Le « dé du salut », par Thomas Salamoni

vendredi 19 mai 2017

Contempler et intégrer la beauté du salut que Dieu offre : Thomas Salamoni, pasteur dans l’Eglise évangélique Arc-en-ciel (FREE) à Gland, termine son parcours autour de l’épître aux Romains. Il montre en six volets, comme autant de faces d’un dé, comment Dieu justifie les humains prisonniers du péché[1].

L’objectif de cette série d’articles est d’explorer comment Dieu s’est montré fidèle à ses promesses de restaurer l’humanité et la création entière, atteintes par le mal. La réalisation de ce projet a été mise en route de manière irréversible par la venue et l’œuvre de Jésus le Messie et du Saint-Esprit. Au centre de la cible de la justice de Dieu figure cette question : comment les humains prisonniers du péché sont-ils libérés de leur enfermenent ? Je propose de contempler la beauté et la cohérence de l’œuvre de Dieu à l’aide du « dé du salut » : chacune des six faces de ce dé représente une notion biblique, qui décrit un aspect de l’œuvre accomplie par la mort et la résurrection de Jésus, et ce que le Saint-Esprit réalise dans la vie de ceux qui en bénéficient[2]. A la fin de chaque présentation, un paragraphe propose une mise en pratique de l’aspect évoqué (•).

La face 1 : la révélation

A la croix, Dieu fait connaître comment il répond au problème du mal qui affecte les humains. Afin que quelqu’un bénéficie de cette révélation, il faut que l’Evangile soit proclamé et accueilli ; et pour cela l’action du Saint-Esprit est primordiale[3]. C’est l’Esprit qui permet de découvrir, de manière fulgurante ou progressive, que l’homme sans Dieu est ignorant et spirituellement aveugle. Mais, grâce à l’œuvre de la croix, il parvient à une nouvelle connaissance de Dieu, de lui-même, et du projet de Dieu pour le monde.

Au cœur de cette révélation, il y a l’expérience de l’amour de Dieu grâce à l’action révélatrice souveraine du Saint-Esprit : « Or, l’espérance ne trompe point parce que l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné »[4]. Ce lien à Dieu par le Saint-Esprit, établi au moment où celui-ci vient habiter dans le croyant, est l’expérience fondamentale que fait le chrétien. Cette expérience se renouvelle chaque jour par la relation d’amour à Dieu, comme le texte le suggère.

  • Cette relation est la source vitale pour vivre au bénéfice de la croix, dans la nouvelle humanité inaugurée par Jésus. Cette nouvelle humanité rétablit l’homme dans son appel initial à représenter Dieu dans le monde et participer ainsi à sa gloire, ce qui va pleinement se manifester au retour du Messie[5].

La face 2 : la rédemption

La rédemption parle du processus par lequel Dieu, par Jésus, rachète et libère l’homme prisonnier du mal, de l’emprise du péché et des forces hostiles à Dieu. La notion permet de situer le ministère de Jésus et son œuvre à la croix en parallèle avec l’Exode, en fait comme un « nouvel exode ». D’esclave du péché, le bénéficiaire se trouve, par l’action du Saint-Esprit, adopté dans la famille de Dieu, enfant bien-aimé du Père céleste, serviteur de son Seigneur Jésus-Christ, et appelé à vivre dans la liberté de l’Esprit[6].

  • Cette appartenance au Dieu trinitaire est la colonne vertébrale solide de l’identité du chrétien. Grâce à la libération et par la direction de l’Esprit, celui-ci participe activement et consciemment à la grande histoire du salut, qui continue à se dérouler jusqu’au retour du Christ.

La face 3 : le sacrifice

La mort de Jésus sur la croix est souvent présentée dans le Nouveau Testament comme un sacrifice pour le péché des hommes. Le péché salit et défigure l’être humain. Il suscite aussi la colère de Dieu, c’est-à-dire la réaction personnelle et sainte du Créateur contre toute manifestation du mal qui abîme ses créatures et sa création. Ce positionnement de Dieu n’annule pas pour autant son amour pour le pécheur. La colère de Dieu est conditionnée par la réalité fondamentale qu’est son amour. Par rapport à la souillure du péché, le sacrifice de Jésus purifie le pécheur ; quant à la colère de Dieu, Jésus y fait face à la croix. Il absorbe pour ainsi dire le juste jugement de Dieu. Il se substitue à la fois à toute l’humanité qu’il représente en sa personne, et à chaque humain qui accueille son sacrifice par la foi.

  • La réponse du chrétien à cette mort sacrificielle de Jésus consiste à s’offrir constamment à Dieu comme un sacrifice vivant, une vie « don de soi » par l’Esprit selon le modèle du Christ[7].

La face 4 : la justification

Cette notion répond à la question de base de Romains : comment Dieu peut-il justifier, déclarer comme pardonnés et ainsi libérés de son juste jugement, des humains prisonniers du péché ? La justification fait appel au domaine juridique, et se base sur la ferme attente suscitée dans l’Ancien Testament du fait que Dieu, à la fin des temps, va demander des comptes aux humains pour la manière dont ils ont vécu leur vie, et juger toute injustice commise. Or, pour ceux qui accueillent l’Evangile, ce jugement a déjà eu lieu en Christ. Il s’agit de l’action souveraine et efficace de Dieu qui, en Christ, justifie et déclare pardonnés les pécheurs, en harmonie avec la justice qui est la sienne. Il ne s’agit pas d’une justice rétributive dans un sens étroit, puisque, comme le précise le théologien anglican James Packer en commentant Romains 3.25-26 : « L’Evangile qui proclame l’apparente violation par Dieu de sa justice est en réalité une révélation de sa justice »[8]. C’est la logique de l’amour saint de Dieu qui fait don de la justification, de son verdict : « Pardonné, déclaré justifié ! », prononcé à l’égard du pécheur. Ce verdict ouvre ainsi à celui-ci le chemin d’une nouvelle vie par Jésus-Christ[9].

  • En réponse à ce cadeau, le chrétien est appelé à s’offrir lui-même comme instrument de la justice de Dieu, afin de participer activement, par sa manière de vivre, au Royaume et à son établissement[10].

La face 5 : la réconciliation

Réconcilier signifie rétablir une relation de paix entre des adversaires. La croix comme lieu de réconciliation rappelle que la désobéissance humaine met de l’inimitié entre l’homme et Dieu. Du côté de l’homme, parce qu’il se rebelle ainsi contre son Créateur ; du côté de Dieu, parce que cette rébellion suscite la réprobation divine. Or, à la croix, Jésus réconcilie l’homme avec Dieu en assurant le pardon des péchés. Il pose ainsi le fondement d’une relation nouvelle, vivante entre les deux. Le chrétien quitte l’inimitié de Dieu et entre dans son amitié[11] !

  • Avec cette nouvelle situation, un nouvel appel retentit : celui adressé au chrétien d’être dans le monde un artisan de paix. Il s’agit de pratiquer le pardon, de viser des relations réconciliées, et d’être un ambassadeur du Christ qui en appelle d’autres à se laisser réconcilier avec Dieu[12].

La face 6 : la victoire

La croix comme victoire rappelle que l’être humain n’est pas seulement en conflit avec Dieu, mais aussi avec lui-même, avec des forces extérieures à lui – Satan, l’ennemi de toujours – mais aussi avec « le monde », compris dans le sens de l’humanité en rébellion contre Dieu. Or, à la croix et par la résurrection, contre toute apparence, Jésus-Christ a remporté une victoire décisive qui délivre de la domination du péché, de Satan et des puissances spirituelles mauvaises, ainsi que du monde[13]. La lettre aux Romains met en particulier l’accent sur la victoire que Jésus a remportée sur le péché[14]. La conséquence de cette victoire fondamentale : une vie victorieuse sur toute force qui s’oppose à Dieu et à ceux qui lui appartiennent. C’est ce qu’affirme un des plus beaux textes du Nouveau Testament, Romains 8.31-39, qui résume bien le bénéfice de l’œuvre de la croix et son application par le Saint-Esprit dans la vie des croyants[15].

Le thème de la victoire conclut bien les différentes facettes de l’œuvre de la croix et de la résurrection, ainsi que l’appropriation des bénéfices pour le chrétien par le Saint-Esprit. Le Nouveau Testament place le chrétien à l’intersection de deux mondes : tout en vivant dans le monde ancien, le chrétien sait que la « fin des temps » est arrivée avec le règne nouveau du Christ et de l’Esprit, auquel il participe déjà. La mort et la résurrection du Christ assurent que le mal a été vaincu. Cette victoire se manifeste déjà au travers de l’action de l’Esprit dans la vie de ceux qui appartiennent à Christ. Le plein accomplissement de cette victoire interviendra avec le retour de Jésus, la résurrection des morts, le jugement dernier et l’instauration de la nouvelle terre et des nouveaux cieux.

  • Oui, la vie chrétienne peut être victorieuse, grâce à l’œuvre du Saint-Esprit. Seulement, il faut que le peuple de Dieu mène les batailles de Dieu en suivant le chemin du Christ, par la puissance du Saint-Esprit. Cela inclut la transformation par l’Esprit du caractère du chrétien, le service persévérant à l’aide des dons de l’Esprit, et l’engagement fidèle dans la société selon la vocation de chacun. Tout ceci en suivant le modèle non violent et subversif de Jésus le Messie.

Le peuple d’un Dieu fidèle !

Approcher la lettre aux Romains sous l’angle de la fidélité du Dieu des alliances à ses promesses permet d’explorer une unité profonde, une cohérence magnifique et surprenante, entre l’Ancien et le Nouveau Testament. Les six faces du « dé du salut » représentent et tiennent ensemble les bénéfices de l’œuvre du Christ et de l’Esprit : de la révélation à la victoire, en passant par la rédemption, le sacrifice, la justification, et la réconciliation.

  • Et voici la promesse : ceux qui vivent au bénéfice de ce que Christ a fait et poursuit en eux par le Saint-Esprit participent à révéler Dieu dans le monde et pour le monde.

Peuple de Dieu, continue cette mission, en restant fidèle à ton Dieu qui, lui, est fidèle pour toujours !

Thomas Salamoni

 

[1] Il est possible de lire les trois articles précédents de Thomas Salamoni sur lafree.ch.

[2] Cette présentation est basée sur ma thèse de Master en théologie. Les six notions, qui sont toutes présentes dans l’épître aux Romains sous différentes formes, se complètent entre elles et se recouvrent partiellement.

[3] C’est ce que démontre une analyse approfondie de 1 Corinthiens 2.

[4] Romains 5.5.

[5] Romains 5.1-5, puis tout le chapitre.

[6] Romains 3.24, 8.32 ; Galates 4.1-7.

[7] Romains 12.1-2.

[8] James I. Packer, 18 Words : The Most Important Words You Will Ever Know, Christian Focus Publications, Fearn, Ross-shire, Royaume Uni, p. 135 (ma traduction).

[9] Romains 5.15-21.

[10] Romains 6.13, et 2 Corinthiens 5.21 : « … afin qu’en Christ nous devenions justice de Dieu. » Il s’agit d’incarner, « donner corps » à l’Evangile à la suite de Jésus.

[11] Romains 5.1-11. Pour d’autres dimensions de la réconciliation en Christ, voir 2 Corinthiens 5.17-6.2 ; Ephésiens 2.11-22 ; Colossiens 1.13-23.

[12] 2 Corinthiens 5.19-21.

[13] Pour la victoire sur les puissances spirituelles, voir Colossiens 1.13-23, 2.13-15 ; Ephésiens 2.1-10 ; 1 Corinthiens 15.54-57.

[14] Romains 8.1-3 : c’est en condamnant le péché en Jésus, son Fils, que Dieu a libéré l’homme de la condamnation. A partir de là, c’est par la puissance du Saint-Esprit que les chrétiens ont l’assurance de pouvoir concrètement et progressivement remporter des victoires sur le péché, comme le développe la suite du chapitre 8.

[15] Romains 8.31-39 – à méditer sans modération. 

  • Encadré 1:

    La cible de la justice de Dieu

    Cible
    Dans le premier article (voir lafree.ch), nous avons présenté la lettre de Paul aux Romains comme une défense du projet de Dieu (une « théodicée ») de restaurer la création entière, en réponse à ses promesses faites dans le passé. En résumé, l’apôtre répond à trois questions interconnectées qui peuvent être représentées comme les trois cercles d’une cible :

    1. Cercle extérieur : comment Dieu va-t-il restaurer l’univers entier ? (deuxième article)

    2. Cercle intermédiaire : qu’en est-il d’Israël, le peuple choisi par Dieu pour réaliser son projet, mais qui semble avoir failli à sa mission ? (troisième article)

    3. Cercle central : comment Dieu peut-il justifier des humains prisonniers du péché ? (article publié ici)

    Pour une approche détaillée de la lettre aux Romains, focalisée sur la fidélité de Dieu à ses promesses, voir N.T. Wright, Romans, The New Interpreter’s Bible, Volume X, Nashville, Abingdon Press, 2002. 

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