Victimes de harcèlement, ils ont trouvé la force de pardonner

Sandrine Roulet vendredi 28 avril 2023

En Suisse, le harcèlement scolaire touche entre cinq et dix pourcents des jeunes, et un sur seize serait victime d’un harcèlement sévère. Loin d’être anodin, le harcèlement entre élèves peut entraîner des conséquences à long terme (décrochage, phobie scolaire). Il est aussi associé à un risques accru de dépression, voire de suicides. Les jeunes chrétiens ne sont pas épargnés, comme le démontre le vécu bouleversant de Dylan et Brandon. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

Brandon et Dylan Wirth sont des jumeaux de 23 ans. Aujourd’hui, ils poursuivent les mêmes études pour devenir éducateurs sociaux. Cette vocation prend sa source dans leur propre parcours de vie et notamment dans le harcèlement qu’ils ont subi pendant dix ans : « On connaît ce qu’est la souffrance et c’est légitime de pleurer. Mais on peut choisir de se battre pour voir le verre à moitié plein, pour vivre quelque chose de meilleur. On aimerait accompagner des jeunes en souffrance pour qu’ils s’en sortent », confient les jeunes chrétiens.

Dès six ans, les deux frères ont été la cible d’un groupe de harceleurs, plus costauds qu’eux. Du vol de leur goûter dans la cour de récré à des gestes et mots d’intimidation, le harcèlement prend aussi la forme de moqueries et d’insultes, ainsi que de violence physique sur le chemin de l’école. « Un hiver, nos harceleurs nous attendaient dans la cour avec des boules de neige dure. Et comme on habitait dans le même village, ils nous attendaient parfois dans le sous-voie pour nous taper », racontent Brandon et Dylan, encore habités par ces souvenirs.

La direction de l’école tente bien de « casser » le groupe des harceleurs. Certains sont même renvoyés, mais d’autres élèves, pour être populaires, se liguent aux leaders du groupe et la dynamique reprend. « Nous n’avons pas été protégés par l’école. On demandait par exemple de rester en classe à la récréation, mais cela nous était refusé », déplorent les jumeaux. Quant à leurs camarades témoins de ces agressions, la peur les empêche d’intervenir.

Soutien familial

Lorsque leur sœur aînée fréquente le même établissement scolaire, Brandon et Dylan peuvent se réfugier auprès d’elle lors des pauses. Entrer dans le jeu de la violence et se battre avec leurs agresseurs n’est pour eux pas une option. « On avait peur d’eux, mais en tant que chrétiens, on savait aussi que Jésus nous appelle à la paix. Par ailleurs, on ne voulait pas leur donner une raison de nous frapper ».

A la maison, en proie au sentiment de honte, les jumeaux ne s’épanchent pas sur leur vécu de harcèlement. Mais par le biais de questions, leurs parents comprennent la gravité de la situation et font leur possible pour les soutenir. En 2009, alors que Brandon et Dylan sont en sixième année Harmos, leurs parents en arrivent à devoir écrire au président de la « commission scolaire » de leur commune pour dénoncer ce que subissent leurs fils.

La foi en Dieu, à la fois ciblée et renforcée

Face à cette méchanceté gratuite, le besoin de trouver une explication est légitime. Brandon et Dylan soupçonnent que ce qui dérangeait leurs harceleurs, c’est le lien fort qui existe entre eux et la différence que constitue leur gémellité. Mais ils pensent aussi avoir été ciblés car tout le monde savait que leur père était pasteur. « Parfois, nos harceleurs critiquaient Jésus de manière vulgaire », relatent-ils.

Mais cette même foi chrétienne qui leur était reprochée a été le fondement solide auquel ils se sont accrochés. Ils partagent : « En dix ans, on est passé par tous les états d’âme, de la peur à la colère et à l’incompréhension vis-à-vis de Dieu. Mais on n’a jamais lâché la foi. Plus les années passaient, plus on trouvait de la force en Dieu et on devenait résilients ». Ce vécu douloureux les a fait mûrir plus vite et saisir la puissance du pacifisme enseigné par Jésus. Lorsque la violence s’est encore accentuée au secondaire, qu’ils ont reçu des coups ou ont été jeté dans les buissons, Dylan et Brandon ont été capables de prier : « Seigneur, aide-nous à voir nos harceleurs comme tu les vois et à les aimer comme tu les aimes ».

Un chemin vers le pardon

Ce n’est que deux ans après la fin du collège, lorsqu’ils seront tous invités à la fête du village pour leur majorité, que les bourreaux changeront d’attitude : « Ils nous ont invités à boire un verre avec eux. Ils avaient mûri et se rendait compte du mal qu’ils avaient fait », observent les deux frères. Ajoutant qu’à ce moment-là, eux-mêmes n’avaient pas terminé leur chemin de pardon. « Mais aujourd’hui, cinq ans plus tard, on leur dirait qu’on leur a pardonné. Toutefois, nous travaillons encore sur les conséquences de notre vécu : la peur du jugement, le manque de confiance en nous et l’angoisse à l’idée d’emmener un jour notre propre enfant à l’école ».

Aux jeunes qui subissent du harcèlement, Brandon et Dylan laissent ce message fondamental : il faut en parler et se battre pour faire entendre votre voix. Trouvez votre valeur en Dieu et refusez que le harcèlement ne l’entache. Ne laissez pas les harceleurs définir qui vous êtes, mais battez-vous pour refléter l’image de Jésus dans votre vie.

  • Encadré 1:

    L’avis d’une éducatrice spécialisée

    Nous avons posé trois questions à Stéphanie Zwick, éducatrice spécialisée, active dans la prévention du harcèlement-intimidation entre élèves.

    Lorsque l'enfant ou l'adolescent ne parle pas du harcèlement subi, quels signes peuvent alerter ?

    Stéphanie Zwick – Un des premiers signes de harcèlement peut être le changement d’humeur. Un enfant ou un ado qui devient soudainement silencieux, passif, triste, qui s’isole dans sa chambre, ou qui devient agressif, nerveux. Il y a aussi le mal de ventre avant d’aller à l’école ou toute autre douleur qui le ferait rester à la maison. On peut aussi remarquer des vêtements déchirés ou salis, des objets qui ont disparus.

    De quoi l'enfant victime de harcèlement a-t-il besoin dans cette situation ? Faut-il lui conseiller de se défendre ?

    Stéphanie Zwick – Cela dépend beaucoup du contexte. Le harcèlement-intimidation se définit par trois critères : la violence subie, la répétition des agressions et le déséquilibre des forces entre les protagonistes (seul face à un élève plus fort ou à plusieurs élèves). Si ces trois critères entrent en jeu, il est déconseillé de dire de se défendre, parce que l’enfant ou l’ado est face à plus fort que lui. Il faut plutôt lui assurer que l’on prend au sérieux ce qui lui arrive, que ce qu’il subit n’est pas en ordre et que les adultes prennent les chose en main.

    A quel moment faut-il avertir l'école ? Et à qui s'adresser ?

    Stéphanie Zwick – La plupart du temps, le harcèlement-intimidation entre élèves se développe dans le cadre scolaire en premier lieu. Il est donc adéquat d’avertir l’école dès qu’un cas est dévoilé. Le mieux est d’en parler à l’enseignant principal, puis, si rien de bouge, au psychologue scolaire ou à la direction. La suite dépend beaucoup de la politique et de l’expérience de l’école.

    Il existe malheureusement des écoles où le harcèlement-intimidation n’est pas bien géré. C’est pourquoi les parents sont encouragés à rester sur le qui-vive et à chercher du soutien de leur côté (thérapie pour leur enfant). Il arrive qu’il faille changer d’école pour le mieux-être de l’enfant, en cas d’échec de prise en charge de l’école.

    Ce qui est essentiel, c’est que l’enfant sache qu’il n’est pas seul, qu’il existe des adultes fiables sur lesquels il peut compter. Chacun de nous, adulte, est appelé à l’être.

    (Propos recueillis par SR)

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