La foi n'est pas toujours source de guérison personnelle

jeudi 19 juin 2014

Si la foi devrait être source d'équilibre personnel, elle fait parfois l'effet inverse. Après 20 ans de pratique dans le domaine de la relation d'aide, Bernard Bally nous explique pourquoi nombre de chrétiens ont besoin d'être guéris.

« Les Eglises devraient davantage prendre en compte la réalité émotionnelle des chrétiens, estime Bernard Bally, conseiller en relation d'aide retraité. Nombre de croyants nient leurs émotions, comme s'il était possible de les ignorer. » Lorsqu'il a fondé le Centre de thérapie chrétienne Horizon 9 en 1991 à Genève, Bernard Bally pensait accueillir des personnes de milieux divers. En fait, quasiment tous les clients du centre sont des chrétiens issus d'Eglises de la région. Ceux-ci cherchent une aide discrète, en dehors de leur communauté.
En une vingtaine d'années de pratique de la relation d'aide, Bernard Bally a pu dresser un inventaire des problèmes rencontrés par certains chrétiens. Et ceux-là ont deux causes principales : la famille et l'Eglise.
« Une famille, qu'elle soit chrétienne ou non, dysfonctionne de la même manière, explique Bernard Bally. Mais la foi accentue certains problèmes parce que, en son nom, ils sont niés plutôt que d'être reconnus et réglés. Ne dit-on pas que 'les choses anciennes sont passées' et que nous devons 'marcher par la foi' ? » En fait, un problème ignoré est souvent un problème qui grandit.
Lorsqu'ils font appel à la relation d'aide, beaucoup de chrétiens arrivent avec des préoccupations spirituelles. Ils ont la conviction que Dieu n'est pas content d'eux... voire que Satan domine leur vie. Le thérapeute a donc besoin de beaucoup de sagesse, afin de discerner les causes spirituelles et les causes psychologiques d'un problème. « En fait, à Horizon 9, nous avons rencontré peu de situations incluant un problème de démonologie, précise Bernard Bally. Par contre, nous avons rencontré beaucoup de blessures qui étaient la conséquence de dysfonctionnements familiaux. »
Un autre problème typiquement chrétien est causé par un divorce entre la tête et le cœur, entre une foi raisonnée et des émotions qui contredisent la raison. « Il n’est pas possible d’être un chrétien spirituellement mature, tout en restant émotionnellement immature ! », cite à ce propos Bernard Bally1

La bonne manière de renoncer à soi
Une mauvaise interprétation de quelques textes bibliques est une autre cause de difficultés psychologiques chez les chrétiens. Certains d’entre eux renoncent par exemple à tenir compte de ce qui se passe en eux lorsqu'ils lisent : « Si quelqu'un veut me suivre, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge chaque jour de sa croix, et qu'il me suive » (Luc 9.23). « Mais il s'agit d'un renoncement au vieil homme2, à son ancienne vie sans Dieu, précise Bernard Bally. Il ne s'agit pas de renoncer à exister, à avoir des pensées, des désirs, des sentiments et des émotions. »
Dans certaines Eglises, la crainte de désaccords, de différences et de conflits peut également engendrer une pression destructrice sur des croyants. Il est mal vu d'avoir des opinions divergentes... Du coup, des membres d’Eglises ont l'impression de ne pas compter. « En fait, cela tourne souvent autour de l'exercice de l'autorité, précise Bernard Bally. Cela se passe dans les Eglises, mais aussi dans les familles. C'est pour cela que j'apprécie beaucoup l'une des prises de position de la Conférence de Lausanne qui s'est tenue au Cap en 2010. Plusieurs médecins et psychiatres chrétiens y ont proclamé que la relation d'aide est un travail missionnaire. »
A l’avenir, les principaux problèmes des chrétiens vont changer, et la relation d'aide devra s'y adapter, estime Bernard Bailly. Actuellement, les personnes de 40 ans et plus souffrent souvent de blessures liées aux questions d'autorité, de soumission, de devoir. Mais les plus jeunes sont habitués à plus de liberté. Ils sont plutôt confrontés à un manque de repères. « L'Evangile devra leur en donner, leur montrer leur place dans leur famille et dans la société. Dans ce but, de plus en plus de chrétiens se forment à la relation d’aide et à l’accompagnement spirituel », conclut-il. 

Claude-Alain Baehler

 

Peter Scazzero, Je souffre, écoute-moi, éd. Empreinte, Paris, 2010.
Ephésiens 4.20-24.

 

Centre de thérapie chrétienne Horizon 9 : 
www.horizon9.ch

Association des conseillers chrétiens : 
www.acc-suisse.ch

 

 

  • Encadré 1:

    Bernard Bally, missionnaire à Genève...

    A la retraite depuis 2011, Bernard Bally est époux, père et grand-père. Il a fondé le Centre de thérapie chrétienne Horizon 9 en 1991 à Genève.
    Après avoir grandi à Genève, il a appris le métier d'architecte. Puis, il est parti se former au Bible Training Institute de Glasgow, pensant que Dieu l'enverrait comme missionnaire en Asie. Finalement, Dieu l'a envoyé en mission... à Genève, où il a exercé son métier, ainsi que celui d'assistant pastoral dans l'Eglise évangélique de Meyrin (FREE).
    A 44 ans, il a arrêté l'architecture afin de donner une nouvelle orientation à sa vie. « Je voulais pratiquer une activité proche des gens et en rapport avec l'Evangile », se souvient-il.
    Lors d'une rencontre générale de son Eglise, notre assistant pastoral a eu la surprise de découvrir en lui des réactions émotionnelles et une agressivité qu'il ne contrôlait pas. Il constate : « J'ai découvert qu'un domaine de ma vie avait besoin de guérison ».
    Ensuite, Bernard Bally a enchaîné plusieurs formations : deux écoles de relation d'aide données par Jeunesse en mission, puis une Formation pastorale à l'écoute et à la communication (CPT) donnée au CHUV à Lausanne. Il a complété son bagage par une formation de thérapeute de couple et de famille, et a commencé à envisager la création d'un centre de relation d’aide à Genève : « Alors que Dieu guérissait des blessures en moi, j'ai élaboré une ébauche de projet. L'aventure a débuté dans un local de 25 mètres carrés ; ensuite j'ai trouvé des locaux plus grands à la rue de Lyon, pas loin de la gare ».
    Une association a été créée, une équipe formée. Par la suite, Bernard Bally a vu la nécessité d'encadrer le métier de conseiller chrétien. Il a donc créé en 1998 avec d’autres personnes engagées dans la relation d’aide en Suisse romande une Association de conseillers chrétiens (ACC) en s'inspirant d'une association britannique similaire. Aujourd'hui, il ne travaille plus à Horizon 9, mais il préside toujours l'ACC.

  • Encadré 2:

    L'ACC : un gage de travail sérieux

    L'Association de conseillers chrétiens (ACC) vise à développer les compétences et la qualité du travail des conseillers chrétiens. « Certains thérapeutes bricolent avec du spirituel. D'autres pensent que leurs compétences viennent exclusivement de leur formation académique en psychologie. Pour ma part, je suis persuadé qu'une pratique supervisée est nécessaire pour développer ses compétences dans l’écoute de l’autre et de Dieu, comme dans le relationnel. »

     

     

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