La prise de position de Tristan Gratier :
En EMS, l’aide au suicide n’est pas un tabou
L’assistance au suicide en EMS est une question éthique abordée par les milieux professionnels depuis fort longtemps, bien avant d’ailleurs que l’initiative d’Exit ne soit lancée. En 2002, l’Ordre professionnel de l’Association vaudoise d’établissements médico-sociaux (AVDEMS) avait ainsi publié des recommandations rappelant clairement le principe du droit à l’autodétermination des personnes résidant en EMS, ce qui implique aussi la liberté, évidemment extrême, de mettre fin à sa vie.
Plus récemment, la position de l’AVDEMS s’est encore précisée. Si un EMS ne souhaite pas qu’une assistance au suicide se déroule dans ses murs pour des motifs pratiques (par exemple par égard pour l’autre résident d’une chambre à deux lits) ou religieux, cet établissement doit aider à trouver une solution pour l’organiser ailleurs dans des conditions dignes, notamment chez un proche ou dans un autre EMS.
Un EMS doit aussi indiquer au futur résident lors de l’admission s’il est défavorable à l’assistance au suicide, par exemple pour des raisons religieuses. Le cas souvent cité de l’assistance au suicide organisée dans un camping-car en 2001 ne pourrait donc vraisemblablement pas se reproduire en 2012, à supposer qu’une autre issue n’eût pas déjà pu être trouvée à l’époque.
Dans ce débat, il faut aussi rappeler la portée quantitative d’une loi (initiative ou contre-projet) rendant obligatoire l’assistance au suicide en EMS, Aujourd’hui, dans le canton de Vaud, on peut estimer entre 5% et 10% la part des EMS opposés au principe de l’assistance au suicide, pour des raisons essentiellement religieuses. Par ailleurs, ce sont environ deux résidents sur mille qui sont décédés en 2011 en faisant appel à Exit (sept cas annoncés).
Enfin, il faut souligner que seuls les résidents dotés de leur capacité de discernement disposent de cette possibilité, puisqu’Exit s’interdit déjà de pratiquer une assistance au suicide sur une personne ne jouissant pas de toutes ses facultés mentales, par exemple un résident atteint de la maladie d’Alzheimer. Or environ la moitié des résidents d’EMS souffrent aujourd’hui de pathologies d’ordre psychiatrique et ne peuvent en aucun cas « bénéficier » d’une assistance au suicide.
L’assemblée générale de l’AVDEMS prendra position officiellement en avril sur l’initiative Exit et sur le contre-projet du Conseil d’Etat adopté par le Grand Conseil. D’ici là, il convient de dire que, même si les deux projets devaient être refusés par le peuple vaudois, cela ne constituerait nullement la fin de l’assistance au suicide dans les EMS vaudois. Mais que, face à un acte définitif loin d’être anodin pour l’entourage et l’institution (professionnels et autres résidents), la recherche de solutions au cas par cas resterait privilégiée par rapport à l’automatisme d’une obligation légale.
Tristan Gratier, secrétaire général de l’AVDEMS
(Reproduit avec l’autorisation de l’auteur)
Derniers articles de La FREE