. Ils ont parfois une meilleure compréhension de Jésus que les chrétiens.
La post-chrétienté n'est pas une situation finale, mais une transition qui n'est pas encore terminée.
Propos résumé par Claude-Alain Baehler