Et si votre Eglise était« mosaïque »

vendredi 09 avril 2021

Dans un livre intitulé « Mission Mosaikkirche » (« Mission Eglises mosaïques »), le pasteur Stephen Beck relate ses expériences dans des Eglises bien implantées dans leur culture, mais largement ouvertes aux migrants et aux étrangers, ainsi qu’à leurs cultures respectives. Un enrichissement pour nos Eglises !

 

« Les Eglises deviennent des ateliers dynamiques de l'Esprit de Dieu, lorsqu'elles peuvent s'ouvrir aux migrants. Partout, en Allemagne, les conversions de personnes de cultures très différentes renouvellent nos Eglises. » Dans son ouvrage intitulé « Mission Mosaikkirche » (« Mission Eglises mosaïques »), le pasteur, implanteur d’Eglises et professeur de théologie pratique Stephen Beck a publié un témoignage interpelant à propos d’Eglises qui s’ouvrent radicalement aux migrants et aux réfugiés.

« Les migrants font peur, même aux Eglises, souligne Stephen Beck. Pourtant, Dieu aime ce qui est étranger et ce qui nous semble étrange ! Du reste, en Jésus-Christ, il est venu dans notre monde comme un étranger. Et maintenant, grâce au salut qu'il propose, nous avons la possibilité de conduire à lui des personnes étrangères aux choses d’en-haut. » L’auteur développe une approche pratique du sujet. Il donne de nombreux témoignages de l’action de Dieu. C’est ainsi qu’il partage son expérience et donne des clés permettant de vivre la multiculturalité en Eglise.

Des témoignages

Dans une Eglise où il était pasteur, Stephen Beck a été surpris de voir affluer des réfugiés venus de Syrie, d’Afghanistan, du continent africain et d’ailleurs. Ceux-ci avaient souvent été touchées par un témoignage chrétien au cours de leur périple. Ils venaient donc tout naturellement sonner aux portes des églises, désireux d’en savoir plus à propos de la foi chrétienne. Mais les Eglises européennes étaient-elles équipées pour accueillir des personnes de cultures si différentes ? Ou ne faillait-il pas encourager ces migrants à fonder des Eglises afghanes, érythréennes et autres ?

Stephen Beck montre que Dieu est un Créateur créatif. Il raconte une dizaine de démarrages d’Eglises qui sont autant de récits encourageants, capables de stimuler notre propre créativité.

Par exemple, en novembre 2015, à Francfort, une pasteure nommée Kathi se trouve dans un restaurant tenu par un iranien musulman. C’est le lieu de prière que ses amis ont choisi, afin de démarrer une nouvelle Eglise. Le restaurant est juste en face de l’appartement de Kathi. 

Au cours d’une discussion avec la pasteure, le propriétaire reconnaît que ses affaires vont plutôt mal. Kathi lui demande si elle peut demander à Dieu de le bénir en lui imposant les mains. Sitôt dit, sitôt fait ! A la rencontre de prière de la semaine suivante, le propriétaire lui dit son étonnement car, pour son restaurant, la semaine écoulée a été la meilleure des cinq dernières années. Kathi lui demande si elle peut à nouveau prier.

Huit jours plus tard, le propriétaire, étonné, explique à la pasteure que les affaires se sont encore améliorées. Il conclut : « Vous devez avoir une relation toute particulière avec Dieu. S’il vous plaît, continuez de prier pour mon restaurant. Vous pouvez toujours manger gratuitement ici. Et si votre équipe a besoin d’un endroit pour se réunir, ma salle est à votre disposition. Demandez, et je fermerai le restaurant. »

Lors d’une de ces rencontres de prière, un groupe d’Africains fait du bruit sur le trottoir. Kathi sort du restaurant et se présente : « Bonjour, je suis pasteur »

– C’est quoi, un pasteur ?

Et Kathi leur explique qu’elle souhaite connaître les gens du quartier, et que cette joyeuse équipe peut l’aider.

– Et si on se retrouvait ici, au même endroit, dans une semaine ?

Tout le monde est d’accord. La semaine suivante, il pleut des cordes. Impossible de rester sur le trottoir. Kathi invite tout le monde chez elle. Elle demande : « Nous les Allemands, que pouvons-nous faire pour vous » ? Une personne suggère de donner des cours d’allemand. Ce groupe d’apprenants grandit et, le dimanche de Pâques 2016, un premier culte est célébré. Il rassemble trente deux participants dont une moitié de musulmans… bien évidemment dans le restaurant iranien. C’est ainsi que la septième Eglise mosaïque de la région de Francfort est née !

Des Eglises « mono-multiculturelles » 

Comment les chrétiens peuvent-ils vivre, déjà aujourd’hui, quelques prémices du futur rassemblement des croyants de toutes langues et de toutes nations, louant Dieu sur son trône ? En développant des Eglises monoculturelles, mais capables d’accueillir la multiculturalité. En Allemagne, en Inde et aux Pays-Bas, des Eglises évangéliques regroupées dans un réseau appelé « Mission Eglises mosaïques » développent cet accueil de frères et de sœurs d’autres cultures.

Les Eglises mosaïques ne pratiquent ni l’assimilation, où l’autre doit être « comme nous », ni l’Eglise internationale, dans laquelle tout le monde tente de communiquer en anglais. Dans ces Eglises, la priorité est donnée à la culture locale, par exemple à la langue française dans une région francophone. C’est ce qui fait de ces Eglises des communautés monoculturelles. 

Mais, en même temps, les personnes venues d’ailleurs sont accueillies avec leurs langues, leurs styles vestimentaires, leurs hymnologies et leurs spécialités culinaires. N’importe quel participant au culte peut prendre la parole dans sa langue maternelle, par exemple pour donner un témoignage ou un message. La personne est traduite, phrase par phrase, en français. Quant aux personnes qui ne parlent ni la langue de l’orateur, ni le français, elles bénéficient d’une traduction simultanée grâce à des écouteurs. 

De telles communautés « multiculturelles » reconnaissent à chaque participant sa couleur. De même qu’une mosaïque est formée de pierres de couleurs variées, les Eglises « mosaïques » veillent à préserver les différences culturelles qui ne sont pas en contradiction avec la Bible. C’est à ce prix que la mosaïque est vraiment belle.

Les premiers pas

Nos Eglises ont de nombreuses possibilité d’aller à la rencontre des étrangers et des migrants. Si elles font le premier pas, elles seront bien accueillies. Les chrétiens d’ici seront invités. Ils devront ensuite accepter l’invitation, puis la rendre. Ou plutôt, ils devront être prêts à accueillir chez eux les visites non annoncées de migrants.

Il est facile de parler de notre foi et de Dieu avec des personnes qui ne font pas partie de la culture occidentale. Nous pouvons leur présenter ce que nous avons de plus précieux : l’Evangile. 

Des cours de langues destinés aux étrangers et aux migrants sont autant d’occasions de les rencontrer. Nous pouvons organiser des « fête de l’accueil » pour les nouveaux venus. Un café-bar peut être un lieu de rencontre. Et, bien entendu, des moments prévus pour étudier la bible seront les bienvenus.

Lors des cultes mono-multiculturels, il est nécessaire d’afficher les textes en diverses langues, de proposer quelques chants en provenance d’autres pays, de traduire tout ce qui se dit. Mais l’élément le plus important est l’accueil motivé par l’amour. 

Il serait également judicieux de connaître les gestes et les habitudes qui choquent les gens venus d’ailleurs. Par exemple, il peuvent être gênés lorsque nous posons notre Bible directement sur le sol. Ils peuvent aussi ne pas comprendre que nous gardions nos vêtements les plus beaux et les plus décents pour aller au travail, alors que eux les garderaient pour aller au culte. Mais le plus difficile, c’est la notion d’hospitalité : les migrants débarquent dans notre logement sans avoir été invités et ils attendent impatiemment, mais souvent vainement, que nous ne fassions de même avec eux.

Des peurs à dompter

Dans les Eglises, comme dans la société, il existe une peur des étrangers : peur que ceux-ci contribuent à faire baisser notre niveau de vie, à nous déposséder de notre identité culturelle. Mais cette peur est injustifiée. En effet, nous constatons que, durant ces cinquante dernières années, les changements éthiques les plus importants survenus dans notre société ne sont pas dus à l’influence des étrangers. 

Nous avons, entre autres, peur de l’islamisation de notre société. Mais cette crainte s’évapore à mesure que nous apprenons à développer des liens amicaux avec des musulmans. Et n’oublions pas que l’une de nos grandes peurs, aussi incroyable que cela puisse paraître, c’est celle de voir notre Eglise changer, ne plus être comme avant.

Joies et frustrations dans une communauté mono-multiculturelle

La vie d’une Eglise mono-multiculturelle comporte certains défis.

  • Par exemple, la gestion des mensonges peut être difficile. Dans certaines cultures, il n’est pas concevable de dire une vérité qui blesse ou déshonore son interlocuteur. De plus, tout au long de leur route jusque chez nous, nombre de migrants ont été exploités par des menteurs qui provenaient de notre culture. Alors, pourquoi nous feraient-ils confiance ? Mais l’Evangile peut restituer cette confiance, lentement, petit à petit.
  • Le rapport au temps peut aussi poser des problèmes. La ponctualité est un signe distinctif de notre société. Les migrant doivent s’assimiler s’ils veulent survivre dans notre culture. Cet apprentissage est à la fois long et difficile.
  • Beaucoup de migrants ont connu des parcours traumatisants. Cela peut les conduire à souffrir régulièrement de dépression et de découragement. Ils peuvent également se détourner de la foi.

Tout ces défis ne concernent bien entendu pas que les migrants. Mais lorsqu'une Eglise s’engage cœur et âme pour leur bien, les échecs, lorsqu’ils surviennent, peuvent être difficiles à vivre.

Veillons et aimons

Stephen Beck termine son livre avec une dizaine de très bons conseils. En voici quelques exemples.

  • Veillons sur notre cœur. Demandons-nous si nous nous engageons envers le prochain par amour pour lui et pour Jésus. Nous pourrions aussi être tentés de nous engager, afin d’avoir des histoires extraordinaires et valorisantes à raconter.
  • Apprenons à aimer des personnes que, spontanément, nous n’aimons pas trop. Il ne s’agit pas de ressentir des émotions chaleureuses envers ces personnes, mais de savoir les respecter, de ne pas les critiquer, d’être généreux et hospitalier envers elles. Plus que de bons sentiments, nous devons être capables de développer les bonnes attitudes qui permettront à des personnes de se tourner vers Jésus.
  • Devenons des amis du chaos. Dans notre société, nous aimons tout prévoir, programmer, minuter. Mais le chaos est le signe que Dieu est à l’œuvre.

 

Matthias Radloff
pasteur dans l’Eglise évangélique Mosaïque à Sion

 

Site de l'Eglise évangélique Mosaïque, Sion : www.sion-eglise-mosaique.ch

  • Encadré 1:

    Stephen Beck

    Stephen BeckStephen Beck, 65 ans, marié, père de quatre filles et de neuf petits-enfants, est pasteur dans une Eglise évangélique « Mosaïque » à Francfort et responsable du mouvement « Mission Mosaikfirche ». Il est professeur de théologie pratique dans la Freie Theologische Hochschule (Faculté libre de théologie évangélique), à Giessen, en Allemagne.

    Après avoir exercé un ministère d’implanteur d’Eglises aux Etats-Unis et au Canada, Stephen Beck s’est établi en 2005 près de Francfort-sur-le-Main. C’est là, dans une région qui a accueilli de nombreux migrants venus de l’Est, qu’il met ses étudiants au défi d’accueillir des gens venus d’ailleurs.

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