Flavie Bettex est acquittée de son "délit de solidarité" ! Réaction de la jeune Vaudoise après le verdict

Flavie Bettex avec son avocat, Maître Olivier Bigler
Flavie Bettex avec son avocat, Maître Olivier Bigler
mardi 18 septembre 2018

Mardi 18 septembre, Flavie Bettex, 27 ans, comparassait au tribunal d’arrondissement de Lausanne suite à sa condamnation pour avoir hébergé un requérant d’asile iranien débouté. Malgré la décision d’acquittement du juge et le remboursement des frais de justice de la jeune femme, il est encore possible que le ministère public fasse recours. Interview de Flavie Bettex et tour d'horizon de la couverture médias de son acquittement.

Comment vous sentez vous après ce jugement ?

Je suis très heureuse et soulagée. J’espère que cette affaire va provoquer du remous et un débat afin que des gens se mobilisent. Et que ceux qui vivent des situations comme la mienne ne restent pas silencieux. La majorité des gens qui reçoivent une amende la paient la plupart du temps sans faire recours. Ils sont également dissuadés de recommencer à aider les migrants. Et c’est exactement ce que veut obtenir cette loi : l’indifférence aux besoins et à la souffrance des autres. Les étrangers sans permis sont déshumanisés à tel point qu’on ne considère plus leurs besoins vitaux : avoir un toit, de la nourriture et de l’amour. C’est dramatique et il faut changer cette loi (art. 116 (1a) de la loi fédérale sur les étrangers).

Lors de l’audience, on vous a décrit comme une personne passionnée. Qu’est-ce qui vous passionne ?

Je suis passionnée par Dieu, par la justice, par l’amour et la vie de Jésus. Je suis aussi passionnée par les différences culturelles, par la famille, par la joie, par la fête…

Vous allez partir pendant 6 mois en Roumanie dans le cadre d’une école de disciples de Jeunesse en Mission. Quelle est l’orientation de cette école de disciples ?

C’est une toute petite école de disciples et il n’y a pas d’orientation particulière, excepté l’étude de la Bible dans une première phase et le service dans la seconde. C’est une école suffisamment petite pour laisser les dons des étudiants s’exprimer. Cette école permet aussi aux gens de discerner leur propre potentiel, leur identité et ce qu’ils peuvent apporter aux autres. Ce qui me plaît dans cette école, c’est que les deux phases, théorique et pratique, se déroulent dans un pays que j’aime beaucoup : la Roumanie.

À Lausanne, nous côtoyons beaucoup de Roms. Avez-vous déjà pensé avoir une implication pratique auprès de ces gens ?

Oui ! Et d’ailleurs, j’ai commencé à apprendre le roumain auprès des Roms. Je réalise que cela les touche beaucoup que je puisse m’intéresser à eux et à leur langue. Ils se sentent valorisés au travers de ça. J’aime le fait de pouvoir casser ce genre de barrière. A mon retour en Suisse, j’espère mieux maîtriser cette langue et m’impliquer plus pour soutenir ces gens.

Vous avez une implication dans une Église adventiste, vous partez avec Jeunesse en mission en Roumanie et vous êtes comme chez vous dans les locaux de l’Armée du Salut. Avez-vous l’impression d’incarner un engagement chrétien œcuménique ?

J’ai passé une partie de mon enfance dans l’Église réformée. Par la suite, j’ai accompagné mes parents dans une Église évangélique. À partir de là, j’ai eu l’occasion de visiter différentes Églises. J’en suis venue à la conclusion qu’aucune Église ne détient à elle seule la Vérité, et que Dieu dépasse tout cela. Je crois au Dieu révélé dans la Bible. Je crois au Père de Jésus qui nous a offert ce qu’il y a de plus précieux au monde afin de sauver les humains pécheurs. Et donc, je n’arrive pas à me ranger derrière une étiquette de dénomination qu’elle soit adventiste ou évangélique. Je me revendique tout simplement chrétienne, fille de Dieu. Je cherche à faire la volonté de Dieu.

Êtes-vous également impliquée dans les engagements de l’Armée du Salut auprès des personnes déboutées, réfugiées ou de la population Roms ?

À l’Armée du Salut, je suis responsable d’un groupe de prière et d’étude de la Bible. J’aime cet engagement, parce que ce groupe voit passer toutes sortes de personnes aux origines diverses et variées. Tout le monde y est accueilli quelle que soit la situation qu’il ou elle traverse.

Est-ce dans le contexte de ce groupe de l’Armée du Salut que vous avez fait la connaissance de l’ami Iranien auquel on vous reproche d’avoir porté secours ?

C’est exact ! Comme il s’agit d’un lieu ouvert à tous, chacun est libre d’inviter un ami à l’accompagner même si la personne n’est pas de confession chrétienne. Nous prenons un temps autour d’un texte de la Bible avant d’en discuter. Nous proposons souvent des temps de prière où chacun est libre d’apporter un sujet de préoccupation. C’est toujours l’occasion de vivre des temps intenses avec de profondes discussions selon le vécu des gens.

Quel est le dernier texte de la Bible que vous avez étudié dans ce groupe ?

Un des derniers qui m’a marqué c’est : « Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ! Je le répète : réjouissez-vous! » dans l’épître de Paul aux Philippiens (4.4). Ce texte m’a beaucoup soutenu dans ce que je viens de vivre. Il m’a aidé à ne pas me focaliser sur mes problèmes et à me réjouir de ce que représente Dieu à mes yeux. Pour moi, Dieu reste à la première place et j’ai confiance qu’il répond au-delà de mes espérances à mes attentes.

Dans quel état d’esprit êtes-vous après cet acquittement ?

Je suis reconnaissante envers Dieu. Je suis reconnaissante envers toutes les personnes qui ont assisté à cette audience. C’est vrai que c’est une victoire. Mais cela ne doit pas s’arrêter ici. Il y a encore des combats à mener pour aider ces personnes qui vivent dans la rue et qu’aucune loi ne défend. La loi doit changer. Ce n’est pas normal d’être accusé d’avoir secouru des gens en détresse. Les sans papiers sont des êtres humains qui méritent mieux que ça !

Propos recueillis par Sélina Imhoff et Serge Carrel

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