« La Révolution des volontaires », une pierre de Bill Hybels à la construction de communautés vivantes aujourd’hui

jeudi 17 août 2006

Visiter l’Eglise de Willow Creek dans la banlieue de Chicago, c’est entrer en relation avec un monde fourmillant de bénévoles. Au niveau de l’hébergement, au niveau des personnes qui s’occupent de l’entretien des bâtiments, de la vidéo ou des enregistrements de culte. Au niveau de la librairie, comme au niveau des personnes impliquées dans un service à la communauté noire ou aux mères célibataires. Dans son livre « La Révolution des volontaires », Bill Hybels livre quelques secrets de la mise en route de ces « héros de l’Eglise locale », comme il les appelle. Un propos à découvrir, parce que truffé de stimulations pour notre vécu d’Eglise en Suisse.

Le petit livre de Bill Hybels, « La révolution des volontaires. Libérer la puissance de chacun » marque une étape dans la réflexion autour de la construction de communautés chrétiennes vivantes aujourd’hui. Il valorise très fortement le ministère de chaque membre de l’Eglise locale.
Le fondateur de la « méga-Eglise » Willow Creek, dans la lointaine banlieue ouest de Chicago, met à la sauce contemporaine un thème classique de la théologie protestante : le sacerdoce universel des croyants. En français courant, selon la formule du réformateur Martin Luther : tout chrétien a été fait prêtre, évêque... et même pape!
La relecture de ce thème par Bill Hybels s’enracine dans une valorisation très forte de la notion de prêtre. Pour lui, dans les Eglises chrétiennes aujourd’hui, il y a 2 perceptions de la prêtrise. La première reprend la perspective de l’Ancien Testament. Le prêtre s’appelle pasteur. Il cumule les fonctions dans la communauté locale, au point parfois de devenir quasi l’incontournable médiateur entre Dieu et les fidèles. Le Nouveau Testament présente une autre perception de la prêtrise. Depuis la Pentecôte, tous les chrétiens sont prêtres, suite au don de l’Esprit. Le rôle du pasteur n’est donc pas celui de médiateur et de plaque tournante de la communauté locale. « Au lieu du système du temple de l’Ancien Testament, explique Bill Hybels, nous avons des communautés pleines de prêtres avec quelques enseignants, responsables et pasteurs – eux-mêmes prêtres – qui sont appelés à équiper les prêtres en vue de leur ministère » (p. 61).
A partir de cette affirmation centrale, le propos de Bill Hybels nous paraît intéressant et stimulant dans 4 directions :

1. Après le « test charismatique », le service
« La révolution des volontaires » marque une étape dans la recherche de la mise en valeur des ressources humaines dans une communauté locale. Bill Hybels relie son évolution personnelle à l’histoire de son Eglise. Groupe de jeunes à ses débuts, cette communauté naissante valorisait l’engagement bénévole de chacun. Un engagement qui demandait énormément de sacrifices de la part d’étudiants sans véritable assise financière. Cette « gestion des ressources humaines » à la dure a laissé plusieurs personnes sur le carreau. Epuisées par ce que demandait le groupe pour la mise en place du programme communautaire. Willow Creek a dû alors recadrer sa vision du volontariat.
Voilà une quinzaine d’années, Bill Hybels valorisait beaucoup la recherche des « dons charismatiques » des membres de son Eglise. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, même si la recherche des dons spécifiques à chacun demeure importante. Cette démarche a buté sur 2 problèmes : avant de s’engager, les chrétiens attendaient un accord parfait entre le résultat du discernement des dons et la possibilité de service. Vu que cet accord n’intervient pas toujours, de nombreuses personnes restaient dans l’attente de trouver cette convergence. Secundo, le passage par le « test charismatique » n’assure pas le chrétien de découvrir effectivement ses dons. Pour beaucoup de gens fraîchement arrivés à la foi, ce test pose plus de questions qu’il n’en résout. Aujourd’hui le fondateur de Willow Creek recommande : « De tout votre coeur, saisissez votre identité fondamentale en tant que serviteur ou servante de Jésus-Christ. Utilisez la compréhension que vous avez de votre personnalité, de vos passions, de vos domaines d’intérêt, de vos talents et de vos préférences, pour vous guider dans la direction générale du service. Considérez ensuite les besoins de votre Eglise ou de votre environnement. Alors allez-y avec un coeur bien disposé et un esprit ouvert. Munissez-vous du linge de serviteur (Jn 13) et soyez actif » (p. 71).
Willow Creek ne part donc plus d’abord des individus et de leur potentiel « spirituel », mais plutôt d’un accent fort mis sur le service et sur les besoins de la communauté. Cette Eglise a développé le concept de « Premier service » (« First Service »), une offre qui permet à chaque personne de s’essayer dans une sphère d’activités de l’Eglise. Sans engagement, selon la formule : « Viens une fois et vois si cela te convient! »

2. Développer une culture du volontariat dans l’Eglise
Dans une société américaine très marquée par le fait que l’accomplissement de ses désirs et la poursuite du plaisir mènent au bonheur, Bill Hybels affirme que le service est le chemin vers une vie « riche ». Au nombre des conditions pour être membre de Willow Creek figure le fait que chaque membre doive mettre à disposition de cette Eglise une journée de service par mois. Un gros effort de communication est donc entrepris pour faire connaître aux membres les besoins en volontaires ( http://www.willowcreek.org/serving.asp ). Cela n’empêche pas des responsables de secteur d’activités d’interpeller individuellement des personnes pour un engagement concret.
Pour Bill Hybels, cette dynamique de service entraîne de nombreux avantages pour le volontaire : il est au bénéfice d’un processus de guérison des relations ; il a la possibilité de donner en retour, en guise de reconnaissance pour ce qu’il a reçu ; il a la chance de voir Dieu à l’oeuvre ; il acquiert de nouvelles perspectives par rapport à sa propre vie...
Pour que ce volontariat s’épanouisse dans une Eglise et qu’il tienne dans la durée, il importe de prendre soin des volontaires. Chaque personne qui s’engage dans un «premier service» est invitée à évaluer ce qu’elle a vécu en se demandant si le travail accompli a fait sens pour elle, si son énergie émotionnelle était plus élevée avant ou après son engagement, si elle a eu du plaisir à s’engager au sein de l’équipe dans laquelle elle se trouvait, enfin si son engagement s’insère bien dans son emploi du temps. Du côté des responsables de l’Eglise, un poids certain doit être conféré à l’accompagnement des volontaires. Les responsables doivent notamment être conscients qu’un nouveau volontaire est fragile dans son engagement, que la plus sure manière de décourager un volontaire, c’est de lui faire perdre son temps, qu’il est important de montrer que ce que fait un volontaire n’est pas vain, mais renferme un sens dans la mission de l’Eglise.
Le livre de Bill Hybels renferme de nombreux témoignages de volontaires. Le plus touchant peut-être, c’est celui d’un membre de l’équipe d’entretien des immenses pelouses qui entourent le bâtiment de Willow Creek. Cet homme raconte que ce n’est pas le fait de tondre la pelouse qui le pousse à continuer cet engagement, mais la dynamique de groupe au sein de cette équipe. La pause à 10h et le repas de midi sont devenus des temps forts de communion fraternelle. Une dimension qui contribue à inscrire dans la durée un engagement régulier qui pourrait paraître peu stimulant au premier abord.

3. Réhabiliter la communauté locale comme acteur social
Ce qui frappe dans cette réflexion sur le travail volontaire opérée par Bill Hybels, c’est le fait que les volontaires ne sont pas simplement là pour faire tourner la « boutique » de l’Eglise locale. Avec une équipe entretien, une équipe louange, une équipe finances... autant d’activités qui restent confinées à l’intérieur de la communauté. Willow Creek a développé de nombreux services sur l’extérieur : un service style «Cartons du coeur» pour les personnes en difficultés financières dans leur région, un ministère d’entretien de voitures pour les mères célibataires notamment, un ministère de lutte contre la discrimination raciale et qui vient en aide aux Eglises noires de la ville de Chicago... Autant d’activités qui permettent aux membres de Willow Creek de développer un engagement concret au service du Christ, un vécu relationnel fort ainsi qu’un impact important en dehors de la communauté. Sans «faire» de l’évangélisation à proprement dit, cette communauté crée une dynamique de croissance et d’annonce de l’Evangile par les actions concrètes qu’elle pose.
L’Eglise locale ne se trouve plus cantonnée à la seule sphère privée ainsi qu’au domaine spirituel. Elle propose une foi chrétienne qui touche toutes les dimensions de la vie, même les plus concrètes.

4. Développer une spiritualité du service et des bonnes actions
« Un service dynamique est la conséquence d’une expérience durable et quotidienne de la présence et de l’amour de Dieu » (p. 132). Bill Hybels ne se fait pas d’illusions. Une Eglise inscrite dans une dynamique de service durable, a besoin d’être encouragée. L’enracinement personnel dans la dimension de service qui prévaut dans la vie du Christ est fondamental. Un accent fort à partir de certaines épîtres du Nouveau Testament sur l’importance de faire du bien, de poser dans notre monde de bonnes actions, également. Parce que comme le dit très bien Bill Hybels : « Toute révolution demande aux révolutionnaires d’être des gens très « armés » spirituellement, des gens qui rêvent d’un jour où les choses seront différentes. Toutefois les révolutionnaires font plus que rêver. Ils donnent ce qu’ils ont de mieux à la cause. Ils servent sans se lasser l’effort collectif » (p. 139).

***

« Le Révolution des volontaires » de Bill Hybels est un livre plein d’idées stimulantes pour tous ceux qui souhaitent, en Suisse romande, développer le dynamisme de nos Eglises.

Serge Carrel

Bill Hybels, The Volunteer Revolution. Unleashing the Power of Everybody, Grand Rapids, Zondervan, 2004, 141 p. Ce livre n’est pas traduit en français.

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