"Les offres de Dieu" : une présentation et une critique de Bernard Bally

vendredi 12 octobre 2012

Bernard Bally préside l’Association des conseillers chrétiens (ACC) de Suisse romande. Ce membre de l’Eglise évangélique de Meyrin (FREE) a accepté de présenter Les offres de Dieu de Manfred Engeli.

« Tout est accompli ». C’est par ces paroles de Jésus sur la Croix que pourrait se résumer le nouvel ouvrage de Manfred Engeli, psychologue et psychothérapeute. Les offres de Dieu est le fruit de sa pratique de psychothérapeute chrétien et de son expérience de formateur pendant plus de 20 ans.

Laisser toute la place à Dieu
La particularité de cette démarche, c’est le renoncement absolu de son auteur à toutes ses connaissances et compétences acquises, pour laisser toute la place à Dieu, le Créateur de l’être humain, le « meilleur spécialiste en psychologie ». Son approche consiste à se laisser conduire par l’Esprit, à partir des données bibliques, vers la Nouvelle Création, l’Homme nouveau en Jésus-Christ. Cette relation d’aide est qualifiée de « finale », soit dirigée vers l’avant, orientée vers une fin, selon la manière d’agir et de penser « finale » de Dieu. Manfred Engeli nous livre un manuel de 300 pages assez complet, développant ce qu’il appelle la « thérapie de Dieu », destinée aux accompagnants en formation. A son avis, « les connaissances psychologiques et thérapeutiques ne sont pas indispensables pour pratiquer la relation d’aide finale. Plus nous en possédons, plus elles nous mettent en danger de nous détacher de Dieu et d’abandonner notre dépendance et notre place de collaborateurs. » Manfred Engeli ajoute cependant : « Certaines de mes connaissances – en particulier celles concernant les symptômes des désordres psychiques – m’ont préservé d’erreurs dans certaines situations, du désespoir ou de fausses conclusions. Elles m’ont permis d’arriver à bien comprendre le vécu de la personne et à continuer de travailler ce que Dieu m’avait donné à faire. »

Jésus comme modèle du thérapeute
Dans cette approche finale, Dieu porte la responsabilité principale. Jésus, par son don de soi et sa soumission, lui a donné la place prééminente dans tout ce qu'il a fait. « Le Fils ne peut rien faire de lui-même, mais seulement ce qu’il voit faire au Père » (Jn 5,19). Jésus a été soumis au Père par un don de soi complet. Il en sera de même pour les accompagnants que Dieu appelle à collaborer avec lui. La démarche implique de travailler dans le plan de Dieu, en étant collaborateurs avec Dieu (et non pour Dieu, selon nos idées et nos propres moyens), à son écoute constante, comme un sacrifice vivant (Rm 12,1). Jésus est le modèle. Dialoguer avec lui est la clé de cette approche.

Développer les offres de Dieu
Les offres de Dieu, selon le titre de l’ouvrage, sont multiples, tout entières contenues dans le salut et la guérison. A partir de son expérience, Manfred Engeli dresse une liste non exhaustive de ces offres en lien avec des passages bibliques. Elles nous engagent à collaborer au processus de changement progressif que le Nouveau Testament appelle la sanctification. Plusieurs de ces offres sont décrites : le pardon, la libération d’un héritage familial, les inquiétudes, etc. Dieu le Créateur est d’une créativité sans limites. Il a des solutions pour chacun, selon les œuvres qu’il a préparées d’avance (Ep 2,10). Mais les chemins de Dieu sont souvent à l’opposé de nos théories et de nos solutions humaines. Les bons conseils religieux sont souvent à côté de la réalité (cf. les amis de Job). Les disciples de Jésus lui demandent : « Qui a péché… pour qu’il soit né aveugle ? » (Jn 9, 2-4). Comme eux, nous avons une logique causale : pourquoi ? Qui ? Dieu a une logique finale : « afin que les œuvres de Dieu soient manifestées en lui ». Faut-il par là comprendre qu’on ne doit plus s’occuper du passé ? « L’être humain est un être historique. Son passé fait partie de sa personne et il doit être libéré de ce qu’il a vécu de négatif. » Selon Manfred Engeli, Dieu nous attire vers son but final en prenant soin des conséquences du passé. Jésus a pris toutes nos souffrances à la Croix. Tout ce qui est nécessaire à la guérison de notre passé a donc été accompli. Dieu nous offre de nous plonger dans « le bain de la nouvelle naissance et le renouvellement du Saint-Esprit » (Tt 3,5).

La prière, l’instrument le plus important
On le devine, cette approche radicale est assez exigeante pour l’accompagnant, sur le plan de sa vie spirituelle, toute centrée sur Dieu. Elle implique un entraînement quotidien à cultiver le dialogue intérieur avec Dieu, une vie sous la conduite de l’Esprit et l’accueil des offres de Dieu. Elle réclame également une disponibilité de la personne aidée à se laisser conduire par Dieu et par son Esprit, et éclairer par sa Parole. L’intégration de la foi fait de la prière « l’instrument » le plus important, une compétence de base avant, pendant et après les entretiens. La prière d’écoute est l’ouverture la plus puissante à l’action de Dieu, le moment où Dieu peut parler et intervenir de manière directe.

Une démarche ancrée dans le vécu de l’auteur
Cette approche de la relation d’aide finale est fondée sur l’expérience spirituelle que Manfred Engeli a vécue au début de son activité professionnelle, passant par une transformation profonde et libératrice de lui-même. L'action de Dieu qui nous transforme atteint les attitudes profondes, la racine du problème au niveau des dispositions de notre cœur, le centre de notre personne. Notre comportement tout entier en dépend. Cette transformation est l’affaire de Dieu au travers de ses offres.
Bernard Bally, président de l’Association des conseillers chrétiens (ACC) de Suisse romande

Manfred Engeli, Les offres de Dieu. Une relation d'aide dans une perspective finale, St-Prex, Je Sème, 304 p. Prix: 30.- + frais de port. A commander au secrétariat de la FREE: dossiers.vivre@lafree.ch.

Des contributions écrites et TV autour de ce livre.

  • Encadré 1:

    Pour Bernard Bally: « La relation d’aide finale relève de l’accompagnement spirituel plus que de la relation d’aide ! »

    Bernard Bally préside l’Association des conseillers chrétiens de Suisse romande (ACC). Il exprime ici son appréciation du dernier livre de Manfred Engeli.


    Bernard Bally, comment appréhendez-vous la démarche de Manfred Engeli, ce qu’il appelle « la relation d’aide finale » ?

    L’Association des conseillers chrétiens de Suisse romande (ACC), affiliée à ACC Europe, a mis en place dès 1998 des exigences de formation et de pratique supervisée pour les conseillers en relation d’aide. Celles-ci impliquent des connaissances en psychologie et psychopathologie, afin de mieux comprendre l’être humain et ses divers problèmes, ainsi que les limites du champ d’action des conseillers, autant dans l’Eglise que dans la société. Il nous semble donc que la relation d’aide finale de Manfred Engeli relève davantage de l’accompagnement spirituel, dans les limites définies par son auteur.

    Même s’il est docteur en psychologie, Manfred Engeli pense que les accompagnants en relation d’aide finale n’ont pas nécessairement besoin d’une formation en psychologie. Comment réagissez-vous à cela ?
    Si la société a perdu ses repères spirituels, il faut constater que beaucoup de chrétiens ont perdu leurs repères humains. Qu’est-ce que l’homme ? Dans le domaine de la relation d’aide, il y a une certaine indigence dans cette connaissance. Calvin écrivait : « Sans connaissance de soi, il n’y a pas de vraie connaissance de Dieu, et sans connaissance de Dieu, il n’y a pas de vraie connaissance de soi. » Dans une Charte commune, l'ACC Suisse romande et Klemata (une association qui regroupe des équipes et des lieux de relation d’aide en Suisse romande) ont défini en 2009 la place de la psychologie, en tant que compréhension de l’être humain et de ses mécanismes de fonctionnement, et l’ont considérée comme un apport nécessaire à l’approche spirituelle de l’homme.

    Vous-même, une formation en psychologie vous paraît-elle requise pour faire de la relation d’aide ?
    Les connaissances en psychologie et la formation clinique supervisée ne sont pas des domaines facultatifs pour les conseillers qui se forment en relation d’aide, selon l’ACC. Pourquoi faudrait-il craindre qu’ils soient incapables de dépendre de Dieu ? Un psychiatre chrétien de Suisse romande a averti du danger de croire que toute connaissance humaine est inutile ou nuisible. Le serviteur de Dieu qui pratique la prière d'écoute sans discernement, croit qu'il ne peut dire que des choses vraies ou qui vont le devenir. Le risque pour certains de ceux qui refusent de se former est de commettre des abus de pouvoir, voire des abus spirituels.

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