« En 10 ans, le Réseau évangélique suisse (RES) a su trouver sa place et gagner la confiance de ses membres, des institutions et des médias, se réjouit Philippe Thueler, le secrétaire général de la FREE. Il joue un rôle spécifique que ni les fédérations d'Eglises, ni les Eglises locales ne peuvent jouer, notamment en terme de représentation des évangéliques et de réseautage. » Au moment où le RES fête ses dix ans, c'est bien son rôle de représentation des évangéliques qui est régulièrement souligné.
Le pasteur Norbert Valley a quitté la présidence du RES cette année. Il revient sur plusieurs aspects de l'évolution et du rôle de cette institution.
Comment le RES accompagne-t-il l'évolution des relations entre Eglises et Etat ?
En Suisse, les relations entre les Eglises et l’Etat sont de la compétence des cantons. Mais au plan suisse, les vis-à-vis de l’Etat sont des structures comme la Conférence des évêques suisses ou la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS). Le Réseau évangélique suisse (RES) se place au même niveau que ces structures catholique et réformée.
Le système suisse est compliqué, puisque les relations Eglises-Etat et la laïcité sont vécues de manières différentes dans chaque canton. Ainsi, à Genève où le RES a son siège, une laïcité presque « à la française » donne au Réseau un statut comparable à celui de l’Eglise protestante de Genève (EPG, l’Eglise réformée historique).
Le RES représente donc la plupart des évangéliques auprès des gouvernements cantonaux, mais aussi de la Confédération. C'est par exemple le cas lorsqu'il s'engage en faveur de la présence d'évangéliques à l'aumônerie militaire.
A quoi le RES sert-il ?
Depuis sa constitution en 2006, le RES n'a pas modifié ses buts. Héritier à la fois de l'ancienne Fédération romande d'Eglises et œuvres évangéliques et de l'Alliance évangélique romande, il regroupe des individus, des Eglises sans fédération ou seules en Suisse romande, ainsi que des Eglises affiliées par l'intermédiaire de leur propre fédération. Il est donc un lien fort entre évangéliques et réformés de sensibilité évangélique.
Les groupes de travail du RES, qui se sont multipliés ces dernières années, remplissent des tâches que les fédérations d'Eglises ne pourraient pas effectuer. Il porte une voix évangélique auprès des médias généralistes qui peinent à s'y retrouver parmi nos Eglises. Ainsi, ses communiqués sont de plus en plus repris. On remarque aussi que le nombre de citations du RES par les médias profanes a été multipliée par onze depuis 2007.
Mais il reste du travail dans le domaine de la communication, car la perception des évangéliques par les médias et la société ne correspond pas forcément à la réalité. Nous nous souvenons par exemple d'une certaine émission de la télévision qui prétendait que les pasteurs évangéliques étaient autoproclamés et sans formation théologique...
Le RES devient-il une sorte de super-fédération de fédérations d'Eglises ?
Le Réseau évangélique met en lien et représente, mais il ne remplace pas les fédérations d'Eglises. Il est une plate-forme d'échanges. Par exemple, il laisse aux fédérations, et plus précisément aux Eglises locales membres de ces fédérations, le rôle de proclamation de l'Evangile. Par contre, il peut aider les fédération à coordonner leurs efforts, notamment en qui concerne l'implantation de nouvelles Eglises.
De plus, le RES ne relie pas seulement des Eglises, mais aussi des œuvres. Il leur permet de dialoguer et de résoudre les conflits qui surgissent parfois.
Le canton de Genève compte désormais plus de 100 Eglises évangéliques dont beaucoup sont constituées de chrétiens d'origine étrangère. Quelle est l'évolution du mouvement évangélique en Suisse romande ?
Il y a 100 ans, les évangéliques se trouvaient presque tous dans l'hémisphère Nord. Maintenant, c'est le contraire, ils se trouvent en majorité dans le Sud. Mais les migrations font que, en Suisse, les évangéliques sont de plus en plus multicolores, que se soit par la couleur de leur peau ou par leurs approches théologiques. C'est pourquoi le Groupe de travail concernant les questions interculturelles du RES prend tout son sens.
Les Eglises de migrants – qui préfèrent être appelées « Eglises internationales » – sont plus nombreuses que les communautés indigènes dans certaines villes. Le RES les aident à s'intégrer dans notre société et il aide particulièrement les chrétiens de deuxième génération de migrants. Ceux-ci vivent généralement des crises identitaires.
L'arrivée de chrétiens du Moyen-Orient est également source de remise en question chez nous. En effet, ceux-ci ne sont pas très sensibles à nos frontières entre catholiques, réformés et évangéliques. Ils ont une conception orientale de la foi qui leur permet de voyager d'une confession à l'autre sans problèmes. On pourrait dire qu'ils nous aident à réfléchir en termes de « vision du Royaume », plutôt qu'en termes de « confessions ».
Ainsi, la situation actuelle va nous obliger à nous recentrer sur notre patrimoine évangélique commun : la Parole de Dieu. Et là, nous avons un défi important à relever, notamment auprès des plus jeunes. Un autre défi nous attend : nous n'allons plus pouvoir nous permettre d'être trop dispersés si nous voulons espérer être compréhensibles dans notre société.
Propos recueillis par Claude-Alain Baehler.
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