« Evangile et développement » : un livre à lire et une rencontre à agender !

samedi 20 janvier 2007

« Evangile et développement », le livre du théologien réformé Reto Gmünder, fait un tabac actuellement dans les milieux évangéliques intéressés par les questions Nord-Sud. De manière très stimulante, ce petit livre articule action sociale et témoignage chrétien, au point qu’il fait partie des ouvrages de référence pour ceux qui réfléchissent à « Stop pauvreté 2015 ». Alors pour découvrir ce livre et son auteur, 2 possibilités : lire cette recension ou participer à la journée de la Plateforme chrétienne de développement du Réseau évangélique, qui accueillera Reto Gmünder, le 24 février à l’Eglise évangélique la Colline à Crissier. Et pourquoi pas en final lire le livre ?

« Ce livre s’enracine dans l’histoire d’Eglises africaines qui se sont mises au travail en vue d’une transformation des conditions de vie de leurs membres ». Reto Gmünder est de retour en Suisse après 5 ans passés au Cameroun dans le cadre du CICPRE (le Cercle international pour la promotion de la Création). Après 3 ans sur place, ce théologien réformé suisse a rédigé « Evangile et développement. Pour rebâtir l’Afrique », un livre qui vise à redonner aux communautés et aux paroisses un rôle d’acteur dans le développement. Et ce en proposant des orientations théologiques, pastorales et pratiques originales.

D’abord dépasser 2 impasses
Pour Reto Gmünder, il s’agit d’abord de dépasser deux impasses dans lesquelles ont abouti beaucoup d’Eglises du Sud ou engagées dans le Sud. Premièrement, l’impasse où s’opposent les tenants d’une foi chrétienne « qui ne ferait que préparer les gens au ciel » et ceux qui perçoivent le développement uniquement de manière technique et qui ne veulent aucune inscription d’une dynamique de développement dans un travail d’Eglise, sous prétexte que ce serait du prosélytisme. Pour Reto Gmünder, « l’Evangile et le développement ne sont pas des frères ennemis, mais des réalités interdépendantes... On ne peut pas séparer ces deux réalités puisqu’on ne peut annoncer la Parole sans l’incarner et on ne peut pas l’incarner sans d’une manière ou d’une autre la propager » (p. 51).
La deuxième impasse à surmonter... elle est plus terre à terre ! C’est celle des conflits sur le terrain entre les salariés d’ONG, les « spécialistes du développement », et les pasteurs. « En fait, un tel conflit a été à l’origine de la mise en place du premier séminaire que l’on m’a demandé d’animer sur le thème « Evangile et développement » en République démocratique du Congo », se rappelle Reto Gmünder.

Penser le développement à partir de la Création
Du point de vue théologique, Reto Gmünder pense le développement à partir du thème de la Création. Il ne s’agit pas de considérer simplement le développement comme une activité de promotion humaine ou de solidarité. Non ! le théologien suisse considère le développement comme une réponse à l’invitation de Dieu faite aux humains d’être co-responsables de la Création bonne (Ge 1). Dans cette perspective, le but de notre activité quotidienne n’est pas seulement de gagner notre vie, mais de participer à l’action créatrice de Dieu. S’interroger sur la volonté du Créateur par rapport à ce que l’on est en train de faire fait, par conséquent, partie intégrante de la conscience d’un collaborateur de Dieu.
Pour Reto Gmünder, Jésus-Christ « est lui-même, par sa personne, sa vie, sa mort et sa résurrection, la révélation du but ultime de la Création, de la fin dernière de tout développement » (p. 61). Le Royaume qu’il incarne résonne dans le réel comme un appel, un impératif et une vocation. Toujours extérieur au monde, ce Royaume « demande à être incarné dans des gestes, des actions concrètes, des réalisations « avant-gardistes », des expériences pilotes, précurseurs d’une nouvelle dynamique » (p. 67). Sur le terrain, la communauté chrétienne est invitée à ouvrir « des lieux d’espoir concrets » qui donneront un visage aux valeurs de ce Royaume.

Une pastorale de développement
L’auteur d’ « Evangile et développement » plaide ensuite pour la mise en place d’une pastorale de développement. Il s’agit « d’un travail concret et de proximité, en vue de construire des communautés chrétiennes qui soient des lieux où sont effectivement vécues les bénédictions de l’ère nouvelle, où se réalisent concrètement les promesses de libération, où l’être humain est rétabli dans ses relations avec lui-même, avec son semblable, avec l’environnement et avec Dieu » (p. 101). Concrètement, la pastorale de développement passe d’abord par le travail de certains préalables mentaux comme une attitude positive face au changement, par l’approfondissement du sens des responsabilités, la cohérence discours-pensée-action... En tout, 7 préalables qui visent à élaborer « des mentalités nouvelles, capables d’entreprendre un changement social en profondeur ».

Des outils pour « voir, juger, agir »
Vient ensuite la présentation des « outils de la pastorale de développement ». Reto Gmünder n’en reste donc pas au plan théologique. Il propose différents outils pratiques pour « voir, juger, agir », autant de manières de conduire une réflexion et une action dans le domaine du développement. Pour bien « voir et juger » le réel, il s’agit tout d’abord de mettre en place une « roue du développement », une manière de poser un diagnostic sur les conditions de vie des gens concernés par l’analyse. Il y a aussi l’arbre à problèmes. Ce dessin permet de représenter un problème en l’associant au tronc d’un arbre. Les racines sont les causes de ce problème et les branches les conséquences qu’il entraîne dans la vie des gens. En final, Reto Gmünder propose différents outils à même de stimuler la participation des différents acteurs au processus d’analyse, de décision, de réalisation et d’évaluation.

De nombreux mérites
Le livre de Reto Gmünder présente de nombreux mérites : celui d’articuler de manière étroite Evangile et développement, celui de proposer une inscription du développement dans notre vocation de collaborateurs de Dieu dans sa Création... Le moindre de ses mérites n’est en tout cas pas de proposer des outils pratiques pour faire des Eglises du Sud – et pourquoi pas du Nord aussi ? – « des lieux d’espoir concrets, témoins de la Foi, de l’Espérance et de l’Amour » (p. 143).
Un livre à lire donc par tous ceux que la réflexion chrétienne sur le développement intéresse. Un livre à lire aussi afin de prendre conscience de ce que des Eglises africaines pourraient initier ces prochaines années pour donner une nouvelle chance à un développement par le bas, porteur de valeurs évangéliques et nourris de la rencontre de l’Amour de Dieu.

Serge Carrel

Reto Gmünder, Evangile et développement. Pour rebâtir l’Afrique, Cameroun, CICPRE-Edition, 2002, 148 p.

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